Lorsque l’on est malade, le médecin peut nous prescrire un arrêt de travail donnant droit, au bout d’un certain délai de carence, à des indemnités journalières. Ce document est à destination de l’organisme d’assurance maladie et de l’employeur.
Ces indemnités couvrent d’ailleurs, en plus des maladies professionnelles ou non, les accidents du travail, les congés maternité, paternité et adoption, ainsi que les deuils, et sont versées généralement par la Caisse Primaire d’Assurance Maladie (CPAM). Celle-ci verse les indemnités journalières tous les 14 jours, et durant maximum 12 mois par période de 3 mois consécutifs. Ensuite, l’employeur verse à partir du 8ème jour de l’arrêt des indemnités complémentaires, sauf dispositions conventionnelles ou accord collectif plus favorable.
Cependant, ces indemnités pourtant nécessaires aux salariés arrêtés vont s’abaisser à compter du 1er avril 2025. La question est alors de comprendre cette réforme et ses intentions, ainsi que les répercussions générées sur les acteurs concernés.
La mise en place de cette réforme (I) instaure ainsi un nouveau calcul d’indemnités journalières (a), dans l’objectif de lutter contre la fraude (b). Cette réforme n’est pas sans conséquences (II) sur les salariés, les fonctionnaires (a) et les employeurs (b).
a) L’instauration d’un nouveau calcul d’indemnités journalières
Cette modification concerne les salariés du régime général et du régime agricole. Selon l’article R323-4 du Code de la sécurité sociale, l’indemnité journalière maladie est calculée sur la base de la moitié du gain journalier de base, déterminé à partir des salaires bruts soumis à cotisations perçus au cours des 3 mois précédant l’arrêt de travail.
Jusqu’au 1 er avril 2025, les indemnités journalières étaient plafonnées à 1,8 fois le SMIC, soit 3 243,24€ par mois en 2025. Mais dorénavant, le plafond s’abaisse à 1,4 fois le SMIC, soit 2 522,52€/mois ce qui change significativement le montant.
Cependant, certains salariés ne sont pas concernés par le délai de carence de 3 jours durant lequel ils ne perçoivent pas d’indemnités. En effet, certains employeurs lorsque cela est prévu par des conventions collectives et sous certaines conditions versent des indemnités complémentaires afin de couvrir 90 voire 100% du salaire que les employés auraient dû percevoir s’ils n’étaient pas malade.
Le cumul de pension de vieillesse lorsque l’on est retraité et que l’on poursuit une activité salariale, et le cumul de pension d’invalidité si le taux est comptabilisé avec une reprise d’activité professionnelle avec les indemnités journalières sont possibles.
La réforme évoquait aussi la possibilité d’allonger le délai de carence à 3 jours pour les fonctionnaires, ce qui aurait été lourd de conséquences. La fonction publique dispose d’une moyenne d’âge élevée, ce qui augmente le risque d’absence pour maladie, d’autant plus qu’un rapport de l’IGF datant de 2014 relève une moyenne de 19,2 jours d’absence hors congé dans la fonction publique face à 16,1 jours dans le secteur privé. Cette baisse de 0,4% du SMIC trouve sa justification dans la volonté de diminuer les fraudes.
b) La lutte contre la fraude comme cause de cette réforme
Cette réforme soudaine arrive dans un contexte de lutte contre les fraudes. Il est vrai que l’Assurance Maladie annonce une hausse de 35% de fraudes aux indemnités journalières pour l’année 2024, comparée à l’année précédente.
Plusieurs solutions étaient alors envisagées, la première étant d’augmenter le nombre de jours de carence pour percevoir des indemnités journalières, la deuxième de mettre en place un jour de carence d’ordre public, que ni l’employeur, ni la sécurité sociale ne prendraient en charge. S'agissant du délai de carence, plusieurs études mettaient en exerce l’inefficacité de celle-ci.
C’est le cas de l’étude de la DREES datant de janvier 2025 qui démontrait que « les salariés couverts durant le délai de carence n’ont pas de probabilité plus élevée d’avoir un arrêt dans l’année, mais ont des durées totales d’arrêt maladie significativement plus courtes ».
Un rapport de la Cour des comptes de 2019 ajoute que les arrêts maladie pour une durée courte représentent 61% des arrêts. Cependant, ils ont un coût bien inférieur aux arrêts maladie de longues durées.
Finalement, la loi de financement de la sécurité sociale n°2025-199 du 18 février 2025 n’augmentera pas les délais de carence, mais baissera les indemnités de 0,4 fois le SMIC. Le gouvernement entend économiser 600 millions d’euros par an, uniquement par cette mesure, seulement 48% des arrêts de travail vérifiés trouveraient une réelle justification.
C’est donc dans son intention de prévenir les risques d’abus liés à la prescription d’arrêts de travail injustifiés que le gouvernement se lance dans une véritable chasse à la fraude en matière de protection sociale.
Pour cela, la réforme entend davantage contrôler la télémédecine bien que les certificats de complaisance soient proscrits : un arrêt prescrit à distance par un médecin traitant ou une sage-femme ne peut pas dépasser 3 jours. L’arrêté n’aura donc pas d’indemnités journalières passé ce délai. Les médecins n’auront pas non plus la possibilité d’augmenter la durée totale de l’arrêt de travail à plus de 3 jours, dans le cadre d’une téléconsultation, à moins que le salarié soit dans l’impossibilité de consulter un professionnel de santé en présentiel pour obtenir une prolongation.
