Le préjudice sexuel est l’un des préjudices survenant à la suite d’un dommage corporel. Il est défini par la nomenclature Dintilhac et par la jurisprudence comme étant un préjudice touchant la sphère sexuelle de la victime d’un dommage corporel (morphologique, libido et fertilité). Il s’agit d’un préjudice extra-patrimonial permanent, signifiant qu’il n’est pris en compte qu’à partir de la date de consolidation, c’est-à-dire dès que l’état de santé de la
victime s’est stabilisé mais que la victime gardera des séquelles tout au long de sa vie.
Vous subissez un préjudice sexuel et vous souhaitez comprendre de quoi il s’agit ? Maitre Johan ZENOU, expert en
droit du préjudice corporel dans le 20
e arrondissement de Paris, vous définit le préjudice sexuel (I), vous explique comment il est établi (II) et indemnisé (III) et en quoi il se distingue d’autres types de préjudices (IV).
I. La définition du préjudice sexuel
La nomenclature Dintilhac distingue trois types de préjudice sexuel :
- « Le préjudice morphologique qui est lié à l’atteinte aux organes sexuels primaires et secondaires résultant du dommage subi
- Le préjudice lié à l’acte sexuel lui-même qui repose sur la perte du plaisir lié à l’accomplissement de l’acte sexuel (perte de l’envie ou de la libido, perte de la capacité physique de réaliser l’acte, perte de la capacité à accéder au plaisir.
- Le préjudice lié à l’impossibilité ou une difficulté à procréer (ce préjudice pouvant notamment chez la femme se traduire sous diverses formes comme le préjudice obstétrical, etc…) ».
Ainsi, la nomenclature Dintilhac distingue trois aspects pouvant être séparés ou cumulatifs, total ou partiel : l’aspect morphologique, l’aspect relatif à l’acte sexuel et l’aspect relatif à la procréation et à la fertilité. En effet, selon la nomenclature Dintilhac, l’aspect morphologique du préjudice sexuel correspond à l’atteinte aux « organes primaires », c’est-à-dire à l’atteinte anatomique aux organes sexuels, et à l’atteinte aux « organes secondaires », correspondant aux modifications anatomiques qui portent atteinte à l’identification sexuelle de la personne.
Le deuxième aspect du préjudice sexuel posé par la nomenclature Dintilhac correspond à l’altération de la vie sexuelle. Cela concerne donc :
- Des perturbations de la libido ;
- Une perturbation neuropsychique des pratiques sexuelles antérieures quelles qu’elles soient ;
- Une limitation ou une impossibilité physique de pratiquer l’acte sexuel ;
- Une limitation ou une impossibilité situationnelle de pratiquer ou d’envisager l’acte sexuel.
Enfin, la
nomenclature Dintilhac présente un troisième aspect du préjudice sexuel, correspondant aux capacités de procréation et à la fertilité. Néanmoins, cet aspect est largement évalué au titre du
déficit fonctionnel permanent (DFP). Cet aspect du préjudice sexuel correspond à la difficulté du projet de procréation, aux modifications des conditions de la grossesse ou de l’accouchement et de la baisse de fertilité.
Par un arrêt en date du 17 juin 2010, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation a fait sienne la définition du préjudice sexuel provenant de la nomenclature Dintilhac (
Civ. 2, 17 juin 2010, n° 09-15.842). La Cour de cassation affirme par les termes suivants que «
le préjudice sexuel comprend tous les préjudices touchant à la sphère sexuelle à savoir : le préjudice morphologique lié à l'atteinte aux organes sexuels primaires et secondaires résultant du dommage subi, le préjudice lié à l'acte sexuel lui-même qui repose sur la perte du plaisir lié à l'accomplissement de l'acte sexuel, qu'il s'agisse de la perte de l'envie ou de la libido, de la perte de la capacité physique de réaliser l'acte, ou de la perte de la capacité à accéder au plaisir, le préjudice lié à une impossibilité ou une difficulté à procréer ».
La jurisprudence de la Cour de cassation adopte donc la même définition du préjudice sexuel que la nomenclature Dintilhac.
II. L’évaluation et établissement du préjudice sexuel
Le préjudice sexuel doit être évalué par le médecin expert. En effet, au cours de l’expertise, la victime doit présenter ses doléances. Le médecin expert doit ensuite décrire et donner un avis sur l’existence d’un préjudice sexuel. Il précise si le préjudice sexuel subi par la victime recouvre l’un ou plusieurs des aspects dudit préjudice.
L’expert doit effectuer la recherche de plusieurs éléments :
- Une atteinte anatomique des organes sexuels
- Les atteintes neurologiques affectant la sexualité
- Les mécanismes psychiques invalidants
- Des résultats d’examens spécifiques (fertilité, dépistage d’une IST en cas d’agression sexuelle)
- La prescription de traitements en lien avec le fait dommageable responsables d’effets secondaires altérant la sexualité (antidépresseurs et psychotropes, antalgiques, bétabloquants…).
- La nécessité de traitements ou de moyens techniques ou humains destinés à compenser une impuissance, une stérilité ou des difficultés à l’accomplissement de l’acte sexuel.
