Obligation d'information sur le risque thérapeutique : ce que chaque patient doit savoir

Obligation d'information sur le risque thérapeutique : ce que chaque patient doit savoir

     Depuis la loi Kouchner dite "sur les droits des patients" du 4 mars 2002, les droits des patients n'ont pas cessés d'évoluer leur permettant de revendiquer un véritable "droit à être informer" de leur état de santé.

     Cette information a pour but de permettre au patient de prendre « avec le professionnel de santé, et compte tenu des informations et des préconisations qu'il lui fournit, les décisions concernant sa santé ». (Article L. 1111-4 CSP).

     Le Cabinet ZENOU, expert en dommage corporel, vous détaille dans une première partie la portée de l'obligation d'information (A), puis dans un second temps, Maitre ZENOU vous détaillera les limites de l'obligation d'information (B). Enfin dans une troisième et dernière partie, Maitre ZENOU évoquera l'inéxécution de l'obligation d'information (C).

A)   La portée de l’obligation d’information

·       Ce que dit la loi…

La loi impose au médecin de délivrer une information préalable qui éclaire le patient (ou sa personne de confiance) sur la nature et les conséquences du traitement ou de l’intervention envisagée et lui permets d’accepter ou de refuser en toute connaissance de cause.

Article 35 du Code de déontologie médicale (article R.4127-35 alinéa 1er du Code de la santé publique) :

« Le médecin doit à la personne qu'il examine, qu'il soigne ou qu'il conseille une information loyale, claire et appropriée sur son état, les investigations et les soins qu'il lui propose. Tout au long de la maladie, il tient compte de la personnalité du patient dans ses explications et veille à leur compréhension ».

Article 16-3 du Code civil (alinéa 2):

« Le consentement de l'intéressé doit être recueilli préalablement hors le cas où son état rend nécessaire une intervention thérapeutique à laquelle il n'est pas à même de consentir ».

 Article L.1111-2 du Code de la santé publique :

« Toute personne a le droit d'être informée sur son état de santé. Cette information porte sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu'ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus (…). Lorsque, postérieurement à l'exécution des investigations, traitements ou actions de prévention, des risques nouveaux sont identifiés, la personne concernée doit en être informée, sauf en cas d'impossibilité de la retrouver (…).

La volonté d'une personne d'être tenue dans l'ignorance d'un diagnostic ou d'un pronostic doit être respectée, sauf lorsque des tiers sont exposés à un risque de transmission ».

Article L.1111-6 du Code de la santé publique :

« Toute personne majeure peut désigner une personne de confiance qui peut être un parent, un proche ou le médecin traitant et qui sera consultée au cas où elle-même serait hors d'état d'exprimer sa volonté et de recevoir l'information nécessaire à cette fin. La personne de confiance rend compte de la volonté de la personne. Son témoignage prévaut sur tout autre témoignage.

Si la personne majeure le souhaite, la personne de confiance l'accompagne dans ses démarches, assiste aux entretiens médicaux afin de l'aider dans ses décisions et l'aide à la connaissance et à la compréhension de ses droits si elle rencontre des difficultés.

La désignation est faite par écrit et cosignée par la personne désignée. Elle est valable sans limitation de durée, à moins que la personne majeure ou la personne de confiance n'en disposent autrement. Elle est révisable et révocable à tout moment ».

·       Ce que précise la jurisprudence judiciaire…

-     Sur le fondement de l’obligation d’information

La Cour de cassation reconnait à l’obligation d’information un caractère constitutionnel : le devoir d’information « trouve son fondement dans l’exigence du respect du principe constitutionnel de sauvegarde de la dignité de la personne humaine », principe de valeur constitutionnelle depuis la décision du Conseil constitutionnel du 27 juillet 1994 et relative aux lois bioéthiques.

-        Sur la qualité de l’information

Jusqu’à la fin des années 1990, la jurisprudence imposait que l’information que donne le médecin au patient soit « simple, intelligible et loyale » (Cass ; Civ, 1e, 5 mai 1981).

Depuis, elle a renforcé son exigence d’une information de qualité : l’information doit être « loyale, claire et appropriée » (Cass. Civ., 1e, 27 mai 1998).

En d’autres termes, le médecin ne doit plus seulement se contenter d’ajuster son information en fonction de la personnalité et de la psychologie du patient ; il est également tenu de lui délivrer une information complète.

-        Sur le contenu de l’information

L’information délivrée par le médecin doit concerner le diagnostic de la maladie dont est atteint le patient, les traitements et soins envisagées par le médecin mais aussi par le patient ainsi que leurs risques (Cass. Civ. 1e, 20 janvier 1987).

Cependant, un médecin n’est pas tenu de convaincre son patient du danger de l’acte médical qu’il demande. Il doit simplement l’en informer (Cass. Civ. 1er, 18 janvier 2000).

En revanche, le médecin qui accéderait à la demande d’un patient dûment informé des risques qu’il encourt de pratiquer un acte médical contraire aux données acquise de la sciences médicale commettrait une faute (Cass. Civ. 1e, 27 mai 1998).

De même, le médecin qui accepterait trop facilement le refus du malade de recevoir des soins serait fautif.

