La comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité : conditions, déroulement et droits de la victime

La comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité : conditions, déroulement et droits de la victime
La comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité (ou CRPC) a été introduite en droit français par la loi dite Perben II en date du 9 mars 2004. Elle figure aux articles 495-7 à 495-16 du Code de procédure pénale. Il s’agit d’une procédure rapide par laquelle le procureur de la République, propose une peine atténuée au délinquant reconnaissant les faits qui lui sont reprochés, lui permettant ainsi d’éviter une procédure devant le Tribunal correctionnel. Véritable reflet du phénomène de contractualisation judiciaire, cette procédure se déroule en deux temps, le procureur de la République proposant une peine au prévenu reconnaissant les faits reprochés, et le juge du siège homologuant cette peine. Cette procédure s’inspire du plaider coupable anglo-saxon (plea bargaining), qui se distingue, pourtant du plaider coupable français puisque, le droit anglo-saxon met en avant une véritable négociation de la peine par le prévenu, ce qui n’est pas effectivement le cas en droit français.

Il conviendra de déterminer les conditions de la mise en œuvre d’une telle procédure (I), d’en retracer le déroulement de la procédure (II) avant d’identifier les droits de la victime dans le cadre de cette procédure (III).
 

I. Les conditions de la mise en œuvre de la CRPC


La procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité doit respecter certaines conditions, tenant prévenu (A), à l’infraction (B) et à l’assistance obligatoire d’un avocat (C).


A. Conditions tenant au prévenu

Le prévenu doit remplir certains critères afin de pouvoir bénéficier de cette procédure. En effet, il doit être majeur au moment des faits. En cas de minorité, le juge des enfants sera compétent pour connaitre de l’affaire. De plus, l’intéressé doit reconnaitre les faits qui lui sont reprochés. Cette dernière condition est essentielle. A défaut de cette reconnaissance, le prévenu se verra appliquer la procédure classique. De fait, l’intéressé ne devra se prononcer que sur une peine, lui évitant tout débat contradictoire devant un Tribunal correctionnel. Le rôle majeur de ce dernier est d’établir sa culpabilité, mais en raison de la reconnaissance des faits par l’intéressé, et par conséquent de sa culpabilité, le rôle du Tribunal correctionnel est écarté dans le cadre de cette procédure.

B. Conditions tenant à l’infraction

La comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité peut être engagée pour tout délit, c’est-à-dire pour toute infraction punie d’une peine d’emprisonnement inférieure à dix ans. Néanmoins, trois catégories d’infractions ne peuvent pas faire l’objet de cette procédure. Il s’agit en premier lieu des infractions mentionnées à l’article 495-16 du Code de procédure pénal, visant les délits commis par des mineurs, les délits de presse les délits d’homicide involontaire, les délits politiques ou certains délits dont la procédure de poursuite est prévue par une loi spéciale. Il s’agit également des délits d’atteintes volontaires et involontaires à l’intégrité des personnes, et enfin les agressions sexuelles. Les crimes et les contraventions ne peuvent donc pas être jugés en CRPC.

C. Conditions tenant à l’assistance obligatoire d’un avocat

En vertu de l’article 495-8 alinéa 4 du Code de procédure pénale, « la personne ne peut renoncer à son droit d'être assistée par un avocat. L'avocat doit pouvoir consulter sur-le-champ le dossier ». La présence d’un avocat est donc obligatoire dans le cadre de la CRPC.

Elle est même essentielle, puisqu’à l’issue de cette procédure, une peine sera appliquée au prévenu et ses conséquences peuvent être importantes. L’intéressé est tenu de trouver un avocat mais il peut demander au Bâtonnier de l’ordre des avocats de désigner un avocat qui l’assistera. En revanche, si l’intéressé est en garde à vue et qu’il n’a désigné aucun avocat, un avocat de permanence sera chargé de sa défense. Maître Johan Zenou pourra, au cours du premier entretien, expliquer la procédure au prévenu, répondre à ses questions et élaborer une stratégie de défense grâce aux éléments fournis par son client. Il pourra également consulter le dossier du prévenu « sur-le-champ », comportant les procès-verbaux d’enquête..
 

II. Le déroulement de la procédure de CRPC


La procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité se déroule en plusieurs phases. Elle débute par sa proposition (A), puis le procureur de la République propose une peine à l’intéressé (B), qui peut accepter ou refuser cette proposition (C). En cas d’acceptation de la proposition, l’intéressé est convoqué à une audience aux fins d’homologation par le président du tribunal judiciaire (D).

A. La proposition de la CRPC

Le procureur de la République détient le pouvoir d’engager la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité au vu des faits et des éléments de l’enquête, à l’issue de celle-ci. Il peut le faire d’office, tout comme l’intéressé ou l’avocat peut en faire la demande par lettre recommandée. Depuis la loi du 13 décembre 2011, le juge d’instruction peut également en formuler la demande. Informé de cette procédure, le prévenu recevra une convocation devant le procureur de la République. S’il est en garde à vue, l’intéressé sera déféré devant le procureur de la République à l’issue de sa garde à vue.


B. La proposition de la peine par le procureur de la République

Convoqué en audience devant le Procureur de la République, l’intéressé se verra proposer une peine par ce magistrat du parquet après avoir rédigé une déclaration par laquelle, il reconnait l’ensemble des faits qui lui sont reprochés. L’avocat est également présent durant cette audience. Généralement, le prévenu et son avocat n’ont pas connaissance des peines que proposera le procureur de la République avant le jour de l’audience. L’article 495-8 du Code de procédure pénale précise l’ensemble des peines que le procureur de la République peut proposer au prévenu. Respectueux du principe de l’individualisation des peines, le procureur de la République propose une peine dont la nature et le quantum sont déterminés en fonction des circonstances de l’infraction et de la personnalité de son auteur. L’objectif de cette peine est affirmé à l’article 132-24 du Code de procédure pénale qui dispose que « la nature, le quantum et le régime des peines prononcées sont fixés de manière à concilier la protection effective de la société, la sanction du condamné et les intérêts de la victime avec la nécessité de favoriser l’insertion ou la réinsertion du condamné et de prévenir la commission de nouvelles infractions ».

