Quels sont les éléments caractéristiques du délit de subornation de témoin ?

Quels sont les éléments caractéristiques du délit de subornation de témoin ?
La subornation de témoin fait partie des infractions constitutives d’une entrave à l’exercice de la justice. Si elle vise à protéger le bon fonctionnement de la justice, cette infraction permet aussi la protection des témoins. Elle implique la participation d’un tiers (le suborneur) faisant pression, sur le témoin pour que ce dernier mente, à défaut si le témoin donne un faux témoignage de sa seule volonté cette infraction est celle de faux témoignage.

La subornation de témoin est une infraction formelle c’est-à-dire, qu’est incriminé l’acte commis et pas le résultat auquel l’acte aurait abouti à l’inverse des infractions matérielles. Elle n’a donc pas à avoir un effet pour être punissable. En effet, l’article 434-15 du Code pénal dispose que « le fait d'user de promesses, offres, présents, pressions, menaces, voies de fait, manœuvres ou artifices au cours d'une procédure ou en vue d'une demande ou défense en justice afin de déterminer autrui soit à faire ou délivrer une déposition, une déclaration ou une attestation mensongère, soit à s'abstenir de faire ou délivrer une déposition, une déclaration ou une attestation, est puni de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende, même si la subornation n'est pas suivie d'effet ».

La rédaction de cet article étant large, cela amène à s’interroger sur la qualification du délit de subornation (I), sur les sanctions encourues (II) ainsi que sur la preuve (III) et les conflits de qualifications (IV), dont Maître Johan ZENOU avocat pénaliste à Paris 20ème vous donnera les réponses.
 

I. Caractérisation de la subornation de témoin

 
  1. Les personnes impliquées
Ce délit est commis par le suborneur dont le statut n’est pas précisé contre un témoin. Le Code pénal ne définit pas la notion de témoin, mais le code de procédure pénale en revanche, le définit de façon négative en ses articles 62 et 706-57 comme étant « les personnes à l'encontre desquelles il n'existe aucune raison plausible de soupçonner qu'elles ont commis ou tenté de commettre une infraction et qui sont susceptibles d'apporter des éléments de preuve intéressant la procédure peuvent […] ». Le témoin est donc une personne qui a connaissance d’éléments qui peuvent permettre, de faire avancer l’enquête car il a assisté à la commission de l’infraction. De plus, l’article 434-15 du Code pénal vise autrui comme victime de l’infraction. Cette victime est donc le témoin, mais peut aussi être un expert ou un interprète en vertu des articles 434-21 et 434-19 du Code pénal.

Le suborneur, peut être toute personne. La jurisprudence a par exemple admis comme auteur de l’infraction, l’employeur qui fait pression sur des salariés en les menaçant de licenciement, pour qu’ils apportent un faux témoignage devant le juge (Crim. 28 juin 2011 n°10-88.79). L’auteur peut également être une personne morale dès lors que l’infraction, a été commise pour son compte par un organe ou représentant (article 121-2 Code pénal).
 
  1. Les éléments constitutifs de l’infraction
 
L’élément matériel

L’article 434-15 du Code pénal mentionne le « fait d'user de promesses, offres, présents, pressions, menaces, voies de fait, manœuvres ou artifices au cours d'une procédure ou en vue d'une demande ou défense en justice afin de déterminer autrui soit à faire ou délivrer une déposition, une déclaration ou une attestation mensongère, soit à s'abstenir de faire ou délivrer une déposition, une déclaration ou une attestation ».  Puisqu’il s’agit d’une infraction pénale, la liste posée par cet article est limitative et d’interprétation stricte au nom du principe de légalité criminelle. Cela exclu donc la simple sollicitation (Crim. 22 février 1956, Bull. crim.n°187). Ainsi, celui qui exerce des pressions sur une personne pour qu’elle déclare autre chose que ce qu’elle pense être la vérité constitue le délit de subornation de témoin (Crim. 12 juin 2019, n°18-83.844).

De plus, l’article précité mentionne que la subornation doit intervenir au cours d’une procédure ou en vue d’une demande de défense en justice. Donc pour être caractérisée, la subornation a lieu lors de l’enquête, de l’instruction ou lors du procès. Les moyens utilisés peuvent être des promesses, offres, présents, pressions, menaces, voies de fait, manœuvre ou artifices. Les promesses, offres et présents peuvent être de toute nature telle qu’une remise de chèque (Crim. 25 janv.1984, n°83-90.646). Il n’est pas exigé qu’ils précèdent la demande de déposition mensongère (Crim. 4 févr.1997, n°96-81.227). Également, les promesses ou offres faites pour inciter un témoin à faire des dépositions ou des déclarations mensongères n’ont pas nécessairement à lui être adressées personnellement (Crim., 20 octobre 1999 n°99-80.088).

Les menaces et voies de fait sont des actes d’intimidation effectués, dans le but de créer un sentiment de crainte au témoin. Par exemple le fait pour un employeur de menacer de licenciement un salarié (Crim., 28 juin 2011 précité). Les manœuvres et artifices visent l’usage d’un stratagème en vue de tromper le témoin. La subornation a comme objectif selon l’article 434-15 précité, soit à faire ou délivrer une déposition, une déclaration ou une attestation mensongère, soit à s'abstenir de faire ou délivrer une déposition, une déclaration ou une attestation. L’acte peut donc être positif ou négatif puisque le texte parle de faire et de ne pas faire. Ainsi, l’acte positif est constitué par exemple dans le but d’obtenir une déclaration mensongère lors des diverses étapes de la procédure (crim., 2 mars 2016 n°15-81.787), l’acte négatif quant à lui, pourra être retenu par exemple si le témoin en raison des menaces, reste silencieux.
 