En pratique, l’aspect morphologique est plus facilement établi et prouvé que la perte de libido. En effet, la perte de libido relève d’une part de subjectivité lorsqu’elle résulte d’un traumatisme. Elle peut être cependant prouvée par la prescription de traitements qui l’altèrent. Néanmoins, cette preuve du préjudice est moins objective que la preuve de l’aspect morphologique du préjudice sexuel. Cet aspect est prouvé par un examen médical, cette pratique différenciée des types de préjudices sexuels en influence fortement l’indemnisation.
III. L’indemnisation du préjudice sexuel
À titre liminaire, il convient de rappeler que le
préjudice sexuel temporaire, c’est-à-dire l’impossibilité de réaliser l’acte sexuel seulement avant la consolidation et la possibilité de réaliser l’acte après la consolidation, est indemnisé au titre du déficit fonctionnel temporaire
(Cass. 2ème civ., 11 décembre 2014, n° 13-28.774). Le déficit fonctionnel temporaire répare la perte de la qualité de vie de la victime et des joies usuelles de la vie courante pendant la maladie traumatique. Le préjudice sexuel permanent est indemnisé de manière autonome. L’
indemnisation de ce préjudice vise à compenser la privation tout ou partie de l’activité sexuelle de la victime.
Le préjudice sexuel n’est pas quantifié sur une échelle de 1 à 7 contrairement à la souffrance physique et morale ou au préjudice esthétique.
En effet, le montant de l’indemnisation du préjudice sexuel est calculé en fonction de :
- L’ampleur de l’altération de la fonction sexuelle
- L’âge de la victime
- La nature organique et psychologique des troubles
- Les possibilités d’amélioration par des traitements thérapeutiques et/ou des moyens palliatifs.
La détermination du montant de l’indemnisation se fait donc par une approche « concrète » (ou « in concreto »), c’est-à-dire qui prend compte des paramètres spécifiques de la victime et du retentissement de ce préjudice sur son intimité. Plus une victime est jeune, mieux le préjudice sexuel qu’elle a subi / subit sera indemnisé. Mais cela relève de la théorie. En pratique, la jurisprudence tend à minimiser le préjudice sexuel, et en particulier la perte de libido. Celle-ci est très souvent minorée par les juges en raison de sa subjectivité et donc de la difficulté de l’établir. Il est donc difficile de l’indemniser. En revanche, le préjudice sexuel morphologique est plus facilement pris en compte par les juges, car moins subjectif. La preuve en est attestée médicalement et donc plus facilement établie. La victime ayant subi un préjudice sexuel morphologique sera généralement mieux indemnisée que celle ayant perdu sa libido.
L’indemnisation doit également être calculée en fonction de l’impact du préjudice sur le ou la partenaire de la victime directe de ce préjudice sexuel. Les indemnités allouées au titre de ce préjudice varient généralement entre quelques centaines d’euros et peuvent atteindre la somme de 50 000 euros.
IV.Distinction du préjudice sexuel d’autres types de préjudices
- Le préjudice sexuel se distingue du préjudice d’agrément
Le
préjudice sexuel était auparavant considéré par la jurisprudence comme un pan du préjudice d’agrément. En effet, le préjudice d’agrément correspond à l’impossibilité d’exercer une activité de loisirs ou de sport spécifique et de la peine que cela cause à la victime. Or, le préjudice sexuel ne correspond pas à une activité sportive. Il touche à l’intimité d’un couple. Le préjudice sexuel comporte une dimension affective qui dépasse le cadre du préjudice d’agrément. Ainsi la Cour de cassation a-t-elle distingué ces deux préjudices par un arrêt de la chambre criminelle en date du 14 juin 1990.
La Cour de cassation a eu l’occasion d’affiner sa jurisprudence ultérieurement. En effet, elle a affirmé que le préjudice sexuel était distinct du préjudice d’agrément, lorsque l’accident du travail était la conséquence d’une
faute inexcusable de l’employeur (Civ. 2, 4 avril 2012, n° 11-14.311 et 11-14.594, publié).
- Le préjudice sexuel se distingue du préjudice d’établissement
Le préjudice sexuel est différent du préjudice d’établissement. Ce dernier correspond à la perte d’espoir de se marier, de fonder une famille et d’avoir des enfants. Le troisième aspect du préjudice sexuel présenté par la nomenclature Dintilhac se traduit par l’altération de la fertilité et de la procréation. Cela complique la distinction entre ces deux préjudices.
Lorsqu’une victime d’un
dommage corporel subit une simple altération de la fertilité, celle-ci doit être indemnisé au titre d’un préjudice sexuel. En revanche, lorsque la victime qui subit une altération de la fertilité, perd tout espoir de fonder une famille et d’avoir des enfants, cela doit être indemnisé au titre du préjudice d’établissement. Ainsi, le préjudice sexuel se distingue du préjudice d’établissement, mais ils sont cumulables. Le préjudice d’établissement peut en effet accompagner le préjudice sexuel.
Le Cabinet d'avocat Zenou
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e arrondissement de Paris, se met à votre disposition pour vous accompagner et pour défendre vos intérêts au cours d’une procédure relative à votre dommage corporel.