Le jeudi 3 mars 2022, le Premier Ministre Jean Castex annonçait au journal télévisé, un allègement des mesures sanitaires en France à compter du 14 mars, par un
décret du 12 mars 2022, en raison de l’amélioration de l’état sanitaire dans l’hexagone. Parmi, ces mesures, la fin du masque en intérieur dans les lieux où il est encore obligatoire et la fin du
pass vaccinal. Sachez en revanche qu’il ne s’agit que d’une suspension : La base légale du pass vaccinal existe toujours depuis le 31 juillet 2022, ce qui permet au gouvernement de pouvoir le rétablir en cas de dégradation de l’état sanitaire en France. Le port du masque n’étant plus imposé dans les lieux où il l’était encore avant le 14 mars 2022, une interrogation demeure quant à la possibilité pour les
employeurs de continuer à imposer le
port du masque à leurs
salariés sur leur lieu de travail ? Maitre Johan Zenou, avocat expert en droit du travail, revient avec vous sur cette question en vous apportant des précisions.
I. L’employeur peut-il imposer le port du masque à ses salariés, malgré les recommandations du gouvernement ?
Le protocole sanitaire en entreprise est suspendu depuis
le 14 mars 2022. Par cette décision, les salariés ne sont dès lors plus obligés de
porter le masque, et ce quelle que soit la taille de l’entreprise. Néanmoins, il est important de mettre l’accent sur le fait que le texte d’origine à valeur de recommandation aux
employeurs, et non pas de valeur contraignante, décision confirmée par le Conseil d’Etat. De ce fait, cela doit être perçu comme une indication donnée à l’employeur. Les employeurs ont un certain nombre de pouvoir au sein de leur structure, dont un pouvoir de direction qui leur permet d’édicter des règles au sein de l’entreprise afin d’améliorer les conditions de travail des
salariés dans leur ensemble. Parmi les mesures qu’ils peuvent prendre, ceux-ci sont dotés d’une
obligation de sécurité de résultat envers leurs
salariés prévu par l’Article
L4121-1 du Code du travail, qui les obligent à assurer leur sécurité et protéger leur santé physique afin de prévenir certains risques.
La suspension du pass vaccinal accompagnée du décret du 12 mars 2022 n’ont donc pas pour conséquences de prohiber le
port du masque au sein de l’entreprise, si l’employeur le souhaite, dès lors que la situation sanitaire à l’intérieur de la structure est en péril du fait d’une reprise de l’épidémie. Ils disposent donc d’une pleine liberté pour prendre les mesures d’hygiène et de sécurité qu’ils estiment être les mieux adaptées à l’intérieur de l’entreprise. En effet, si le protocole gouvernemental énonce aujourd’hui la possibilité de retirer le masque dans tous les lieux ou celui-ci était obligatoire, celle-ci n’est qu’une recommandation pour l’
employeur qui peut de plein droit, décider de la suivre ou non, dès lors qu’il estime que le risque lié à la
Covid 19 dans son entreprise, nécessite au cas par cas des mesures de protections supplémentaires à mettre en œuvre, notamment en raison de la propagation du
virus ou de la nature du poste de travail occupé par ses salariés (Ex : contact avec les clients). L’employeur peut donc prendre toutes mesures qui lui semble le plus judicieux, notamment celle du port du masque dans l’entreprise, malgré ce que dit le décret du 12 mars 2022.
II. Les salariés peuvent-ils refuser le port du masque imposé par leur employeur ?
Le gouvernement n’impose plus le port du masque au sein des entreprises. Dès lors que l’employeur souhaite le maintenir pour des raisons de sécurité, le
salarié qui refuse cette injonction pourrait se voir sanctionné disciplinairement, proportionnellement à la faute commise. Il appartient aux salariés
de respecter les instructions générales et particulières en matière de sécurité qui lui sont données par son
employeur. Si le refus illégitime de
porter le masque persiste malgré l’injonction de l’employeur, et s’inscrit dans la durée, la
rupture du contrat de travail pourrait être envisagée, dans la mesure ou il s’agirait d’une attitude qui contreviendrait aux prescriptions en matière de santé et sécurité du personnel et des usagers. Sachez qu’il existe un principe en droit qui veut que la sanction soit graduée en fonction de la gravité du manquement à la règle, à savoir le principe de proportionnalité. Ainsi, la sanction ne doit en aucun cas être disproportionnée par rapport à la faute commise.
III. Quelle est la situation par rapport au télétravail ?
Le décret du 12 mars 2022 est venu supprimer l’amende «
télétravail » qui avait été institué par la loi du 22 janvier 2022 lorsque l’inspecteur du travail constatait une situation dangereuse résultant d’un risque d’exposition à la
Covid 19 du fait du non-respect par
l’employeur des principes généraux de prévention prévus aux articles
L 4121-1 à L 4121-5 et
L 4522-1 du Code du travail. Il convient de rappeler que
le télétravail n’a jamais été obligatoire : il a toujours s’agit d’une recommandation en vertu de l’état sanitaire au sein de l’entreprise, dans un objectif de prévention de la contamination au virus du
Covid 19. L’employeur est tenu de protéger ses salariés de la propagation du virus. Si ce dernier souhaite imposer le
télétravail après avoir évalué les risques et s’être informé de la situation, il est libre de le faire tout en respectant les règles légales qui encadrent le recours à ce type d’activité.
En revanche, sachez qu’en cas d’infection au virus, s’il est pris en charge au titre d’un
accident du travail par la sécurité sociale, une éventuelle faute inexcusable de l’
employeur qui ouvre droit à une réparation intégrale du préjudice, ne peut être retenue que s’il est démontré que celui-ci avait conscience du danger, auquel était exposé
le salarié et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver. Ainsi, le fait pour l’employeur de ne pas recourir au
télétravail malgré le fort taux de contamination au virus dans son
entreprise, peut entrainer l’engagement de sa responsabilité. L’employeur de son côté dispose d’une exonération possible de responsabilité, en prouvant qu’il a mis en œuvre les mesures de prévention.
Outre sa responsabilité civile, l’
employeur pourrait également voir sa responsabilité pénale engagée sur le terrain des délits non-intentionnels de l’article
121-3 du Code pénal en cas de «
mise en danger délibérée de la personne d’autrui » ou de «
faute d’imprudence, de négligence ou de manquement à une obligation de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, s’il est établi que l’auteur des faits n’a pas accompli les diligences normales compte tenu, le cas échéant, de la nature de ses missions ou de ses fonctions, de ses compétences ainsi que du pouvoir et des moyens dont il disposait ». Il revient cependant au salarié contaminé de réussir à prouver que la faute de l’employeur
est constituée, par son manquement au recours au
télétravail, malgré l’état de crise sanitaire au sein de l’entreprise et du fort taux d’infection de ses salariés. Ainsi, il reviendra de prouver une violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de prudence, ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement intérieur, ou encore une exposition du
salarié à un risque de grravité qu’il ne pouvait ignorer.