L’élément intentionnel

Le suborneur doit avoir connaissance de l’acte qu’il commet – il d’avoir conscience de l’altération de la vérité dans le témoignage qu’il recherche - et il doit vouloir entraver l’exercice de la justice (Crim., 28 juin 2011 n°10-88.795).
 

II. Sanctions encourues

 
L’article 434-15 du Code pénal prévoit que le délit de subornation de témoin, est sanctionné d’une peine pouvant aller jusqu’à trois ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende, même si la subornation de témoin n’est pas suivie d’effet, pour le fait « d'user de promesses, offres, présents, pressions, menaces, voies de fait, manœuvres ou artifices au cours d'une procédure ou en vue d'une demande ou défense en justice afin de déterminer autrui soit à faire ou délivrer une déposition, une déclaration ou une attestation mensongère, soit à s'abstenir de faire ou délivrer une déposition, une déclaration ou une attestation ». Puisque la subornation n’a pas à être suivie d’effet, cela implique que l’auteur du délit, même en l’absence de déclaration du témoin du fait des pressions, sera poursuivit pour ce délit (Crim. 11 janv. 1956: Bull. crim. n°49).

Ces sanctions sont les mêmes, que la subornation soit commise devant une juridiction nationale, ou devant une juridiction étrangère ou internationale en vertu de l’article 435-12 du Code pénal. Lorsque l’infraction est imputable à la personne morale, la peine d’emprisonnement ne peut pas être prononcée, la peine d’amende est néanmoins quintuplée (l'article 131-38 Code pénal) portant dans cette l’hypothèse l’amende à 225 000euros.

Également, l’article 434-44 du Code pénal prévoit que l’auteur de cette infraction encourt une peine complémentaire d'interdiction des droits civiques, civils et de famille ainsi que la confiscation de la chose qui a servi ou était destinée à commettre l'infraction, à l'exception des objets susceptibles de restitution. Précisions que si l’auteur du délit est aidé d’une autre personne, cette dernière pourra être sanctionnée au titre de coauteur ou de complice (Crim., 9 déc. 1975, n° 74-91.963).
 
L’auteur de la subornation peut aussi être poursuivi pour complicité de faux témoignage au titre de l’article 434-14 du Code pénal, portant alors la peine à sept ans d’emprisonnement et 100 000euros d’amende, si le témoin donne un faux témoignage en raison des pressions, des menaces, des voies de fait… qui ont été exercées à son encontre. Il faut donc que la subornation soit suivie d’effet. Pour retenir la complicité, il faut un fait punissable principal du suborné (le témoignage mensonger en cas de subornation active, non dénonciation d’un crime ou refus de témoigner, en faveur d’un innocent par exemple en matière de subornation passive) et un fait de complicité du suborneur. Les poursuites seront alors exercées contre le témoin et le suborneur mais il est possible qu’elles ne le soient qu’à l’encontre du suborneur.
 

III. Preuve de la subornation

 
La preuve de la subornation appartient à la partie poursuivante (Crim., 2 mars 2016 n°15-81.787). Celui qui invoque la subornation devra essentiellement démontrer l’élément matériel du délit, l’élément intentionnel étant difficile à prouver, il sera quant à lui déduit du comportement du suborneur. Le délit de subornation est qualifié d’infraction instantanée par la jurisprudence (Crim., 7 octobre 2003 n°02-87.821) ce qui induit qu’en matière de prescription, celle-ci court à compter du jour où les faits la consommant ont été commis. La subornation de témoin constituant un délit, l’action publique se prescrit par 6 ans à compter de la commission de l’infraction comme le prévoit la loi n° 2017-242 du 27 février 2017, portant réforme de la prescription en matière pénale.

 

IV. Conflits de qualification

 
En raison de la rédaction de l’article 434-15 du Code pénal qui est assez large, la subornation de témoin peut parfois se regrouper avec d’autres qualifications juridiques. Ce délit peut se superposer, par exemple, avec les qualifications de meurtre, d’empoisonnement ou de violence qui sont des infractions aggravées lorsqu’elles sont commises dans le but d’empêcher le témoin de témoigner. Cela pose la difficulté pour le juge de savoir s’il faut cumuler, les infractions ou n’en choisir qu’une en raison du concours de qualification. Un même fait ne peut être retenu comme constitutif à la fois d'un crime ou d'un délit et d'une circonstance aggravante accompagnant une autre infraction, (Crim., 3 oct. 1984 n°83-92.880) d’autant qu’en raison du principe non bis in idem, il n’est pas possible d’être poursuivi et jugé deux fois pour les mêmes faits. Le juge pourra alors retenir la qualification criminelle à la qualification délictuelle pour que l’auteur soit puni plus sévèrement, ou il pourra appliquer l’adage selon lequel le spécial déroge au général.

Par exception, il pourra y avoir pluralité de qualifications s’il y a plusieurs victimes d’un même fait, ou lorsque l’intention de l’auteur était de violer plusieurs valeurs sociales protégées (Crim. 3 mars 1960, Ben Haddadi). Par exemple en cas de meurtre d’un témoin, le juge peut retenir la qualification de meurtre et pas celle de subornation, ou il peut retenir les deux qualifications en démontrant que l’auteur, a violé deux valeurs sociales protégées que sont celle d’enlever la vie du témoin et celle d’empêcher le bon fonctionnement de la justice.
 
Que vous soyez auteur ou victime de subornation, n’hésitez pas à contacter le Cabinet ZENOU, il pourra vous conseiller et assurer votre défense en cas de procès devant le Tribunal correctionnel.

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