Jusqu’à la fin des années 1990, la jurisprudence exigeait qu’en matière de chirurgie ou de médecine ordinaires, le médecin informe le patient des seuls « risques normalement prévisibles » du traitement ou de l’intervention projetée. Le médecin n’était donc pas tenu de signaler au patient les risques exceptionnels (Cass. Civ. 1e, 6 mars 1979).

Depuis 1998, la Cour de cassation a jugé que l’obligation d’information doit porter « sur les risques graves » des actes médicaux proposés par le médecin, que ceux-ci soient ou non exceptionnels (Cass, Civ. 1e, 27 mai 1998 ; Cass. Civ. 1e, 15 juillet 1999), conformément aux recommandations de l’ANAES de 2000.

Cette nouvelle jurisprudence s’applique de manière rétroactive (Cass. Civ. 1e, 9 octobre 2001).

La loi du 4 mars 2002 a par ailleurs étendu l’étendue de l’obligation d’information aux risques bénins mais fréquents.

Si la notion de risque grave n’a pas été définie par la jurisprudence, il apparait d’après la définition du conseiller SARGOS que « le risque grave est de nature à avoir une influence sur la décision du patient d’accepter ou non les investigations, soins ou interventions proposés par le médecin, soit les risques de nature à emporter des conséquences mortelles, invalidantes ou même esthétiques graves » (rapport sous Cass. Civ., 1e, 14 octobre 2002).

La question s’est posée de savoir si cette jurisprudence a été remise en cause par la loi du 04 mars 2002, laquelle évoque « les risques fréquents ou graves normalement prévisibles ». Or, d’après la doctrine majoritaire, l’article 1111-2 prévoirait simplement que les risques doivent être connus. Cette interprétation semble corroborée par la Cour de cassation (Cass, Civ., 1e, 18 décembre 2002).

Il est à noter que cette condition s’apprécie de manière objective et in abstracto (Cass. Civ 1e, 7 juillet 1998). En d’autres termes, il ne s’agit pas de savoir si le médecin avait connaissance des risques de l’acte médical mais de savoir si ces risques étaient recensés par la sciences médicales au moment des faits, étant entendu que le fait que ces risques soient controversés est sans incidence (Cass. Civ. 1e, 7 octobre 1998).

Toutefois, en dépit de ce qui précède, le médecin est légalement tenu de délivrer une information exhaustive portant sur l’ensemble des risques encourus dans cinq cas :

1.     Les prestations de chirurgie esthétiques

2.     Les prélèvements d’organes sur une personne vivante

3.     Les interruptions volontaires de grossesse pour état de détresse invoqué

4.     L’assistance médicale à la procréation

5.     Les recherches biomédicales

·       Ce que précise la jurisprudence administrative…

La jurisprudence administrative a suivi la même évolution que celle de la Cour de cassation puisque le Conseil d’Etat, dans les arrêts Consorts TELLE, a estimé que l’obligation d’information doit porter sur tous les risques graves et connus, que ceux-ci soient ou non exceptionnels (CE, 5 janvier 2000, Consorts TELLE).

Jusqu’alors, il s’agissait de distinguer les risques prévisibles des risques imprévisibles (CE, 09 janvier 1990, Carteron).

Le Conseil d’Etat a par la suite confirmé son revirement de jurisprudence en délimitant le contenu de l’information aux « risques connus de décès ou d’invalidité, incluant ceux qui ne se réalisent qu’exceptionnellement » (CE, 27 septembre 2002 ; CE 30 mars 2009).

B)     Les limites de l’obligation d’information

La jurisprudence judiciaire (Cass. Civ. 1e, 7 octobre 1998) suivie par la jurisprudence administrative (CE, 5 janvier 2000) a posé plusieurs limites à l’obligation d’information du médecin :

o   En cas d’urgence ou d’impossibilité ;

o   En cas de refus du patient d’être informé.

Ces limites ont ensuite été expressément prévues par la loi :

Article 16-3 du Code civil :

« Le consentement de l'intéressé doit être recueilli préalablement hors le cas où son état rend nécessaire une intervention thérapeutique à laquelle il n'est pas à même de consentir ».

Article L.1111-2 du Code de la santé publique :

"(...) Cette information incombe à tout professionnel de santé dans le cadre de ses compétences et dans le respect des règles professionnelles qui lui sont applicables. Seules l'urgence ou l'impossibilité d'informer peuvent l'en dispenser. Cette information est délivrée au cours d'un entretien individuel.

La volonté d'une personne d'être tenue dans l'ignorance d'un diagnostic ou d'un pronostic doit être respectée, sauf lorsque des tiers sont exposés à un risque de transmission".

La Cour de cassation a également consacré une autre limite, l’exception thérapeutique, laquelle a été reprise dans la loi :

Article 35 du Code de déontologie médicale (article R.4127-35 alinéas 2 et 3 du Code de la santé publique) :

« […] Toutefois, sous réserve des dispositions de l'article L. 1111-7, dans l'intérêt du malade et pour des raisons légitimes que le praticien apprécie en conscience, un malade peut être tenu dans l'ignorance d'un diagnostic ou d'un pronostic graves, sauf dans les cas où l'affection dont il est atteint expose les tiers à un risque de contamination.

