Le droit à la défense dans les procédures disciplinaires : garanties et limites

Le droit à la défense dans les procédures disciplinaires : garanties et limites
Un salarié est soumis à l’autorité de son employeur en vertu du lien de subordination juridique. De ce fait ce dernier exerce son pouvoir disciplinaire à l’égard des travailleurs et il a la possibilité de sanctionner les comportements des salariés qui seraient inadéquats. Il peut alors prononcer différentes mesures afin de réprimer certaines conduites des salariés. En effet une sanction disciplinaire est une mesure prise par l’employeur à la suite d’agissements du salarié qu’il considère comme fautif. Il peut alors sanctionner le travailleur et prononcer une peine proportionnelle à la faute commise.

Maître Johan Zenou aborde les différents types de sanctions disciplinaires couramment utilisés dans les entreprises, en examinant les critères de gravité, de proportionnalité et de cohérence qui doivent être pris en compte lors de la prise de décision.

 
I. Quelles sont les différentes sanctions disciplinaires ?
 
Dans le cadre de son pouvoir de direction, l’employeur peut sanctionner un salarié dont le comportement serait incorrect. De ce fait l’article L1331-1 du Code du travail dispose que « Constitue une sanction toute mesure, autre que les observations verbales, prise par l'employeur à la suite d'un agissement du salarié considéré par l'employeur comme fautif, que cette mesure soit de nature à affecter immédiatement ou non la présence du salarié dans l'entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération. »
 
L’employeur peut donc prononcer à l’encontre d’un salarié différentes mesures. Parmi les sanctions possibles, on retrouve :
 
  • Avertissement/blâme : reproches adressés par l’employeur au salarié et notifié par écrit.
  • Mise à pied : elle suspend temporairement le contrat de travail et la rémunération du salarié.
  • Mutation : changement d’affectation ou de lieu de travail.
  • Rétrogradation : affectation sur un poste de moindre qualification.
  • Licenciement : rupture du contrat de travail à l’initiative de l’employeur.

Les amendes ou autres sanctions pécuniaires sont interdites, article L1331-2 du Code du travail. Une retenue de salaire est autorisée puisqu’elle ne constitue pas une sanction pécuniaire, notamment en cas d’absence injustifiée du salarié, soc 21 mars 2012 n°1°-21.097. La retenue sur salaire est possible dès lors que son objectif est de réparer le dommage subi par l’employeur et non de sanctionner le salarié.
 
De plus l’employeur doit être prudent puisque dans le cas où un règlement intérieur existe dans l’entreprise, ce dernier ne peut prononcer que les sanctions disciplinaires qui sont prévues au sein de ce document.
 
 
II. Quelles sont les fautes du salarié pouvant conduire à une sanction disciplinaire ?
 
L’employeur peut condamner un salarié lorsqu’il estime que son comportement est fautif. Les fautes peuvent être de diverses natures telles que :
 
  • Non-respect des règles de discipline. Il convient par ailleurs de préciser que les salariés protégés ne peuvent être sanctionnés qu’en raison de faits constituant un manquement du salarié à ses obligations professionnelles envers l’employeur. De ce fait le retard reproché aux salariés qui concerne l’exercice de leurs mandats représentatifs ne peut justifier une sanction disciplinaire, soc 30 juin 2010 n°09-66.792.
  • Refus de se conformer à un ordre de l’employeur : par exemple a été jugé comme un acte d’insubordination justifiant une sanction disciplinaire, le refus d'un salarié, malgré deux avertissements et une mise en demeure préalable, d'accomplir un travail qui lui incombait, Cass. Soc. 24 janvier 1980, n°78-41535.
  • Tout acte de harcèlement : il a pu être jugé que la révocation d’un salarié pour des agissements de harcèlement moral à l’encontre de plusieurs personnes pendant une longue période de temps était une sanction valide, CE 30 juin 2016 n°393438.
 
En revanche, il existe des motifs qui interdisent le chef d’entreprise de prononcer une sanction notamment :
 
  • Motifs discriminatoires : ainsi, le fait de muter une salariée dans un autre service et de lui interdire l'accès de certains laboratoires au motif que son mari vient de créer une entreprise concurrente constitue une sanction disciplinaire discriminatoire prohibée, cass. soc., 10 févr. 1999, no 96-42.998.
  • Exercice par le salarié de son droit de retrait : en effet l'exercice du droit de retrait, dès lors qu'il est justifié, ne peut entraîner de sanction disciplinaire ni de retenue de salaire à l'encontre du salarié qui en a usé, article L4131-3 du Code du travail.
  • Lancement d’alerte : la loi n°2016-1691 du 9 décembre 2016 empêche l’employeur de prononcer des sanctions à l’encontre d’un salarié sur le fondement qu’il ait la qualité de lanceur d’alerte.
 
