L’employeur est tenu d’une obligation de sécurité en vertu de l’article L. 4121-1 du code de travail, il est donc dans l’obligation de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.
Ainsi, si l’employeur fait travailler un de ses salariés durant un arrêt maladie, il pourra être condamné à des dommages et intérêts dès lors que cette obligation de sécurité ne sera pas remplie. Il est important de rappeler qu’en cas de congé maternité , cette même obligation de sécurité existe et elle est énoncée par les articles L. 1225-17 et L. 1225-29 du code du travail.
Pour rappel, l'arrêt maladie correspond à une prescription médicale attestant que le salarié ne peut exécuter son contrat de travail pendant un délai déterminé. Durant cette période, le contrat de travail est suspendu cela veut dire que le salarié ne travaille pas et il ne reçoit pas de salaire de la part de son employeur.
Mais que se passe-t-il si l'employeur décide de passer outre l'arrêt de travail, et faire venir travailler - même ponctuellement - un salarié dans l'entreprise ? A travers cet article, Maitre Johan Zenou vous dresse un état des lieux de la jurisprudence en la matière.
I - L’ancienne solution : le préjudice comme condition à la réparation
En principe, depuis 2016, la réparation que le salarié pouvait obtenir après avoir travaillé durant un arrêt de travail ou un congé maternité était soumise à la condition d’un préjudice nécessaire ayant donc été entrainé par le manquement à l’obligation de sécurité de l’employeur. Cette règle découle d’un arrêt de la chambre sociale du 13 avril 2016 n°14-29.293.
En effet, la Cour avait pu soulever le manquement à une obligation de l’employeur ; toutefois, ce manquement n’avait entraîné aucun préjudice pour le salarié. La Cour avait donc conclu qu’il y avait une nécessité que le salarié prouve un préjudice et qu’il montre l’étendue de celui -ci pour pouvoir demander des dommages et intérêts au titre du manquement à l’une des obligations de l’employeur.
Au fil du temps, la Cour de cassation a commencé à admettre de nombreux cas où il n’y avait pas d’obligation de démontrer un préjudice pour que le salarié qui faisait face à un manquement d’une obligation de son employeur puisse obtenir une réparation.
En effet, des exceptions ont vu le jour dans les cas où l’employeur entreprenait des dépassements de la durée maximale quotidienne de travail, comme le précise l’arrêt de la chambre sociale du 11 mai 2023 n°21-22.281, mais aussi hebdomadaire, selon un arrêt de la chambre sociale du 26 janvier 2022 n° 20-21.636.
En plus de ces cas particuliers, la cour a aussi admis une exception pour les cas de non-respect du repos journalier entre 2 services prévus conventionnellement, d’après un arrêt de la chambre sociale du 7 février 2024 n°21-22.809
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Le droit européen, par plusieurs de ses directives a toujours affirmé que l’employeur qui faisait travailler son salarié durant un arrêt maladie ou un congé maternité devait réparer ce qui constituait un manquement à l’obligation de sécurité et le salarié allait pouvoir obtenir, peu importe le préjudice, une réparation.
Cela n’a pas toujours été le cas en France, mais au fur et à mesure du temps et dans ce même esprit, la jurisprudence française a fini par renverser ses anciennes solutions et supprimer l’obligation d’un préjudice nécessaire pour obtenir une réparation dans le cas d’un travail fourni durant un arrêt maladie ou un congé maternité.
II - Le cas de l’arrêt maladie ou du congé maternité : la suppression du préjudice nécessaire
Par des arrêts rendus le 4 septembre 2024, un total revirement a eu lieu s’agissant de l’obligation de démontrer un préjudice pour obtenir des dommages et intérêts. Ce renversement apparaît comme une solution innovante qui va pouvoir changer considérablement l’approche des salariés dans leurs demandes de réparation.
Dans un arrêt rendu par la chambre sociale le 4 septembre 2024 n° 23-15.944, la Cour va considérer que le seul manquement pour l’employeur de faire travailler son salarié durant un arrêt maladie va ouvrir le droit à la réparation pour ce salarié. Ainsi, elle opère une importante dérogation au principe de 2016, car même sans la démonstration d’un quelconque préjudice, le salarié va pouvoir obtenir des dommages et intérêts de la part de l’employeur qui manque à son obligation de sécurité.
Du côté du droit européen, ce sont les articles 5 et 6 de la directive 89/391/CEE du 12 juin 1989 qui garantissent que l’employeur a une obligation de ne pas faire travailler le salarié durant son arrêt de travail sous peine d’être condamné à des dommages et intérêts.
Ici, les règles demeurent identiques à celles du cas du travail durant l’arrêt maladie. En effet, par un arrêt de la chambre sociale rendu le 4 septembre 2024 n° 22-16.129 la Cour de cassation considère que le seul manquement de l’employeur de faire travailler la salariée durant un congé de maternité ouvre droit à réparation. Ainsi, il n’existe plus le besoin de prouver un préjudice pour obtenir réparation dès lors que la salariée aura été sollicitée durant son congé maternité.
Il est important de préciser que cette règle est aussi garantie par l’article 8 de la directive 92/85/CEE. En effet, cette directive veut protéger les femmes en congé maternité et si l’employeur ne respecte pas la suspension de travail, il devra répondre de ses agissements et sera condamné à des dommages et intérêts.
À noter :
Un rappel de salaire ne peut être demandé par le salarié pour le travail fourni durant l’arrêt de travail ou le congé maternité. C’est dans un arrêt de la chambre sociale rendu le 2 octobre 2024 n° 23-11.582 que la Cour de cassation est venue préciser cela en insistant sur le fait qu’il n’y a pas d’autre voie de recours contre l’employeur que l’action en dommages et intérêts et le rappel de salaire ne peut donc pas être demandé, même si un travail a bien été fourni.
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