Un pronostic fatal ne doit être révélé qu'avec circonspection, mais les proches doivent en être prévenus, sauf exception ou si le malade a préalablement interdit cette révélation ou désigné les tiers auxquels elle doit être faite ».

L’intérêt du patient s’apprécie selon la nature de la pathologie, son évolution prévisible et la personnalité du malade (Cass. Civ. 1e, 23 mai 2000).

Cette dernière dispense n’a toutefois pas été expressément prévue par la loi du 4 mars 2002.

A)   L’inexécution de l’obligation d’information

-        La sanction du défaut d’information

Le défaut d’information préalable à une intervention techniquement justifiée ne constitue jamais une infraction pénale sinon une faute civile.

La jurisprudence tant judiciaire qu’administrative a tardé à admettre que la responsabilité du médecin puisse être engagée pour défaut d’information (CE, 17 février 1988, CHR Nancy ; Cass. Civ., 1e, 7 février 1990).

L’existence d’un défaut d’information permet de retenir la responsabilité du médecin, à condition toutefois que le patient ait subi un préjudice corporel qui soit à l’origine de cette défaillance.

Or, l’existence d’un lien de causalité n’est pas toujours aisée à apprécier.

Il convient de distinguer trois situations :

·       Soit le juge constate que le patient, s’il avait été informé du risque, aurait refusé l’acte médical – la réparation du préjudice découlant de la réalisation du risque est alors intégrale.

·       Soit le juge du fond constate que le patient même informé du risque, aurait accepté de subir l’acte médical – le préjudice n’est alors pas indemnisable (Cass. Civ. 1e, 20 juin 2000 ; Cass. Civ. 1e, 04 février 2003).

·       Soit le juge du fond constate que le patient, s’il avait été informé du risque, aurait refusé l’acte médical – La réparation du préjudice est alors partielle et fondée sur la perte de chance (Cass. Civ., 1e, 07 février 1990).

Pour constater l’une de ces situations, le juge doit prendre en considération l’état de santé du patient, son évolution prévisible, sa personnalité, les raisons des actes proposés, les caractéristiques de ces actes et leurs risques (Cass. Civ 1e, 20 juin 2000).

Selon la jurisprudence judiciaire, la réparation de la perte d’une chance ne présente pas un caractère forfaitaire mais correspond à une fraction des différents préjudices subis.

La jurisprudence administrative, quant à elle, a tardé à accepter le principe de la perte de chance (CAA Paris, 09 juin 1998, GUILLEBAUD) mais le Conseil d’Etat préconise aujourd’hui d’évaluer le montant total du préjudice subi et de fixer ensuite le montant de l’indemnisation à verser au patient à un pourcentage du dommage en fonction de la probabilité qu’il y aurait eu de voir le patient refuser l’intervention s’il avait été informé du risque (CE, 05 janvier 2000, Consorts TELLE).

En ce qui concerne le préjudice moral, la Cour de cassation refuse de l’indemniser. Elle a jugé que « le seul préjudice indemnisable à la suite du non-respect de l’obligation d’information est la perte de chance d’échapper au risque qui s’est réalisé ».

-        La charge de la preuve du défaut d’information

Jusqu’à la fin des années 1920, la charge de la preuve du défaut d’information ou de consentement reposait sur le patient (Cass. Civ. 1e, 29 mai 1951).

Aujourd’hui, c’est au médecin qu’il incombe d’apporter la preuve que l’information a été correctement délivrée (Cass. Civ. 1e, 25 février 1997, Hédreul ; CE, 05 janvier 2000, Consorts TELLE ; CE, 27 septembre 2002), ainsi que la loi le prévoit :

Article L.1111-2 du Code de la santé publique :

« En cas de litige, il appartient au professionnel ou à l'établissement de santé d'apporter la preuve que l'information a été délivrée à l'intéressé dans les conditions prévues au présent article. Cette preuve peut être apportée par tout moyen ».

Il s’agit en fait d’une présomption de responsabilité dont le médecin peut s’exonérer en apportant la preuve de l’information délivrée.

-        Les modes de preuve

La preuve peut être rapportée par tout moyen.

La Cour de cassation admet notamment la preuve par témoignages, indices ou présomptions (Cass. Civ. 1e, 14 octobre 1997).

Un écrit n’est donc pas nécessaire.

De surcroit, un écrit n’est jamais suffisant : le médecin doit toujours délivrer l’information oralement en l’adaptant à la personnalité du patient pour s’assurer de sa bonne compréhension (CA Paris, 20 novembre 1998).

Le Code de la santé publique exige ainsi : « Cette information est délivrée au cours d’un entretien individuel » (Article L.1111-2).

La preuve écrit n’est exigée qu’en cas de circonstances exceptionnelles limitativement énumérées par la loi :

·       en cas de surdité du patient ;

·       pour le prélèvement de sang après modification des caractéristiques de celui-ci ;

·       pour les recherches biomédicales ;

·       pour l’administration d’un produit sanguin labile pendant un séjour hospitalier.

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