III. Quels sont les principes à respecter ?
 
Dans le cas où l’employeur souhaiterait prononcer une sanction disciplinaire, il y a deux principes fondamentaux à respecter :
 
  • La proportionnalité : la sanction prononcée doit être proportionnelle à la faute commise par le salarié, au risque pour l’employeur de se faire condamner.
  • Non cumul des sanctions disciplinaires : en vertu du principe « non bis in idem », une seule faute peut conduire à une seule sanction. Aucun fait fautif ne peut être condamné à différentes reprises. Le comportement d’un salarié ayant précédemment commis des fautes, peut être pris en compte ultérieurement afin de prononcer une sanction plus grave pour de nouveaux faits. L’article L1332-5 du Code du travail affirme toutefois « qu’aucune sanction ultérieure de plus de trois ans à l’engagement des poursuites disciplinaires ne peut être invoquée à l’appui d’une nouvelle sanction ».
 
Faut-il suivre une procédure spécifique ?
 
Concernant tout d’abord le formalisme d’une sanction disciplinaire, l’article L1331-1 du Code du travail exclut les observations verbales. Les sanctions prononcées par l’employeur à l’encontre d’un salarié fautif doivent donc être formalisées par écrit. Dans le cas contraire, une irrégularité de procédure peut être constatée ce qui conduirait à entrainer son annulation et sa privation d’effet.
 
Concernant désormais la procédure d’une sanction disciplinaire, deux cas doivent être distinguées :
 
  • En cas de faute lourde, le salarié doit être convoqué à un entretien préalable, article L1332-2 du Code du travail. Cette faute se distingue de la faute simple puisqu’elle rend impossible le maintien du travailleur dans l’entreprise.
 
Dans ce cas l’employeur devra notifier au salarié sa convocation à un entretien préalable au cours duquel le travailleur pourra se faire assister. Pendant l’entretien le salarié est invité à fournir les explications pouvant justifier son comportement et la conciliation reste possible. Si l’employeur décide de prononcer une sanction, il doit respecter un délai de réflexion compris entre 2 jours et 1 mois suivant l’entretien avant de notifier sa décision au salarié.
 
  • En cas de faute simple, l’entretien préalable n’est pas requis sauf s’il est prévu par le règlement intérieur ou par une convention collective. La notification de la sanction demeure nécessaire, article R1332-2 du Code du travail.
 
Enfin il est fondamental de respecter les délais de prescription afin de pouvoir prononcer une sanction disciplinaire. En effet l’article L1332-4 du Code du travail dispose « qu’aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l’engagement de poursuites disciplinaires au-delà d’un délai de deux mois à compter du jour où l’employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l’exercice de poursuites pénales ». Ainsi dès lors que les faits sanctionnés avaient été commis plus de deux mois avant l’engagement des poursuites disciplinaires, il appartient à l’employeur d’apporter la preuve qu’il n’en a eu connaissance que dans les deux mois ayant précédé l’engagement de ces poursuites, soc 24 mars 1988 n°86-41.600. L’employeur est donc limité par ce délai de deux mois. S’il ne le respecte pas, il n’aura plus la possibilité de prononcer de sanctions à l’égard du salarié qu’il considère comme fautif.
 
Le salarié peut-il contester la sanction disciplinaire prononcée par l’employeur ?
 
Le salarié a la possibilité de contester la sanction disciplinaire prononcée par l’employeur, article L1333-1 du Code du travail. Il peut saisir le Conseil de prud’hommes qui appréciera la régularité de la procédure suivie et si les faits reprochés au salarié sont de nature à justifier une sanction. Si tel n’est pas le cas, la sanction irrégulière ou disproportionnée à la faute commise, peut être annulée, par l'article L1333-2 du Code du travail.

Si vous rencontrez des difficultés dans le prononcé d’une sanction disciplinaire ou un litige afin d'obtenir des conseils personnalisés en fonction de votre situation spécifique, le Cabinet Zenou situé dans le 20ème arrondissement de Paris saura vous accompagner pour préparer votre défense.

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