Toute bonne relation de travail entre un employeur et son
salarié repose sur une confiance mutuelle caractérisée, en droit, par
l’obligation de loyauté qui figure parmi les obligations essentielles du
contrat de travail.
Bien que
l’obligation de loyauté soit évidente sur le principe, son contenu et sa mise œuvre restent complexes et difficilement saisissables. Maître Johan Zenou,
avocat en droit social Paris 20ème, vous éclaire sur la notion en vous expliquant ce qu’est l’obligation de loyauté (I.), ce que cela implique pour le
salarié (II.) et les éventuelles sanctions en cas de violation de l’obligation (III.).
I. Qu’est-ce que l’obligation de loyauté ?
Avant d’étudier les caractéristiques de l’obligation de loyauté (B.) il est important d’en donner une définition (A.).
- La définition de l’obligation de loyauté
Il convient de préciser que
l’obligation de loyauté n’est pas explicitement consacrée par la loi mais découle du
principe de bonne foi reconnu par l’article
L.1222-1 du Code du travail qui rappelle que
« le contrat de travail est exécuté de bonne foi. » En réalité, ce n’est que la reprise en droit du travail des articles 1104 et 1194 du Code civil. (Article
1104 du Code civil + article
1194 du Code civil). Ainsi, le
salarié est naturellement tenu par cette
obligation de loyauté qui se traduit par une obligation de ne pas nuire à la bonne exécution du contrat de travail ou causer du tort de quelque manière que ce soit à son
employeur.
Bon à savoir : Il n’existe aucune liste exhaustive de situations permettant d’identifier une violation de l’obligation de loyauté. Seule une analyse casuistique par le juge permet de qualifier cette violation.
- Les caractéristiques de l’obligation de loyauté
L’obligation de loyauté, étant déduite du principe de bonne foi, emporte pour conséquence d’être d’ordre public. Ainsi, elle est inhérente au contrat de travail et n’a nul besoin d’être expressément stipulée pour s’appliquer dans la relation contractuelle. Ce qui inclut donc une impossibilité de l’écarter et ce même en présence d’un commun accord par les parties.
A noter: Néanmoins, il est tout à fait possible pour les parties, en guise de précaution, d’en rappeler l’existence par écrit.
II. Qu’est-ce qu’implique l’obligation de loyauté pour le salarié ?
Nous nous attarderons sur les déclinaisons sous-jacentes de l’obligation de loyauté (A.) avant d’aborder l’étendue celle-ci (B.).
- Les déclinaisons de l’obligation de loyauté à la charge du salarié
Cette obligation comprend une obligation générale de loyauté, une obligation de fidélité et de non-concurrence mais également une obligation de confidentialité.
• Une obligation générale de loyauté :
L’exécution loyale du
contrat de travail par le
salarié implique, tout d’abord, une
obligation générale de ne pas porter atteinte aux intérêts de l’
employeur qui passe notamment par la prohibition de comportements et agissements moralement et pénalement répréhensibles tels que le
vol, les manœuvres frauduleuses, la tromperie, la
diffamation…
Exemple : Le comportement du salarié, qui omet de communiquer à son employeur une information susceptible de perturber ou de nuire au bon fonctionnement de l’entreprise ou à sa réputation, est considéré comme déloyale. À cet égard, la Cour de cassation a jugé un manquement à l’obligation de loyauté de la part d’une salariée, qui s’était volontairement abstenue de prévenir par avance son employeur, d’une intervention chirurgicale programmée depuis plusieurs mois et nécessitant une absence prolongée. (Cass. Soc., 21 novembre 2012, 11-18.686, ). De la même manière, la chambre sociale de la Cour de cassation a jugé déloyal, le comportement du salarié qui avait dissimulé à son employeur sa mise en examen en rapport avec ses activités professionnelles. (Cass. Soc. 29 septembre 2014, 13-13.661).
De plus, pour répondre à cette
obligation générale de loyauté, le
salarié doit se mettre en mesure d’exécuter et de s’adapter aux travaux qui lui ont été confiés par son
employeur. À ce titre, la chambre sociale de la Cour de cassation a jugé fautif, le fait pour une salariée de refuser de suivre une formation qui lui était nécessaire pour assurer, les fonctions et missions prévues par le
contrat de travail. (
Cass. Soc., 3 mai 1990, 88-41.900).
• Une obligation de fidélité et de non-concurrence :
En raison du devoir de loyauté envers son
employeur, le salarié est soumis à une
obligation de fidélité et de
non-concurrence qui lui interdit, pendant toute la durée de son
contrat de travail, toute activité concurrente pour son propre compte ou celui d’un tiers. À titre d’exemple, en juillet 2014, la chambre sociale de la Cour de cassation a jugé déloyal, le comportement du
salarié, qui tout en étant en activité auprès de son employeur, avait créé une société directement concurrente à la sienne. (
Cass. Soc., 9 juillet 2014, 13-12.423).
