Au cours de l’exécution d’un CDD, il se peut que l’une des parties l’
employeur ou le salarié, ait la volonté de rompre le contrat avant l’arrivée de son terme. En principe, le contrat à durée déterminée ne peut être rompu avant l’arrivée son terme, cependant, l’article
L.1243-1 du Code du travail prévoit les cas de rupture anticipé de ce contrat. Le projet de loi relatif à la gestion de la crise sanitaire, présenté à l’Assemblée nationale le 19 juillet 2021, prévoyait en plus la possibilité d’une
rupture anticipée du CDD lorsque le
salarié ne présentait pas de
pass sanitaire.
Le 5 août 2021, le Conseil Constitutionnel a censuré ces dispositions en estimant qu’«
en prévoyant que le défaut de présentation d'un passe sanitaire constitue une cause de rupture anticipée des seuls contrats à durée déterminée ou de mission, le législateur a institué une différence de traitement entre les salariés selon la nature de leurs contrats de travail qui est sans lien avec l'objectif poursuivi ». En effet, selon le projet de loi, seuls les salariés en CDD pouvaient voir leur contrat rompu pour absence de présentation de passe sanitaire, contrairement aux salariés en CDI.
Maître Johan ZENOU,
avocat en droit social à Paris 20ème, vous explique dans cet article d’une part les motifs pour lesquels l’employeur peut rompre de manière anticipée un contrat à durée déterminée
(I), et d’autre part, les conséquences et risques qu’un employeur encourt
(II).
I – Pour quels motifs l’employeur peut-il rompre de manière anticipée un CDD ?
L’article
L.1234-1 du Code du travail prévoit qu’un
contrat à durée déterminée peut être rompu d’un commun accord entre l’employeur et le salarié
(A), lorsque l’une des deux parties a commis une faute grave
(B), en cas de force majeure
(C) et enfin dans l’hypothèse où le salarié a été embauché en
contrat à durée indéterminée (D).
Attention : En application de l’article L.1226-18 du Code du travail, lorsque le salarié est victime d’un accident de travail ou d’une maladie professionnelle, l’employeur ne peut rompre le contrat au cours des périodes de suspension du contrat à durée déterminée.
- En cas d’accord entre l’employeur et le salarié
Un
contrat à durée déterminé peut être rompu par un accord entre les parties. Deux conditions doivent être remplies. D’abord, l’accord doit être matérialisé sur un document écrit, ensuite il doit apparaître la volonté claire et non-équivoque de la rupture du contrat (
Cass. Soc., 21 mars 1996, n° 93-40.192). De plus, la rupture d’un commun accord du
contrat à durée déterminée met seulement fin aux relations entre les parties. Elle ne constitue en aucun cas une transaction destinée à mettre fin à toute contestation née ou à naître résultant de la
rupture du contrat de travail (
Cass. Soc., 16 mai 2000, n° 98-40.238).
- En cas de faute grave de l’employeur ou du salarié
Le contrat peut également être rompu lorsque le
salarié ou l’employeur commet une
faute grave rendant impossible la poursuite du contrat. D’ailleurs, la Cour de cassation rappelle bien que la seule faute pouvant être à l’origine d’une
rupture anticipée du CDD est la faute grave. Les fautes simples ou lourdes ne peuvent constituer une cause valable de rupture. Côté salarié, sont constitutives d’une faute grave le fait de désorganiser gravement le fonctionnement d’une chaîne en influant les résultats de l’
entreprise (
Cass. Soc., 19 juillet 1988) ou d’exiger le versement de commissions de la part de fournisseurs ou encore de commettre une faute d’analyse (pour une technicienne laboratoire).
Inversement, la Cour de cassation juge que ne sont pas des fautes graves la maladie ou
l’insuffisance professionnelle d’un salarié (
Cass. Soc., 10 juin 1992, n° 88-44.025), ou encore le retard occasionné par le salarié apportant la preuve de sa maladie. Du côté des employeurs, la rupture leur est imputable dès lors qu’ils n’ont pas versé les salaires au salarié depuis deux mois (
Cass. Soc., 6 décembre 1994).
Durant la période de
suspension du contrat de travail consécutive à un
accident du travail, l’employeur peut seulement reprocher au salarié des manquements à l’obligation de loyauté. C’est par exemple le cas lorsqu’un sportif professionnel refuse pendant la suspension de son contrat, de se prêter aux soins nécessaires à la restauration de son potentiel physique
(Cass. Soc., 20 février 2019, n°17-18.912). En cas de faute grave du
salarié, l’employeur doit respecter la procédure disciplinaire pour rompre le contrat. En effet, dès lors qu’elle est prononcée pour faute grave, la rupture du
contrat à durée déterminée s’analyse comme une
sanction imposée au salarié par l’
employeur. En conséquence, cette rupture est soumise aux dispositions applicables en matière disciplinaire.
