Le sida atteint plusieurs centaines de milliers de personne en France. Parmi celles-ci, beaucoup sont salariées. Cependant, beaucoup de problèmes restent à résoudre, notamment une meilleure prise en charge de l’infection par le Virus de l'immunodéficience humaine (VIH) depuis l’avènement des trithérapies. Les progrès de la médecine sont tels qu’en quelques années, les deux tiers des personnes traitées ont une charge virale bien contrôlée (souvent à 0), et un état de santé général qui leur permet une vie active.
Aujourd’hui une personne vivant avec le VIH qui dispose d’un traitement ne transmet plus le virus. Pourtant, les personnes atteintes du VIH restent encore et très souvent discriminées et stigmatisées et pour cause, 25 % pensent également qu’une personne séropositive peut représenter un danger en exerçant une profession de santé. C’est ce que l’on appelle la sérophobie est le rejet et la discrimination des personnes séropositives, celles-ci peut se traduire par de l’hostilité mais également dans un accès inégal à l’emploi ou aux soins de santé.
Il faut rappeler que l’emploi et l’entreprise jouent un rôle crucial dans l’intégration sociale : l’enjeu est sensible pour les salariés séropositifs car s’engager dans une activité professionnelle peut permettre de lutter psychologiquement contre la maladie. En dépit des progrès parfois spectaculaires réalisés grâce aux nouvelles thérapeutiques, le VIH demeure une épreuve non seulement pour la santé mais aussi pour le maintien en activité dans l’entreprise.
Maître Johan Zenou expert en droit social abordera dans un premier temps l’accès à l’emploi des salariés séropositifs (I), nous analyserons ensuite le recrutement et la discrimination des salariés séropositifs (II), par ailleurs, nous nous attacherons à analyser les obligations de l’employeur des salariés séropositives dans leur emploi (III). Ensuite nous verrons la qualification de discrimination des personnes en situation de séropositivité, pour terminer sur la rupture du contrat de travail et les sanctions attachées à cette rupture.
Le moment où s’effectue le recrutement est celui où la discrimination est la plus susceptible d’intervenir et où le problème de la preuve se pose avec la plus grande acuité. Le respect des libertés individuelles, en particulier de la vie privée, est de nature à protéger contre une éventuelle discrimination ? En cas de discrimination, quand la preuve peut être rapportée, une délicate question de sanction de ce comportement prohibé se pose.
Tout d’abord il convient de rappeler que lors du recrutement, le candidat n’est pas tenu de révéler son état de santé et en particulier sa séropositivité. En effet, d’une part, « chacun a droit au respect de sa vie privée » (article 9 du Code civil), et l’état de santé relève de la vie privée.
L’article L. 1132-1 du Code du travail prévoit « Aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement (…) ou en raison de son état de santé, de sa perte d'autonomie ou de son handicap ».
Cette loi prévoit d’autre part, que « les informations demandées, sous quelque forme que ce soit, au candidat à un emploi ou à un salarié ne peuvent avoir comme finalité que d’apprécier sa capacité à occuper l’emploi proposé ou ses aptitudes professionnelles. Ces informations doivent présenter un lien direct et nécessaire avec l’emploi proposé ou l’évaluation des aptitudes professionnelles… ». Par ailleurs, le comité d’entreprise doit être informé sur les techniques de recrutement.
Toute question portant sur la vie privée ou sur l’état de santé du salarié, en particulier sur son éventuelle séropositivité, est par conséquent illicite. Le candidat-salarié peut contester des agissements discriminatoires devant le Conseil de prud’hommes et devant le Tribunal correctionnel. Le salarié bénéficie du secret médical quant à sa pathologie et l’employeur ne peut en avoir connaissance par un tierce personne.
Le salarié doit bénéficier d’une visite médicale d’embauche, au plus tard avant l’expiration de la période d’essai qui suit l’embauchage. Celle-ci a deux buts essentiels, sous couvert du secret médical auquel le médecin du travail est tenu comme tout professionnel de santé :
Pendant la période d’essai, le salarié est particulièrement vulnérable, l’employeur pouvant rompre l’engagement sans justifier d’un « motif réel et sérieux ». Mais « si l’employeur peut discrétionnairement mettre fin aux relations contractuelles avant l’expiration de la période d’essai, ce n’est que sous réserve de ne pas faire dégénérer ce droit en abus ». L’abus peut en particulier résulter d’une attitude discriminatoire.
Ainsi au cours de cette période, la séropositivité du salarié venant à la connaissance de l’employeur, celui-ci peut décider de mettre fin à l’essai et de ne pas engager le salarié. Mais cette décision discriminatoire de refus d’embauche pourra sanctionnée par le juge du contrat. En effet, « aucune personne ne peut être écartée d’une procédure de recrutement (…) sauf inaptitude constatée par le médecin du travail (…) en raison de son état de santé ou de son handicap ». Le principe de non-discrimination vient alors heurter la liberté de l’employeur d’organiser son entreprise et en particulier de recruter les personnes de son choix.