De la même manière, la chambre sociale de la Cour de cassation a qualifié de manquement à l’
obligation de loyauté, le fait pour un
salarié de travailler pour le compte d’une
entreprise concurrente durant une période de congés puisqu’une telle activité causerait nécessairement un préjudice à l’employeur. (
Cass. Soc., 28 janvier 2015, 13-18.354). En revanche, la chambre sociale de la Cour de cassation a jugé que l’aide temporaire et bénévole, de la concubine d’un gérant de bar pendant son congé n’était pas un acte déloyal, envers son propre employeur. (
Cass. Soc., 11 juin 2003, 02-42.818,).
Cependant, l
’obligation de fidélité et de
non-concurrence ne rime pas forcément avec l’exclusivité du salarié auprès d’un seul et unique employeur. Sauf
clause d’exclusivité dans le
contrat de travail, un
salarié peut cumuler plusieurs emplois dès lors qu’il respecte les dispositions relatives au temps de travail.
Rappel : L’obligation de non-concurrence issue du devoir de loyauté est à distinguer de la clause de non-concurrence qui intervient après la rupture du contrat de travail et vise à empêcher le salarié de concurrencer son employeur.
• Une obligation confidentialité :
Au titre de
l’obligation de confidentialité, le salarié est tenu par un devoir de discrétion aussi bien dans l’enceinte de l’établissement qu’à l’extérieur. Cette obligation, ayant pour but de préserver le savoir-faire propre de l’
entreprise, met à la charge du
salarié :
- Une interdiction de divulguer les informations à caractère confidentiel dont il aurait eu connaissance dans le cadre de ses fonctions.
- Une obligation de prendre toutes les précautions nécessaires afin d’éviter de se les faire subtiliser.
À titre d’exemple, la chambre sociale de la Cour de cassation a jugé comme un manquement à l’obligation de confidentialité, le fait pour un
salarié de révéler les difficultés financières de son entreprise. (
Cass. Soc., juin 1982, 80-41.114,).
- L’étendue de l’obligation de loyauté
• À qui s’adresse-t-elle ?
L’obligation de loyauté s’applique à
l’ensemble des salariés de l’entreprise indépendamment de leur qualification socioprofessionnelle ou même de type de contrat. Ainsi, sont aussi bien concernés les cadres, les techniciens, les ouvriers, qu’ils soient à temps plein ou à temps partiel, en
contrat à durée indéterminée (CDI),
contrat à durée déterminée (CDD) ou même en
contrat d’apprentissage…
Néanmoins, il convient de préciser que l’intensité du devoir de loyauté peut être variable en fonction du poste occupé par le
salarié : plus sa position hiérarchique dans l’
entreprise est élevée plus cette obligation est renforcée. À cet égard, la chambre sociale de la Cour de cassation a admis que les cadres supérieurs étaient soumis à une obligation de loyauté renforcée. (
Cass. Soc., 31 octobre 2012, 11-17.695,).
• Quelle en est la durée ?
En principe,
l’obligation de loyauté perdure tout au long de la durée du
contrat de travail et ce même pendant la suspension du contrat ou encore au moment du préavis. Ainsi, un
salarié, qu’il soit en arrêts de travail ou en congés (congés payés, congé maternité, congé pour la création d’entreprise…), reste tenu par cette obligation. C’est ce que rappelle la chambre sociale de la Cour de cassation : le salarié ne peut être contraint de poursuivre une collaboration avec son
employeur pendant son congé. En revanche, il est dans l’obligation de mettre à disposition le matériel et les documents nécessaires au bon fonctionnement de l’
entreprise durant son absence. (
Cass. Soc., 15 juin 1999, 96-44.772).
A savoir : L’obligation de loyauté peut être maintenue après la cessation du contrat de travail en présence d’une clause de non-concurrence.
III. Quelles sont les sanctions encourues par le salarié en cas de violation de l’obligation de loyauté ?
La violation de l’obligation de loyauté peut entrainer des
sanctions disciplinaires telles que le
licenciement du
salarié par l’employeur. En effet, ce manquement constitue une cause réelle et sérieuse de
licenciement. D’ailleurs, cette violation peut également être qualifiée de
faute grave ou de faute lourde. Dans ce cas, l’indemnité de licenciement et l'indemnité compensatrice de préavis ne sont plus versées au salarié.
Bon à savoir : Même en présence d’une violation de l’obligation de loyauté, l’employeur doit respecter la procédure de licenciement.
Sur le plan civil, le
salarié peut être dans l’obligation de verser des
dommages-intérêts à son employeur en réparation du préjudice qu’il a subi. En cas
d’infraction pénale résultant de la violation de l’obligation de loyauté, l’
employeur peut intenter une action donnant à une condamnation.
Sanction pénale : Le
salarié, qui divulgue une information confidentielle, s’expose, en vertu de l’article
226-13 du Code pénal, à une peine d’un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende
.
En tant qu’
employeur, vous constatez une violation de l’
obligation de loyauté par vos
salariés et vous souhaitez y remédier ? Le
Cabinet Zenou, avocat en droit du travail à Paris 20ème, vous accompagne et vous conseille tout au long de la procédure afin de trouver la solution la plus adaptée.