- Comment se déroule la procédure disciplinaire ?
L’article
L.1332-1 du Code du travail dispose qu’«
aucune sanction ne peut être prise à l’encontre du salarié sans que celui-ci soit informé, dans le temps et par écrit, des griefs retenus contre lui ». Autrement dit, avant de procéder à la rupture du contrat, l’
employeur doit avoir informé le
salarié des griefs reprochés un certain temps en avance, et par écrit. Ensuite, l’employeur convoque le
salarié à un entretien en lui précisant l’objet de la convocation. Lors de son audition le salarié peut se faire assister, par une personne de son choix appartenant au personnel de l’
entreprise. Au cours de l’entretien, l’employeur doit indiquer le motif de la sanction envisagée et recueille les explications du salarié (article
L.1332-2 du Code du travail).
Important : la sanction ne peut intervenir moins de deux jours ouvrables, ni plus d’un mois après le jour fixé de l’entretien.
- En cas de force majeure
La force majeure correspond à un évènement ne dépendant ni du fait de l’employeur ni du
salarié, et qui ne pouvait être prévu par avance. C’est un événement imprévisible, irrésistible et insurmontable. Pour information, les juges prud’homaux ont estimé que la mise en
liquidation judiciaire d’une entreprise ne constituait pas un cas de force majeur, ni les difficultés économiques, ni le manque de financement nécessaire à l’organisation d’un spectacle théâtral, ni le décès accidentel de l’
employeur, ni le retour anticipé d’un salarié en congé parental, ni la suppression du poste d’un salarié remplacé, etc...
- En cas d’inaptitude du salarié
Le
contrat à durée déterminée peut également être rompu lorsque le
salarié, est déclaré inapte au travail par le médecin du travail et l’
employeur n’a pas pu le reclasser (article
L.1243-1 du Code du travail). L’employeur devra alors méticuleusement vérifier :
- Que l'avis d'inaptitude délivré par le médecin du travail est conforme aux prescriptions de l'article R.4624-31 du Code du travail,
- Qu'aucun reclassement ne soit possible ou que le médecin a exclu tout reclassement,
- Qu’il s’agisse bien d’une inaptitude professionnelle, car l'indemnité de rupture peut être différente.
- En cas d’embauche en contrat à durée indéterminée du salarié
Lorsque le
salarié est embauché en contrat à durée indéterminée, celui-ci peut mettre fin à son
contrat à durée déterminée. Il lui suffit de transmettre une copie de son nouveau de
contrat de travail ou sa
promesse d’embauche à son présent
employeur. Le salarié devra respecter un délai de préavis, calculée en fonction :
- De la durée totale de son contrat, lorsque celui-ci comporte un terme précis,
- Et de la durée effectuée lorsque le contrat ne comporte pas un terme précis.
Le préavis ne peut par ailleurs excéder deux semaines (article
L.1243-2 du Code du travail).
II – A quelles conséquences financières un employeur peut-il s’attendre en rompant de manière anticipée un contrat à durée déterminée (CDD) d’un salarié ?
Lorsqu’un contrat à durée déterminée est rompu, l’employeur devra verser des indemnités au salarié (A) et s’expose à un certain nombre de conséquences si le salarié décide de saisir le Conseil de prud’hommes en vue d’une action contentieuse (B).
-
Quelles indemnités l’employeur devra-t-il verser au salarié ?
La rupture du contrat de travail ouvre droit pour le salarié à une indemnité, dont le montant ne peut être inférieure au double de celui de l’indemnité de licenciement, pour un contrat à durée indéterminée. Elle est versée selon les mêmes modalités que l’indemnité de précarité (article L.1126-20 al. 4 du Code du travail).
-
Quelles sanctions l’employeur encourt-il pour avoir rompu le CDD de ses salariés avant l’arrivée du terme ?
Le salarié ou l’employeur qui rompt le contrat en dehors des 5 cas prévus de rupture anticipée est fautif, et entraine des sanctions variant selon l’auteur de la rupture. S’agissant du salarié, il devra réparer le préjudice subi par l’employeur et s’expose à voir sa responsabilité pour faute engagée (article L.1243-3 du Code du travail). Par ailleurs, ce salarié n’a le droit à aucune indemnisation (Cass. Soc., 23 septembre 2003, n° 03-41.495). S’il s’agit de l’employeur, il devra verser des dommages-intérêts équivalent à l’intégralité des salaires, qu’il aurait dû payer au salarié jusqu’au terme du contrat (article L.1243-4 du Code du travail). La jurisprudence précise qu’il importe peu que le contrat ait débuté ou non (Cass. Soc., 12 mars 2002, n° 99-44.222).
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