Vous estimez être victime d’un préjudice du fait de votre licenciement ? Il vous revient de vérifier si celui-ci n’est pas entaché d’une
nullité.
Le licenciement est un mode de rupture de droit commun, qui permet à l’
employeur de
rompre le contrat de travail à durée indéterminée. Les règles du
licenciement sont d’ordre public, le
salarié ne peut y renoncer par avance. Il s’agit néanmoins d’un droit de résiliation unilatérale encadrée, puisqu’on est dans un rapport de pouvoir.
L’employeur peut décider du licenciement pour un motif associé à la personne du
salarié (motif personnel), ou pour un motif autre d’ordre économique. Il encourt des sanctions en cas de
licenciement sans cause réelle et sérieuse, nul ou prononcé sans respect des procédures légales ou conventionnelles. La
nullité est la façon dont réagit le droit face aux manquements les plus graves. Le
licenciement est dit
nul lorsqu’il est prononcé dans les cas, où la loi le prévoit (illégal) ou lorsqu’il y a violation d’une liberté fondamentale (illicite).
Lorsque le
licenciement est entaché d’une
nullité telle que la violation d'une liberté fondamentale, des faits de
harcèlement moral ou une discrimination avérée (Article
L. 1235-3 du Code du travail), le salarié peut de droit demander sa réintégration. Le
salarié qui ne demande pas la poursuite de l’exécution de son contrat de travail, ou qui se heurte à une réintégration impossible, a droit à la réparation de son préjudice ainsi qu’à des indemnités de rupture à la charge de son
employeur.
Il sera ici question de voir quels sont les cas de
nullité du licenciement (I), ainsi que les conséquences pour le salarié (II).
I. Les cas de nullité du licenciement
Selon l’article L1235-3-1 du Code du travail, est nul le licenciement :
- Discriminatoire dans les conditions mentionnées aux articles L. 1132-4 et L. 1134-4, en lien avec des faits de harcèlement moral ou sexuel dans les conditions mentionnées aux articles L. 1152-3 et L. 1153-4.
- Consécutif à une action en justice en matière d'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes dans les conditions mentionnées à l'article L. 1144-3, ou à une dénonciation de crimes et délits.
- D'un salarié protégé mentionné aux articles L. 2411-1 et en raison de l'exercice de son mandat.
- En méconnaissance des protections mentionnées aux articles L. 1225-71 et L. 1226-13.
- Prononcé en violation d'une liberté fondamentale.
A. Les nullités prévues par la loi
Au sein de cette catégorie, nous retrouvons l'ensemble des nullités prévues par un texte de loi. La loi prévoit la nullité du licenciement lorsque celui-ci est prononcé en méconnaissance des dispositions relatives :
- À la non-discrimination, à la protection des victimes ou témoins de harcèlement moral ou sexuel
- Les faits constitutifs de harcèlement moral sont définis et proscrit à L. 1152-1 du Code du travail : « aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral, qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail, susceptible de porter atteinte а ses droits et а sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel »
- L'article L. 1153-1 du Code du travail définit et prohibe, les deux types de harcèlement sexuel : « Aucun salarié ne doit subir des faits : 1o soit de harcèlement sexuel, constitué par des propos ou comportements а connotation sexuelle répétés, qui soit portent atteinte а sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent а son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante ; 2o soit assimilés au harcèlement sexuel, consistant en toute forme de pression grave, même non répétée, exercée dans le but réel ou apparent d'obtenir un acte de nature sexuelle, que celui-ci soit recherché au profit de l'auteur des faits ou au profit d'un tiers ».
- Puis l'article L. 1153-2 et l'article L. 1153-3 du Code du travail viennent protégés le salarié, victime ou témoin d’harcèlement sexuel de tout licenciement sous peine de nullité. La sanction de la nullité n'est toutefois pas prévue en cas d'agissement sexiste, ces comportements peuvent néanmoins donner lieu а des suites pénales.
