Alors que l’été et les fortes chaleurs pointent le bout de leurs nez, la canicule n’est pas très loin. Les changements climatiques que connaît notre époque se ressentent de plus en plus tôt et de manière accrue. Or, si la période estivale rime avec vacances pour certains, elle reste une période très active pour d’autres salariés et une attention particulière doit être portée à leurs conditions de travail qui se dégradent. En effet, pendant la pause estivale, de nombreux chantiers sont par exemple accélérés, en raison de la libération des bâtiments occupés.
Ces phénomènes météorologiques ont une incidence sur de nombreux salariés, notamment dans le secteur du BTP. Nonobstant, ils ont aussi des implications pratiques pour l’employeur qui doit mettre tous les moyens en œuvre pour adapter les conditions de travail de ses effectifs.
Maître Johan Zenou, expert en
droit social, explique clairement aux employeurs quelles sont leurs obligations en matière de sécurité au travail, en période de canicule. Cet article éclaire également les salariés et les syndicats en cas de méconnaissance des obligations de sécurité par l’employeur.
I. Mesures préventives : obligation générale de sécurité en cas de canicule
Vous souhaitez connaitre en tant qu’employeur quelles sont vos obligations en période de fortes chaleurs ?
Si le Code du travail ne précise aucun seuil de température à partir duquel, l’employeur se trouve dans l’obligation de mettre en place des mesures de protection particulières, il n’en est pas moins tenu à une
obligation de sécurité générale. Cette obligation de sécurité générale est déclinée pour les conditions climatiques particulières, notamment en vertu du
Décret n° 2008-1382 du 19 décembre 2008 relatif à la protection des travailleurs exposés à des conditions climatiques particulières. Le manquement à cette obligation constitue, selon la jurisprudence, une faute inexcusable, si tant est que l’
employeur avait ou aurait dû avoir connaissance du danger menaçant la santé de son salarié (
Cass. soc., 28 février 2002, n° 99-18.389).
À savoir, il existe quatre niveaux de vigilance météorologique. La déclaration de l’état de canicule constitue le troisième niveau (vigilance orange). Ce niveau d’alerte est atteint lorsque les seuils de température fixés ont été dépassés le jour et la nuit durant 3 jours d’affilé. À noter que les seuils diffèrent selon les départements concernés. Dans l’optique de limiter les
accidents du travail liés à la canicule, la loi est claire et enjoint à l’employeur de prendre "
les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs” (art
L 4121-1 du Code du travail).
En vertu du Code et des textes réglementaires, de nombreuses mesures préventives s’imposent aux employeurs. En effet, l’employeur doit inclure dans un document unique (
DUERP) “
l'évaluation des risques pour la santé et la sécurité des travailleurs à laquelle il procède en application de l'article L. 4121-3”, conformément à l’article
R4121-1 du même Code. Ce document doit permettre de retracer les risques liés aux conditions thermiques et d’adopter le cas échéant les mesures de prévention permettant d’assurer la sécurité des salariés. De plus, l’employeur doit mettre
« à la disposition des travailleurs de l'eau potable et fraîche pour la boisson », en vertu de l’article
R4225-2.
Dans la continuité, l’article
R4222-1 dispose :
«
Dans les locaux fermés où les travailleurs sont appelés à séjourner, l'air est renouvelé de façon à :
1° Maintenir un état de pureté de l'atmosphère propre à préserver la santé des travailleurs ;
2° Éviter les élévations exagérées de température, les odeurs désagréables et les condensations. »
L’employeur a ainsi l’obligation de vérifier la ventilation des locaux afin de maintenir des températures raisonnables et qui ne présentent pas de danger pour la santé de ses effectifs. Dans le secteur du BTP, ces obligations sont renforcées et l’employeur met à disposition des travailleurs, un local adapté aux températures caniculaires ou aménager le chantier de sorte que l’état de santé des travailleurs ne soit pas menacé (article
R4534-142-1).
