La mutation et la rétrogradation du salarié ses conséquences sur le contrat de travail

La mutation et la rétrogradation du salarié ses conséquences sur le contrat de travail
Un salarié est lié à son employeur en vertu du lien de subordination juridique. Le chef de l’entreprise a donc la possibilité d’exercer son pouvoir de direction. De ce fait il peut, notamment, prendre des mesures à l’encontre du travailleur qu’il estime fautif. Dans ce cadre, l’employeur peut prononcer des sanctions disciplinaires à l’égard du salarié dont le comportement serait inadéquat. Toutefois ce pouvoir est encadré. Il est de ce fait nécessaire de respecter une procédure particulière ainsi que certains principes, notamment celui de proportionnalité. En effet l’employeur qui souhaite prononcer une sanction doit choisir celle qui est proportionnelle à la faute sanctionnée. Il est donc nécessaire de respecter l’échelle des sanctions afin de prononcer la plus adaptée à la situation.

On retrouve différentes mesures pouvant être prononcées par l’employeur telles que l’avertissement et la mise à pied mais également la mutation et la rétrogradation.

 
I. Qu’est ce que la mutation et la rétrogradation ?
 
 
Dans le cadre de son pouvoir de direction, l’employeur peut prononcer des mesures visant à sanctionner le comportement inadéquat d’un salarié. En effet l’article L1331-1 du Code du travail dispose que « Constitue une sanction toute mesure, autre que les observations verbales, prise par l'employeur à la suite d'un agissement du salarié considéré par l'employeur comme fautif, que cette mesure soit de nature à affecter immédiatement ou non la présence du salarié dans l'entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération. »

Parmi ces sanctions disciplinaires, on retrouve notamment la mutation et la rétrogradation.
 
  1. La mutation 
 
La mutation est un changement d’affectation ou de lieu de travail. Elle peut être considérée comme une simple mesure d’organisation décidée par le chef de l’entreprise, mais elle peut également consister en une véritable sanction visant à réprimer le comportement d’un salarié. Pour que cette mesure soit caractérisée ainsi, il est nécessaire de pouvoir qualifier une faute commise par le travailleur. Dans le cas inverse, elle constituera seulement un acte de gestion exercé par l’employeur dans le cadre de ses pouvoirs. Ainsi il a été jugé que :
 
  • Ne caractérise pas une sanction disciplinaire la réorganisation des tâches confiées à un salarié, afin qu’il ne soit plus en contact avec un client qui s’était plaint de lui, mesure qui permettait à l’entreprise de conserver un marché, soc 16 janvier 1990 n°88-40.708.
  • En revanche la solution est différente lorsque le changement d’affectation résulte de faits considérés par l’employeur comme fautif, soc 19 juin 1991 n°87-45.597.
 
Contrairement à la rétrogradation, la mutation n’entraine pas de déclassement professionnel ou de diminution de salaire. Ainsi bien que cette mesure soit susceptible d’impacter la vie professionnelle et personnel du salarié (changement de domicile par exemple), elle sera située plus bas au niveau de l’échelle des sanctions et peut donc être plus adapté aux fautes les moins graves.
 
  1. La rétrogradation 
 
La rétrogradation consiste en une affectation sur un poste de moindre qualification. Ce changement s’accompagne généralement d’une diminution de responsabilité accompagnée d’une baisse de rémunération. Cette réduction de salaire ne constitue pas une sanction pécuniaire, puisqu’elle est seulement la conséquence directe de la rétrogradation et non la mesure principale soc 7 juillet 2004 n°02-44.476. De plus elle ne constitue pas non plus une deuxième sanction, soc 17 février 1993 n°88-45.539. Il est nécessaire de rappeler qu’en vertu du principe « non bis in idem » une faute ne peut conduire qu’à une seule sanction. 

 
II. Quelle procédure l’employeur doit-il suivre pour prononcer ces deux sanctions ?
 
 
Ces deux sanctions constituent une modification du contrat de travail. La rémunération et le lieu de travail font en principe parti du socle contractuel ce qui implique que les changements de ces aspects nécessitent l’accord du salarié.
 
  1. La mutation
 
Le lieu de travail est un élément essentiel du contrat de travail. Ainsi, si la mutation s’opère dans un autre secteur géographique que le précédent lieu de travail, elle constitue une modification du contrat de travail nécessitant l’accord du salarié. En revanche si la mutation a lieu dans le même secteur géographique, le salarié ne sera pas en possibilité de s’opposer à son changement d’établissement, d’atelier ou de service. Cette notion de secteur géographique est donc déterminante. Pour autant elle ne fait l’objet d’aucune définition par le législateur ou par les juridictions. Cette appréciation relève donc du pouvoir souverain des juges du fond qui prendront en compte différents paramètres afin de se prononcer telles que la distance, le réseau autoroutier et les moyens de transport public.
 
En revanche, la situation est différente lorsque le contrat de travail comporte une clause de mobilité. Dans ce cas, le salarié n’a pas la possibilité de refuser une mutation. En vertu de cette clause, le changement d’affectation ne constitue plus une modification du contrat de travail et l’accord du salarié n’est donc plus nécessaire. Ainsi l’employeur qui se sert de la clause de mobilité pour imposer une mutation disciplinaire, ne commet pas d’abus dès lors qu’il peut invoquer une faute du salarié, soc 11 juillet 2001 n°99-41.574.
 
