Quels risques encourt un auteur de blanchiment d’argent ?

Quels risques encourt un auteur de blanchiment d’argent ?
Le blanchiment d’argent consiste à dissimuler des fonds illicites provenant de trafic de stupéfiants, de fraude fiscale, de vols, etc., en les investissant dans des activités légales et régulières telles que le commerce, la consommation ou le logement (article 324-1 du Code pénal). Le blanchiment d’argent constitue un délit grave car il suppose la commission d’un crime ou d’un délit originel contre un bien ou une personne. Dans le langage courant, on parle de blanchir « l’argent sale » car il vise à effacer l’origine frauduleuse de l’argent provenant d’un crime ou encore d'un délit afin de le remettre dans le circuit légal.

Me ZENOU, avocat en droit pénal, revient sur la définition du blanchiment d’argent (I), les peines encourues pour son auteur (II) et les actions prises en matière de lutte contre ce délit (III).
 

I – Qu’est-ce que le blanchiment d’argent ?


Pour être constitué, le blanchiment d’argent suppose la réunion de deux éléments principaux. D’abord, il faut que soit réalisée une opération économique par le biais de deux types de comportements définis (A), ensuite, il faut que l’acte soit intentionnel (B). Mais en amont, il nécessite une condition préalable, qui est la commission d’une infraction principale (Cass. Crim., 25 juin 2003, n° 02-86.182).
 

  1. Une opération économique réalisée par deux types de comportements définis

Le premier élément constituant un blanchiment d’argent est la réalisation d’une opération économique composée de trois phases, devant être amenée par deux types de comportements définis. Les trois phases de l’opération économique sont le placement, consistant à introduire des bénéfices illégaux dans le circuit financier, la conversion, consistant à éloigner les fonds de leur source frauduleuse, et enfin l’intégration qui est le fait de réintroduire ces fonds dans le circuit licite par le biais d’activités licites. Deux types de comportement amenant à cette opération sont incriminées. Il s’agit, d’une part, de faciliter par tout moyen la justification mensongère de l’origine des revenus de l’auteur d’un crime ou délit lui ayant bénéficier directement ou indirectement (article 324-1 alinéa 1 du Code pénal).  

Autrement dit, d’aider l’auteur de l’infraction principale à justifier de manière frauduleuse l’origine de ses revenus. L’assistance de ce dernier intervient postérieurement à l’infraction d’origine. Cela peut se traduire par la fourniture de faux documents comptables, d’attestations de complaisance, de faux bulletins de salaire, etc. Et d’autre part, d’apporter concours à une opération de placement, de dissimulation ou de conversion du produit direct ou indirect d’un crime ou délit (article 324-1 alinéa 2 du Code pénal). Ce concours peut être matériel ou immatériel, c’est-à-dire qu’il peut résulter d’une action tout comme d’un conseil sur une opération consistant à dissimuler la provenance du crime ou du délit.
 

  1. L’intention de l’auteur à commettre le délit

Comme toute infraction pénale, le blanchiment d’argent suppose une dimension intentionnelle de son auteur. Il faut que ce dernier ait procédé à l’opération de blanchiment, en ayant conscience de l’origine frauduleuse des fonds. A cet effet, la Cour de cassation considère qu’une preuve indirecte suffit à démontrer, la connaissance de l’origine des fonds puisque celle-ci est généralement présumée (Cass. Crim., 29 mars 2007, n° 06-84.445). 
 

II – Que risque un auteur de blanchiment d’argent ?


La peine principale pour un auteur de blanchiment d’argent est de 5 ans d’emprisonnement et de 375 000 € d’amende (article 324-1 du Code pénal). L’article 324-3 du Code pénal ajoute que « les peines d’amende peuvent être élevées jusqu’à la moitié de la valeur des biens ou des fonds sur lesquels ont porté les opérations de blanchiment ». Cette peine principale peut être alourdie de circonstances aggravantes (A) et être corroborée de peines complémentaires (B).