- À la protection du salarié à la suite d’une action en justice en matière d’égalité professionnelle entre hommes et femmes ou de discrimination
- Est frappé de nullité le licenciement du salarié décidé en rétorsion de l'action en justice engagée sur le fondement des dispositions relatives à l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes (Article L1134-4 du Code du travail).
- La dénonciation d’un crime ou d’un délit
- Le licenciement d'un salarié prononcé pour avoir relaté ou témoigné, de bonne foi, de faits dont il a eu connaissance dans l'exercice de ses fonctions et qui, s'ils étaient établis, seraient de nature а caractériser des infractions pénales, est frappé de nullité. (Soc. 30 juin 2016, no 15-10.557)
- La protection des représentants du personnel
- En application de la protection dont bénéficient certains salariés, notamment ceux exerçant des fonctions de représentation, doit être annulé le licenciement d'un salarié protégé intervenu sans autorisation administrative (Article. L. 1235-3-1 du Code du travail).
- La grossesse, la maternité, la paternité, l’adoption et l’éducation des enfants
- Le 29 janvier 2020, la chambre sociale a rattaché la discrimination liée à l'état de grossesse à l'alinéa 3 du préambule de la Constitution de 1946, consacrant le principe d'égalité entre les hommes et les femmes, elle estime « qu'en application des dispositions des articles L. 1132-1 et L. 1132-4 du Code du travail, tout licenciement prononcé а l'égard d'une salariée en raison de son état de grossesse est nul ».
- La protection dont bénéficie les victimes d’accidents du travail et de maladies professionnelles (ATMP) pendant les périodes de suspension de leur contrat de travail
- Pendant les périodes de suspension du contrat de travail du salarié, consécutives а un accident du travail ou une maladie professionnelle, l'employeur ne peut rompre ce contrat que s'il justifie soit d'une faute grave de l'intéressé, soit de son impossibilité de maintenir ce contrat, pour un motif étranger а l'accident ou а la maladie, toute rupture du contrat de travail prononcée en méconnaissance de ces dispositions étant nulle.
Information: La relaxe d’un employeur accusé de harcèlement par le tribunal correctionnel faute d'élément intentionnel ne prive pas le salarié de faire reconnaître la nullité de son licenciement du fait du harcèlement sexuel dont il a été victime. (Cass soc. 25 mars 2020, n° 18-23.682)
Se faire assister par un
avocat en droit social est conseillé pour contester son licenciement.
B. La nullité caractérisée par une violation d’une liberté fondamentale
L’utilisation d’une liberté fondamentale par un
salarié ne pouvant justifier un licenciement, l’
employeur allant à l’encontre de cette règle, se heurtera à l’annulation de celui-ci.
Dans une décision
France Telecom du 13 mars 2001, la Cour de cassation a affirmé que
« la rupture du contrat de travail а l'initiative de l'employeur n'ouvre droit pour le salarié, dès lors qu'aucun texte n'interdit, ou ne restreint la faculté de l'employeur, de le licencier, qu'à des réparations de nature indemnitaire ; il en résulte que le juge ne peut, en l'absence de disposition le prévoyant et а défaut de violation d'une liberté fondamentale, annuler un licenciement ».
S’ensuit,
l’ordonnance no 2017-1387 du 22 septembre 2017, qui a fait de la violation d'une liberté fondamentale une nullité textuelle. Les droits et libertés pouvant être qualifiés de fondamentaux sont ceux qui ont un caractère essentiel pour l’individu. On peut les retrouver dans les grands textes supranationaux (déclarations, chartes, conventions, etc.).
Dès lors, la Cour de cassation a élevé au rang de liberté fondamentale le droit d'agir en justice. En s’appuyant sur la Convention de sauvegarde des droits de l'homme pour dire «
qu'est nul comme portant atteinte а une liberté fondamentale le licenciement intervenu en raison d'une action en justice introduite par le salarié » (
Soc. 16 mars 2016, no 14-23.589).
