L'abandon de poste est un problème récurrent dans le monde professionnel. Cela se produit lorsque un salarié ne se présente pas au travail pendant une période prolongée sans préavis ni justification. Dans ce cas, l'employeur peut être confronté à un dilemme quant à la manière de traiter la situation. Certains salariés, considérés en grande souffrance et exposés à des risques pour leur santé ou qui subissent une situation de
harcèlement moral, ne peuvent envisager d’autres solutions que l’abandon de poste. Pourtant, la loi du 21 décembre 2022 vient durcir les règles à l’égard des salariés qui abandonnent leur poste en prévoyant une présomption de démission. Et ce, sans critère d’exception. Le législateur est venu durcir les conditions afin de prétendre au chômage dans le cas d’un abandon de poste.
Pour rappel, antérieurement à la réforme il était possible de percevoir le chômage en cas d’abandon de poste, l’
employeur pouvant initier la procédure de
licenciement pour faute grave du salarié qui ne présente plus sur son lieu de travail et le salarié pouvait bénéficier du chômage comme n’importe quel salarié qui est licencié pour quelques raisons que ce soit. Désormais un salarié qui voudrait bénéficier du chômage afin de contourner les règles relatives à la rupture du contrat ne pourra plus bénéficier des
allocations de retour à l’emploi dit ARE.
En raison des conséquences préjudiciables que peut emporter cette réforme, il est important que les salariés soient au fait des apports de cette loi et de la voie de recours dont ils disposent. Maître Johan Zenou expert en
droit du travail vous fait le point sur la nouvelle définition de présomption de démission et la procèdure à suivre.
I. Qu’est-ce qu’un abandon de poste lié à la présomption de démission ?
Tout d’abord il convient de s’intéresser à la définition légale de la démission. Ainsi selon la jurisprudence constante, la
démission correspond à un acte volontaire par lequel un salarié met fin à son contrat de travail avec son employeur. La démission doit être claire et sans équivoque, c'est-à-dire que le
salarié doit exprimer sa volonté de mettre fin à son contrat de travail de manière non équivoque. Elle peut être donnée verbalement ou par écrit, mais il est recommandé de le faire par écrit afin de disposer d'une preuve en cas de litige. L'abandon de poste peut être considéré comme une démission implicite, mais il peut également être considéré comme une absence injustifiée. C'est là que la présomption de démission entre en jeu.
Par définition, la démission ne se présume pas et cette réforme est totalement novatrice en ce qu’elle présume la démission. Cette réforme vient à contrepied de la jurisprudence relative à la démission. La
présomption de démission est une règle juridique qui s'applique, lorsqu'un employé abandonne son poste sans préavis ni justification. En vertu de cette règle, l'employeur peut présumer que l'employé a démissionné de son emploi. Cette présomption peut être utilisée pour résilier le contrat de travail du salarié.
L'
abandon de poste est une absence non justifiée, non autorisée, volontaire et prolongée d’un salarié. En effet, à propos de l’abandon de poste, la loi a instauré une nouvelle disposition au sein de la section du Code du travail traitant de la rupture à l’initiative du salarié :
Désormais, l’article
L1237-1-1 du Code du travail
dispose que
« le salarié qui a abandonné volontairement son poste et ne reprend pas le travail après avoir été mis en demeure de justifier son absence et de reprendre son poste, par lettre recommandée ou par lettre remise en main propre contre décharge, dans le délai fixé par l'employeur, est présumé avoir démissionné à l'expiration de ce délai »
L'article 4 de la loi n° 2022-1 598 du 21 décembre 2022 a donc instauré une modification du traitement des salariés qui abandonnent leur poste. Après mise en demeure de leur employeur, ceux-ci seront désormais considérés comme démissionnaires.
Bon à savoir : Alors qu’il s’agissait d’une situation de fait par laquelle un salarié ne se rendait plus à son poste de travail, depuis la
loi n°2022-1598 du 21 décembre 2022 il en est autrement et les conséquences à l’égard des salariés ne sont pas des moindres.