Le procureur de la République peut proposer certaines peines telles qu’une peine d’emprisonnement (1), une peine d’amende (2) ou d’autres peines (3).

1. La peine d’emprisonnement

La peine d’emprisonnement proposée par le procureur de la République ne peut excéder trois ans, ni excéder la moitié de la peine d’emprisonnement maximale prévue par la loi. La peine peut être assortie d’un sursis total ou partiel. Le procureur de la République peut également proposer une peine de prison ferme assortie d’un mandat de dépôt. Néanmoins, cette peine étant aménageable, le prévenu pourra être convoqué devant le juge d’application des peines. La peine peut aussi être aménagée dès le départ et l’intéressé bénéficiera, d’une mesure d’aménagement de peine telle qu’une mesure de semi-liberté, un placement en liberté conditionnelle ou un placement sous surveillance électronique.

2. La peine d’amende

Pouvant être assortie d’un sursis, la peine d’amende proposée par le procureur de la République ne peut excéder le montant de l’amende prévue par la loi.

3. Les autres peines

La loi du 23 mars 2019 a introduit un nouvel alinéa à l’article 495-8 du Code de procédure pénale, permettant au procureur de la République de proposer une peine d’emprisonnement qui révoquera certains sursis précédemment accordés. Le procureur peut également proposer « le relèvement d'une interdiction, d'une déchéance ou d'une incapacité résultant de plein droit de la condamnation » ou même exclure la mention de la condamnation du bulletin n°2 et n°3 du casier judiciaire.


C. Le choix du prévenu

Après s’être entretenu avec son avocat, le prévenu pourra accepter ou refuser la peine proposée par le procureur de la République. Cette liberté laissée au prévenu découle du statut du magistrat en cause. En effet, le procureur de la République est un juge du parquet et non pas du siège. Il ne peut donc que proposer une peine au prévenu, mais il ne peut pas le condamner. En vertu de l’article 495-8 du Code de procédure pénale, le prévenu dispose d’un délai de réflexion de dix jours. Le procureur de la République pourra décider de présenter l’intéressé au juge des libertés et de la détention, pour qu’il ordonne son placement sous contrôle judiciaire. La nouvelle comparution devant le procureur de la République doit se faire dans un délai de dix à vingt jours, à partir de la décision de placement sous contrôle judiciaire rendue par le juge des libertés et de la détention. Dans l’hypothèse où l’intéressé refuse la peine proposée par le procureur de la République, ce dernier saisira le Tribunal correctionnel. Ainsi, le prévenu se verra appliquer la procédure de droit commun. En revanche, si le prévenu accepte la peine proposée par le procureur de la République, il sera déféré devant le président du tribunal judiciaire pour homologation.


D. L’audience aux fins d’homologation par le président du Tribunal judiciaire

Après avoir accepté la proposition de peine du procureur de la République, le prévenu sera convoqué en audience d’homologation devant le président du Tribunal judiciaire. Au cours de cette audience, l’intéressé disposera de la possibilité de refuser la peine qu’il avait lui-même accepté précédemment en audience devant le procureur de la République. Après avoir vérifié la réalité et des faits et leur qualification juridique, le président du tribunal judiciaire pourra accepter d’homologuer l’accord conclu entre l’intéressé et le procureur de la République, ou refuser d’homologuer cet accord. En cas d’acceptation de l’homologation de la proposition de peine par le président du tribunal judiciaire celui-ci rendra une ordonnance motivée, prenant la forme d’un jugement de condamnation dont l’effet immédiatement exécutoire.

Ainsi, la peine proposée par le procureur de la République sera immédiatement mise en exécution, qu’il s’agisse d’une peine d’emprisonnement avec mandat de dépôt, ou d’un aménagement de peine, auquel cas l’ordonnance sera remise au juge d’application des peines. Cette motivation comporte la reconnaissance des faits par le prévenu, et son acceptation de la peine proposée, ainsi que la justification de cette peine au regard des faits et de la personnalité de son auteur.

Ne s’agissant pas d’un jugement, le président ne pourra pas proposer d’autres peines ou de peines plus lourdes. Néanmoins, le président du tribunal judiciaire peut également refuser d’homologuer la peine proposée par le procureur de la République et acceptée par le prévenu. L’article 495-11-1 du Code de procédure pénale précise en effet que le président du tribunal judiciaire peut refuser d’homologuer « s'il estime que la nature des faits, la personnalité de l'intéressé, la situation de la victime ou les intérêts de la société justifient une audience correctionnelle ordinaire ou lorsque les déclarations de la victime entendue en application de l'article 495-13 apportent un éclairage nouveau sur les conditions dans lesquelles l'infraction a été commise ou sur la personnalité de son auteur ». Ainsi, à défaut d’homologation, le prévenu sera présenté devant le Tribunal correctionnel.
 

III. Les droits de la victime


Dans le cadre de cette procédure, la victime dispose de certains droits. En effet, elle est informée sans délai et par tout moyen de cette procédure rapide. Elle peut se présenter à l’audience d’homologation afin de se constituer partie civile et demander la réparation du préjudice subi, seule ou assistée d’un avocat. Le président du tribunal judiciaire pourra donc statuer sur les intérêts civils. La victime dispose également de la possibilité d’interjeter appel de l’ordonnance d’homologation.

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