La chambre sociale a également reconnu un caractère fondamental à la liberté d’expression, à la liberté de témoigner ainsi qu’à la liberté du
salarié de choisir son domicile. La loi prévoit également la nullité des licenciements, prononcés en méconnaissance ou en violation des dispositions relatives au droit de grève. Cependant il est utile de préciser que tous les droits et libertés qualifiés de fondamentaux par des textes supranationaux, ne sont pas assurés de servir de fondements à la
nullité d'un licenciement.
II. Les conséquences de la nullité du licenciement
Lorsqu’un licenciement est jugé nul, il est considéré comme n’avoir jamais existé. La nullité replace le salarié dans la situation qui était la sienne avant que n'intervienne l'acte illicite. L’annulation du licenciement a pour conséquence l’indemnisation, réparant l'intégralité du préjudice subi par le salarié. Ce dernier peut alors s’il le souhaite demander sa réintégration dans l’entreprise.
A. La réintégration du salarié
En cas de
licenciement nul, le
salarié a droit à être réintégré dans son emploi ou dans un emploi équivalent, sauf en cas de réintégration impossible. Celle-ci pourra être ordonnée par le juge des référés. La réintégration s’impose à l’
employeur dès lors que la
nullité du licenciement, a été constatée par le juge et que le salarié a demandé la poursuite du contrat.
La demande de réintégration n'est soumise à aucun délai. Il existe néanmoins une exception pour ce qui est des
salariés protégés. En effet, lorsque la décision de l'inspecteur du travail d'autoriser le licenciement est annulée par le ministre ou le juge, le
salarié dispose d'un délai de deux mois pour demander sa réintégration (
L'article. L. 2422-1 du Code du travail). Le salarié victime d’un
licenciement nul pourra bénéficier d'une indemnité qui va ouvrir la réparation intégrale de son préjudice.
La Cour de cassation a estimé que
« le salarié dont le licenciement est nul, et qui demande sa réintégration a droit au paiement d'une somme, correspondant а la réparation de la totalité du préjudice subi au cours de la période, qui s'est écoulée entre son licenciement et sa réintégration, dans la limite du montant des salaires dont il a été privé » (
Soc. 3 juill. 2003, no 01-44.522). Il obtiendra alors les salaires qu’il aurait dû percevoir depuis son départ jusqu’à sa
réintégration. En seront déduits les rémunérations perçues pendant cette période, ainsi que les revenus de remplacement tels que les allocations chômage.
Toutefois, le
salarié réintégré ne peut prétendre ni aux indemnités de rupture, ni à des dommages et intérêts sauf s’il justifie d’un préjudice distinct et supplémentaire.
Exemple : le licenciement prononcé dans le cas de l’action en justice du salarié ou de son droit de grève.
B. La non-réintégation du salarié
Un
salarié qui ne veut pas demander sa réintégration, ou dont la réintégration est impossible quelle que soit son ancienneté ou la taille de l’
entreprise, doit avoir droit à une indemnité réparant l'intégralité du préjudice, mais également à des indemnités de rupture.
Dans le célèbre
arrêt Renou du 27 juin 2000, la Cour de cassation a considéré que
« le salarié, victime d'un licenciement nul et qui ne demande pas sa réintégration a droit, quelle que soit son ancienneté dans l'entreprise, d'une part, aux indemnités de rupture, d'autre part, а une indemnité réparant l'intégralité du préjudice résultant du caractère illicite, du licenciement et au moins égale aux six derniers mois de salaire. »
- L’indemnité réparant l'intégralité du préjudice, égale au préjudice subi, ne peut être inférieur à 6 mois de salaire (article L. 1235-3-1 du Code du travail). Celle-ci constitue des dommages et intérêts.
- Les indemnités de rupture : en cas de licenciement nul, le salarié a droit à une indemnité compensatrice de préavis, à une indemnité de congés payés et à une indemnité de licenciement, quel que soit le motif de la rupture.