Ces mesures concernant les médecins peuvent sembler anodines, mais le gouvernement retient 39 millions d’euros de fraudes, ayant conduit au déconventionnement de 30 centres médicaux pour l’année 2024 soit 9 de plus qu’en 2023. Par l’intensification des mesures de surveillance, près de 20 000 actions contentieuses ont été menées en 2024, soit de fois plus que l’année précédente. La sécurité sociale aurait évité un lot de fraudes représentant 263 millions d’euros, uniquement grâce aux nouvelles actions de cette réforme.
Ces économies d’Etat ont un coût pour les principaux concernés, soit les salariés et les fonctionnaires. Indirectement, les entreprises et centres de prévoyance seront tout autant impactés.
a) Conséquences sur les salariés et les fonctionnaires
Par cette réforme, les salariés à compter du 1er avril 2025 se verront baisser leurs indemnités journalières en cas d’arrêt de travail de 0,4% du SMIC. Certains seront plus avantagés que d’autres, dès lors que leurs employeurs prennent en charge le complément de l’indemnité en plus de la sécurité sociale.
Mais alors l’Etat se ferait-il des économies sur le dos des salariés malades ?
Lorsque l’absence des salariés est qualifiée de « dérive », on pourrait sérieusement en douter. Or bien qu’il y ait des fraudes, l’augmentation des arrêts maladie peut s’expliquer par de nombreux facteurs : le vieillissement de la population, des conditions de travail difficiles, l’allongement de la durée de carrière…
Le journaliste Quentin Chatelier prédisait en ce sens un effet direct sur le pouvoir d’achat des français .
C’est pourquoi le centre technique des institutions de prévoyance (CTIP) demandait au gouvernement de « renoncer à son projet ». En effet, cette réforme aurait une incidence considérable sur le pouvoir d’achat des français, en particulier des plus jeunes et fragiles. L’étude du CTIP prévoit une potentielle baisse de salaire de 360€ brut par mois.
Les salariés malades seraient donc doublement victimes, ce qui aurait de sérieux risques : un salarié pourrait s’efforcer de venir malade au travail alors qu’il y aurait de graves conséquences pour sa santé sur le long terme. Les travailleurs malades restent dès lors les premières victimes de cette politique, et avec eux les salariés précaires (CDD, saisonniers…) qui ne bénéficient pas de complément employeur.
De la même façon, les fonctionnaires se sont vus diminuer leurs indemnités journalières. Jusqu’à lors, l’article L822-3 du Code général de la fonction publique disposait d’une perception intégrale pour les fonctionnaires de leur traitement pendant les 3 premiers mois de congé de maladie ordinaire, puis la moitié pendant les 9 mois suivants.
Dorénavant, la perception intégrale a diminué de 10% pour les 3 premiers mois de congé. Cette mesure à elle seule permettrait à l’Assurance maladie d’économiser 900 millions d’euros d’après un rapport de l’IGF datant de 2024.
b) Conséquences sur les employeurs
Les employeurs vont être amenés à prendre des choix décisifs, ceux qui versent une part complémentaire aux salariés en arrêt de travail, pour certains sans délai de carence seront confrontés au défi de la baisse de taux des indemnités journalières. Par l’abaissement du taux de 0,4% du SMIC, les employeurs pourront être contraints d’accroître le montant complément versé selon leurs conventions collectives.
En ce sens, conformément à l’article L1226-1 du Code de travail, les salariés ayant au moins 1 an d’ancienneté bénéficient, en cas d’arrêt de travail, d’un maintien partiel de leur rémunération pendant une durée minimale de 30 jours, obligation parfois renforcée par des conventions collectives qui prévoient le maintien à 100% de la rémunération. Dans le cas où l’employeur maintiendrait la même rémunération qu’avant réforme, il serait possible qu’il envisage un recours : celui de la contre-visite médicale, comme prévu dans le décret datant du 5 juillet 2024.
Dans le cas où les arrêts de travail n’auraient pas d’incidences sur les revenus des salariés par un maintien de rémunération de la part de l’employeur, le problème d’absentéisme pourrait s’avérer lourd de conséquences pour l’entreprise. Les employeurs ont alors intérêt à s’assurer de la justification des arrêts de travail, afin d’éviter tout arrêt abusif.
Une étude du CSE, démontre que sur 52% d’arrêts de travail injustifiés après une contre-visite médicale, 16% des salariés ne présenteraient aucune pathologie, 21% seraient absents de leur domicile ou en dehors des heures de sortie, 5% auraient fourni une adresse erronée et 10% auraient refusé ce contrôle médical. Les arrêts maladie abusifs se dénouent parfois en observant la fréquence répétitive.
Le Cabinet d'avocat Zenou en droit de la sécurité sociale à Paris 20ème vous accompagne sur les retombées du changement de la réforme des indemnités journalières au 1er avril 2025 pour les salariés, les fonctionnaires et les employeurs.
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