II. Quelles en sont les conséquences à l’égard des salariés ?
Il convient de rappeler qu’avant la loi du 21 décembre 2022, l’abandon de poste du salarié était une situation de fait qui permettait à l’employeur d’envisager, le licenciement pour faute grave privant le salarié du bénéfice des indemnités de licenciement et de préavis. L’abandon de poste, jusqu’à la nouvelle loi, permettait donc au salarié d’obtenir son indemnisation chômage après la rupture du contrat. Il pouvait donc paraître opportun pour certains salariés souhaitant mettre fin à leur contrat de travail, sans perdre le bénéfice des allocations d’aide au retour à l’emploi (le chômage) d’utiliser cette méthode comme moyen de pression contre l’employeur afin d’obtenir un licenciement pour faute, ou, le cas échant, une rupture conventionnelle.
Une étude de la DARES mettait en avant que
« Au 1er semestre 2022, environ 70 % des licenciements pour faute grave ou lourde dans le secteur privé sont motivés par un abandon de poste. Cela représente 123 000 salariés, dont 116 000 en CDI ».
Toutefois, juridiquement, cette nouvelle loi a instauré une
présomption de démission en cas d’abandon de poste. Pour vulgariser cette notion, un salarié doit être considéré comme une personne démissionnaire lorsqu’il ne reprend pas le travail après avoir été averti par son employeur et ne peut donc plus prétendre au bénéfice des
allocations chômage. On constate donc un réel durcissement des règles à l’égard des salariés.
Rappel juridique : Le licenciement ouvre droit aux allocations chômage alors que la démission ne permet pas de bénéficier du chômage.
III. Quelles sont les étapes de la procédure ?
Le salarié quitte de manière volontaire son poste de travail
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L’employeur constate l’absence du salarié
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Le salarié dispose, en principe, d’un délai de 48 heures afin de justifier son absence
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Passé ce délai, il incombe à l’employeur de mettre en demeure le salarié de justifier de son absence et de reprendre son poste par lettre recommandée avec accusé de réception ou par lettre remise en main propre contre décharge.
La lettre précisera qu’il dispose, pour ce faire, d’un délai (au moins égal à 15 jours calendaires à compter de la première présentation de la mise en demeure).
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A défaut de justification de la part du salarié ou de reprise de poste, le salarié sera considéré comme démissionnaire. L’employeur devra envoyer ou mettre à disposition du salarié ses
documents de fin de contrat.
De jurisprudence constante, la démission doit être exprimée par le salarié, elle ne se présume pas, il s’agit donc d’une réforme novatrice puisqu’elle est venue instaurer une présomption simple de démission du salarié.
IV. Quels sont les moyens de recours dont dispose le salarié ?
La possibilité est laissée au salarié de renverser cette présomption simple de démission par le biais d’une procédure accélérée devant le Conseil des prud’hommes. En effet, l’article L1237-1-1 du Code du travail dispose que « le salarié qui conteste la rupture de son contrat de travail, sur le fondement de cette présomption peut saisir le Conseil de prud'hommes. L'affaire est directement portée devant le bureau de jugement, qui se prononce sur la nature de la rupture et les conséquences associées. Il statue au fond dans un délai d'un mois à compter de sa saisine ».
Attention : En cas de litige, l’employeur est en droit de solliciter sur demande reconventionnelle, une somme correspondant au montant de l’indemnité compensatrice du préavis de démission qui n’a pas été exécuté.
Cependant, dans la pratique l’employeur aura tout intérêt à passer par la procédure de présomption de démission que par un licenciement pour faute grave puisque, en cas de contentieux, le licenciement qui pourrait être plus facilement contesté devant le Conseil des prud’hommes. De plus, ce dispositif de présomption de démission n’est applicable qu’aux salariés en CDI. Un salarié en CDD ou en période d’essai ne peut donc pas être présumé démissionnaire. En revanche, il concerne tous les salariés, les salariés protégés n’échappent donc pas au dispositif.
À noter : L’employeur n’a pas à procéder systématiquement comme le prévoit l’article L1237-1-1 en cas d’abandon de poste. Il peut décider de licencier son salarié. Dans ce cas, ce dernier aura bien droit à ses allocations chômage.
Un oubli de la nouvelle loi ?
La nouvelle loi ne prévoit pas le cas où le salarié se contenterait de ne faire que le strict minimum afin d’obtenir un licenciement. Le salarié peut donc envisager de venir travailler un temps totalement inférieur pour faire « acte de présence » et ne pas pouvoir être considéré comme démissionnaire par suite d’un abandon de poste.
Le Cabinet ZENOU localisé dans le 20e arrondissement de Paris, dispose d’une expertise en matière de procédure prud'homale afin de renverser une présomption de démission.