Selon l’article L. 4121-1 du Code du travail dispose que « L'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs ». Il doit donc s’assurer des conditions de travail saines sur la plan physique et moral, notamment pour que le climat de travail (harcèlement, rejet…) ne soit pas un facteur d’aggravation de la santé des personnes atteintes d’une maladie grave.
L’employeur pourrait, en cas de non-respect de ces dispositions, voir attraire sa responsabilité devant les tribunaux tant répressifs que civils et se voir condamner au versement de dommages et intérêts. Par ailleurs, un salarié séropositif est en droit de demander une modification de son horaire de travail : « Une simple demande de modification de son contrat de travail ne pouvait constituer une cause de licenciement ».
Ensuite le refus opposé par l’employeur à une demande de modification d’horaires, dès lors que celle-ci est sollicitée pour un motif légitime et peut être satisfaite sans préjudice pour l’entreprise, constitue « un usage abusif de son droit ». Cette demande s’appuie sur le droit à la santé, droit fondamental dont les salariés sont, avec d’autres, titulaires.
Dans ces hypothèses, l’employeur peut avoir pris une mesure en raison de l’état de santé, en particulier de la séropositivité du salarié, qui ne soit pas la conséquence d’une inaptitude médicale. Et des mesures peuvent revêtir un caractère discriminatoire même en cas de baisse d’aptitude du salarié (refus d’un passage à temps partiel ou d’un aménagement du poste de travail pourtant possibles par exemple).
Le salarié doit alors faire la démonstration que la mesure litigieuse est en fait une sanction déguisée, une mesure discriminatoire liée à son état : derrière le jugement d’aptitude, le motif professionnel et de gestion avancé, se cache un motif disciplinaire discriminatoire.
A noter : Le médecin du travail peut jouer un rôle important. Un avis s’impose à l’employeur et le refus de ce dernier de permettre au salarié la reprise de son activité professionnelle, quand elle est jugée possible par le médecin du travail, peut relever d’un comportement discriminatoire.
Tout d’abord il convient de rappeler qu’un employeur ne peut pas licencier un salarié parce qu’il est malade. Le salarié ne peut en principe qu’est licencié si ces absences désorganisent l’entreprise et que son remplacement définitif et indispensable.
L’employeur doit alors avoir des éléments probants à présenter au salarié et le cas échéant au Conseil de prud’hommes sur la nécessité de pourvoir au remplacement définitif, le médecin du travail ayant un rôle essentiel à jouer en la matière notamment pour prévenir la décision de licenciement.
Dans tous les cas, la victime peut utilement noter de manière circonstanciée les faits (propos, dates et témoins, évolution des conditions de travail…) pour permettre au juge de former sa conviction, ainsi que les démarches effectuées dans l’entreprise (collègues, représentants du personnel, voire direction) et à l’extérieur (médecin du travail, inspection du travail, médecin de ville, associations, environnement personnel…).
En ce qui concerne la sanction, comme pour toute législation interdisant une discrimination, la question de la preuve est centrale et il appartient au juge de rechercher la cause du licenciement. Ainsi la victime de discrimination liée à son état de santé peut, suivant la situation à laquelle elle est confrontée, choisir de déclencher une action pénale et/ou une action civile. L’action civile est exercée sur la base du Code du travail pour obtenir la nullité de la rupture du contrat de travail et la poursuite du contrat dans l’entreprise (remise en l’état) ou des dommages et intérêts (réparation pécuniaire).
L’action pénale est exercée sur la base du Code pénal, pour obtenir la condamnation personnelle de l’employeur et le cas échéant de la personne morale. Suivant les situations et la stratégie de la victime, ces actions peuvent être menées de manière parallèle, successives ou alternatives.
Sur le plan civil, en cas de licenciement discriminatoire, lié au fait que le salarié est porteur du VIH, le licenciement peut être déclaré nul par le Conseil de prud’hommes et le salarié peut obtenir la poursuite de son contrat de travail (« sa réintégration »). En effet, « (…) aucun salarié ne peut être sanctionné ou licencié (…) sauf inaptitude constatée par le médecin du travail (…) en raison de son état de santé ou de son handicap (…). Toute disposition ou tout acte contraire à l’égard d’un salarié est nul de plein droit ».
Si vous avez été victime de discrimination liée à votre statut sérologique, le Cabinet Zenou, expert en discrimination au travail, vous aidera à constituer les preuves de votre dossier et vous ainsi à obtenir la juste réparation de l’intégralité de vos préjudices.
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