Les employeurs du secteur du bâtiment sont également tenus de fournir aux salariés de l’eau pour s’abreuver, la loi précise même le volume à mettre à disposition des salariés :
« trois litres au moins par jour et par travailleur » (article
R4534-143). L’employeur est également tenu d’aménager les postes extérieurs pour limiter les contraintes physiques supportées par les salariés comme en dispose l’article
R 4225-1 du Code du travail :
“
Les postes de travail extérieurs sont aménagés de telle sorte que les travailleurs : […]
3° Dans la mesure du possible :
a) Soient protégés contre les conditions atmosphériques ;”
Cela implique notamment de s’assurer que les employés disposent des protections individuelles et des équipements de protection compatibles aux conditions caniculaires. Parmi les mesures d’organisation, il est également recommandé pour l’employeur de prévoir des outils d’aides mécaniques à la manutention. Par exemple, il doit veiller à ce que les conducteurs d’engins ne soient pas sujets à une dégradation de leur état de santé, en raison de températures trop élevées. Par ailleurs, une attention toute particulière est prêtée aux jeunes salariés et à ceux très âgés qui peuvent être plus sensibles aux conditions climatiques.
Au-delà, des dispositions de
hard law, des directives relevant du
soft law recommandent fortement à l’employeur de mettre en œuvre certaines mesures en cas de canicule. En effet, les employeurs doivent notamment prendre en considération les recommandations formulées par le Ministère des Solidarités et de la Santé à l’occasion du lancement annuel du Plan canicule. Il vise notamment à lutter contre la
canicule et la dégradation de l’état de santé des salariés.
Ces mesures sont renforcées en cas de températures extrêmes et d’activation du niveau de vigilance rouge et l’évaluation des risques doit être mise à jour. L’aménagement des temps de travail peut notamment être couplé au
télétravail, lorsque la nature des tâches confiées au salarié le permet. Si toutefois l’employeur ne respecte pas son obligation de sécurité en période caniculaire, alors plusieurs options juridiques sont à la portée des salariés et des syndicats.
II. Voies de recours contre un employeur ne mettant pas en place les mesures nécessaires
Dans les cas où les employeurs n’ont pas mis en place les mesures nécessaires ou même que la mise en place des actions préventives n’a pas suffi, des malaises peuvent très vite survenir.
Que faire en cas de malaise ? Le salarié doit cesser son activité dès les premiers signaux médicaux et prévenir les autres employés, ses encadrants ainsi que le médecin du travail. Dans le cas où le malaise n’est pas encore arrivé, le salarié peut également se prévaloir du risque qu’il encourt à cause de la canicule. En effet, dans l’optique de prévenir un éventuel malaise ou d’autres réactions aux fortes chaleurs, le salarié peut mettre en œuvre son droit de retrait.
L’article
L 4131-1 dispose clairement :
« Le travailleur alerte immédiatement l'employeur de toute situation de travail dont il a un motif raisonnable de penser qu'elle présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé ainsi que de toute défectuosité qu'il constate dans les systèmes de protection. Il peut se retirer d'une telle situation. L'employeur ne peut demander au travailleur qui a fait usage de son droit de retrait de reprendre son activité dans une situation de travail où persiste un danger grave et imminent résultant notamment d'une défectuosité du système de protection. »
Aucune sanction n’est encourue par le salarié qui a alerté sans succès son employeur d’une situation dangereuse et décide de se retirer suite à l’inaction de son employeur. La jurisprudence va également dans ce sens et un couvreur (
Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 1er avril 2009, 07-45.511, Inédit) a valablement exercé son droit de retrait par exemple. En effet, si l’obligation générale a évolué en passant d’une obligation de résultat à une obligation de moyens (
Cass. civ. 2ème, 8 octobre 2020, n° 18-25.021), il incombe toujours à l’employeur de mettre en place l’ensemble des mesures nécessaires à la prévention du danger. Toutefois, dans certains cas, les juges ont décidé que l’exercice du
droit de retrait était déraisonnable et ont débouté les salariés qui avaient été licenciés.
À noter que préalablement à l’exercice de son droit de retrait, le
salarié peut, s'il estime se trouver dans une situation de travail susceptible de constituer un danger grave et imminent pour sa vie ou pour sa santé, saisir l’inspection du travail, ou en fonction des cas le
comité social et économique (CSE) ou le délégué du personnel au sein de l’entreprise.
L’exercice du droit de retrait est donc encadré afin de défendre au mieux vos intérêts, le
Cabinet ZENOU expert en
droit du travail, à Paris 20
e, se tient à votre disposition pour accompagner les employeurs dans l’exercice de leurs droits et l’accomplissement de leurs obligations.