Bon à savoir : les peines complémentaires correspondent aux sanctions qui s’ajoutent aux peines principales d’un délit, tandis que les circonstances aggravantes sont les situations qui viennent aggraver l’infraction commise, et qui peuvent le cas échéant d’augmenter la peine de l’auteur.  
 

  1. Les circonstances aggravantes du délit de blanchiment d’argent

La peine principale de l’auteur d’un blanchiment d’argent peut être majorée en cas les circonstances aggravantes suivantes :
 

  1. Le blanchiment d’argent en bande organisée

Lorsqu’il est commis en bande organisée, le blanchiment d’argent est puni de 10 ans d’emprisonnement et 750 000 € (article 324-2 du Code pénal). Pour que cette circonstance aggravante soit retenue, il faut impérativement que soit prouvée la préméditation de l’infraction et l’existence d’une organisation structurée entre ses membres (Cass. Crim., 8 juillet 2015, n° 14-88.329).
 

  1. Le blanchiment d’argent dans le cadre de l’exercice d’une activité professionnelle

Le blanchiment d’argent, lorsqu’il est commis en utilisant les facilités que procure l’exercice d’une activité professionnelle, est puni de 10 ans d’emprisonnement et 750 000 € d’amende (article 324-2 du Code pénal). A titre d’exemple, la Directive 2001/97/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 décembre 2001 impose expressément aux professions juridiques indépendantes la déclaration des transactions suspectes. « Est [ainsi] coupable de blanchiment aggravé, l'avocat qui utilise les facilités que lui procurait sa profession d'avocat pour apporter sciemment son concours au placement de sommes d'argent, dont il savait qu'elles avaient été prélevées sur des comptes bloqués » (Cass. Crim. 4 mai 2011, n° 10-84.456).
 

  1. Les peines complémentaires applicables au blanchiment d’argent

Des peines complémentaires peuvent s’appliquer aux personnes physiques (1), aux personnes étrangères (2) et aux personnes morales (3).
 

  1. Les peines complémentaires applicables aux personnes physiques

L’article 324-7 du Code pénal dispose que les personnes ayant commis un délit de blanchiment d’argent encourent également :
 

  • L’interdiction d’exercer une fonction qui était celle de l’auteur au moment de la commission de l’infraction. Cette interdiction est en principe de 5 ans mais peut devenir définitive lorsqu’elle est commise dans les circonstances aggravantes citées précédemment,

  • L’interdiction de déterminer ou de porter une arme durant 5 ans ou plus,

  • L’interdiction d’émettre des chèques auprès de l’agent durant 5 ans,

  • La suspension du permis de conduire durant 5 ans,

  • L’annulation du permis de conduire avec interdiction de solliciter la délivrance d’un nouveau permis durant 5 ans,

  • La confiscation du véhicule,

  • La confiscation d’arme,

  • La confiscation de la chose ayant servi ou étant déterminée à commettre l’infraction,

  • L’interdiction des droits civiques, civils et de famille,

  • L’interdiction de séjour,

  • L’interdiction de quitter le territoire français durant 5 ans,

  • La confiscation des biens du condamné,
     

Exemple : le 27 mai 2020, la Cour d’appel de Paris déclare les époux Balkany coupables de blanchiment de fraude fiscale aggravé et les condamne respectivement à 4 et 5 ans d’emprisonnement, 100 000€ d’amende, une inéligibilité et d’interdiction d’exercer pendant 10 ans, et la confiscation d’une de leur maison. En l’espèce, la Cour d’appel reproche au couple d’être à l’origine de montages fiscaux, au moyen de structures « off-shore », qui avait pour but de dissimuler les faits de fraude fiscale et les différents transferts de fonds litigieux. Cette affaire s’est soldée par un pourvoi en cassation formé par le couple, et un arrêt de la Cour de cassation rendu le 30 juin 2021 estimant qu’il n’y avait pas lieu de confisquer le bien immobilier pour un motif de droit.
 