  1. La rétrogradation
 
Cette mesure implique une baisse de salaire. Toutefois cet élément fait parti du socle contractuel et de ce fait tout salarié a le droit de refuser une modification de son contrat de travail, y compris si elle résulte d’une mesure disciplinaire, soc 25 avril 2001 n°99-41.681. La rétrogradation doit donc être acceptée par le salarié.
 
  1. La procédure disciplinaire
 
 L’employeur qui envisage de sanctionner un salarié doit respecter une procédure disciplinaire notamment en cas de sanction lourde telle que la mutation ou la rétrogradation, article L1332-2 du Code du travail. De ce fait le chef d’entreprise doit :
 
  • Convoquer le salarié à un entretien préalable par lettre recommandé avec avis de réception ou par remise en main propre. Cette convocation doit intervenir dans un délai de 2 mois maximum à compter du jour où l’employeur a eu connaissance de la faute, article L1332-4 du Code du travail. Elle doit préciser l’objet, la date, l’heure et le lieu de l’entretien.
  • Lors de l’entretien, le salarié peut se faire assister par une personne de son choix appartenant à l’entreprise. Cette possibilité doit être indiqué dans la convocation à l’entretien. L’employeur pourra alors indiquer les motifs de la sanction envisagée et recueillir les explications du salarié.
  • Suite à l’entretien, le chef d’entreprise choisit la sanction adéquate à la faute commise. Il pourra alors la prononcer au plus tôt 2 jours ouvrables après l’entretien et au plus tard 1 mois après.
  • L’employeur devra notifier la sanction, de manière écrite et argumentée. Cette notification intervient soit par lettre recommandé avec avis de réception soit par remise en main propre.
 
De plus afin de pouvoir prononcer la mutation ou la rétrogradation, l’employeur doit vérifier que ces sanctions sont prévues par le règlement intérieur de l’entreprise quand il existe. Dans le cas contraire, il ne pourra effectivement pas imposer ces mesures au salarié concerné.
 
  1. L’avenant au contrat de travail
 
Lorsque l’employeur souhaite prononcer une rétrogradation ou une mutation à l’égard du salarié, il doit requérir son accord. En cas d’acceptation par le travailleur, le contrat de travail se verra modifier. En cas de modification du socle contractuel, il est nécessaire de matérialiser l’accord du salarié ce qui se fait à travers la signature d’un avenant au contrat. Qu’il y ait une acceptation non équivoque de la sanction par le salarié, afin qu’il ne puisse plus ultérieurement la contester, soc 18 juin 1997 n°95-40.598. L’acceptation par le salarié de cet avenant, n’emporte toutefois pas renonciation au droit de contester ultérieurement la régularité et le bien-fondé de la sanction, soc 14 avril 2021 n°19-12.180.

Dans le cas où l’acceptation du salarié ne serait pas matérialisée, ce dernier pourra toujours revendiquer son ancien statut. Par exemple dans une affaire du 15 juin 2000 (cass soc n°98-43.400), un cadre avait été rétrogradé au statut d’ETAM sans avoir donné son accord, et il avait réclamé le bénéfice des avantages liées au statut de cadre.  En l’absence de son acceptation, les juges lui ont donné gain de cause.

 
II. Que se passe-t-il en cas de refus du salarié ?
 
 
La rétrogradation et la mutation sont des sanctions qui emportent modification du contrat de travail. L’accord du salarié est donc nécessaire. Ainsi en cas de refus, l’employeur doit renoncer à la sanction envisagée. Deux possibilités s’offrent alors à lui :
 
  • Renoncer à toute sanction
  • Prononcer une autre sanction en lieu et place de celle refusée par le salarié : cette nouvelle mesure doit être fondé sur les mêmes faits que la sanction initiale, soc 16 juin 1998 n°95-45.033, puisque le refus du salarié ne constitue pas une faute justifiant une nouvelle mesure. L’employeur peut choisir de proposer une sanction plus légère telle que la mise à pied ou plus lourde comme le licenciement. Cependant la nouvelle mesure choisie doit toujours respecter le principe de proportionnalité entre la faute commise et la sanction envisagée. L’employeur dispose d’un délai de deux mois, à compter du refus du salarié de la mesure initiale, pour prononcer une sanction de substitution, soc 28 avril 2011 n°10-13.979. Si cette dernière est lourde, comme le licenciement, la procédure disciplinaire devra à nouveau être respectée.
  •  Cette mesure sera légitime si la sanction initialement prise était-elle-même justifiée, soc 11 février 2009 n°05-41.921. L’employeur peut notamment opter pour un licenciement qui n’a pas de caractère disciplinaire, tel que le licenciement pour insuffisance professionnelle, dès lors que les faits le justifient, 9 mars 2022 n°20-17.005.
 
De plus, si entre le moment où il refuse une mutation disciplinaire (ou une) et la convocation à un second entretien préalable en vue d'un licenciement, le salarié acquiert la qualité de salarié protégé et que l'employeur en a été informé, le licenciement doit être soumis à l'autorisation préalable de l'inspection du travail, Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 13 mai 2014, 13-14.537.
 
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