  1. Les peines complémentaires applicables aux personnes physiques étrangères
     

Une personne étrangère ayant commis un blanchiment d’argent sur le territoire français est susceptible de se voir interdire du territoire français, (ITF) durant 10 ans ou de manière définitive (article 324-8 du Code pénal).
 

  1. Les peines complémentaires applicables aux personnes morales

Une personne morale encourt quant à elle une confiscation des biens, la dissolution de l’entreprise, l’interdiction d’exercice de leur activité professionnelle, le placement sous surveillance judiciaire, la fermeture de l’établissement, etc. (article 324-9 du Code pénal). Votre entreprise est accusée de blanchiment de fraude fiscale ? Le Cabinet ZENOU, avocat en droit pénal du travail et en droit pénal des affaires, est compétent pour traiter votre affaire et saura analyser votre situation afin d’agir en conséquent.
 

III. Focus sur le blanchiment de fraude fiscale des entreprises


La fraude fiscale est un délit défini à l'article 1741 du Code général des impôts, et est caractérisée par le fait de ne pas déclarer délibérément une partie de ses revenus au fisc dans le but d'éviter de payer ses impôts. Cette fraude est constituée lorsqu'il y a omission délibérée de déclaration, dissimulation volontaire de biens ou revenus soumis à l'impôt, organisation de son insolvabilité, ou toute manœuvre visant à faire obstacle au recouvrement de l'impôt. C’est lorsque l’entreprise place l’argent issue de la fraude dans le circuit légal, qu’il commet un délit de blanchiment d’argent. La fraude fiscale constitue alors l’infraction initiale du blanchiment d’argent. Cependant, sachez que tant que l'action publique n'a pas été mise en mouvement, le Procureur de la République peut proposer à l’entreprise, mise en cause de conclure une convention judiciaire d'intérêt public lui imposant, notamment, de verser au Trésor public une amende proportionnée aux avantages tirés de son manquement, en échange d'un abandon des poursuites contre elle (article 41-2 du Code de procédure pénale).

En matière de fraude fiscale, la mise en œuvre des poursuites déroge au droit commun. Contrairement aux autres délits, le délit de fraude fiscale ne peut pas être poursuivi d’office par le Procureur de la République. Il ne peut disposer de l’opportunité des poursuites que si l’administration fiscale a préalablement déposé une plainte. Cette formalité est d’ordre public.
 

IV. Quid de la lutte contre le blanchiment d’argent ?


Dans le cadre de la lutte contre le blanchiment d’argent, en cas de soupçon de blanchiment d’argent, une personne chargée de transfert de fonds doit déclarer ce soupçon au service du Traitement du Renseignement et de l’Action Contre les circuits FINanciers clandestins (TRACFIN), organe du Ministère de l’Economie, des Finances et de la Relance conformément à l’article L. 561-15 du Code monétaire et financier. En effet, cet article dispose que « les personnes (…) sont tenues (…) de déclarer (...) les sommes inscrites dans leurs livres ou les opérations portant sur des sommes dont elles savent, soupçonnent ou ont de bonnes raisons de soupçonner qu'elles proviennent d'une infraction, passible d'une peine privative de liberté supérieure à un an ou participent au financement du terrorisme ».

« Une personne chargée de transfert de fonds » désigne notamment les experts-comptables, les commissaires aux comptes, les notaires, les huissiers de justice, les administrateurs et mandataires judiciaires, les banquiers et les avocats. Le soupçon de blanchiment est justifié dès que la personne soupçonnée, ne peut apporter la preuve de l’origine légale de ses fonds. La déclaration du soupçon du trafic, se fait sur un document et doit être effectuée avant l’enregistrement du transfert du fond douteux.

Ce fond peut être de n’importe quelle somme, ce qui signifie que tout transfert d’argent, peut faire l’objet d’une déclaration de soupçon. Vous êtes accusé de blanchiment d’argent ? Me ZENOU, avocat pénaliste à Paris 20ème vous représente et vous défend en matière de procédure pénale.

 
 

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