L’augmentation ces dernières années de la reconnaissance des troubles musculo-squelettiques (TMS) comme maladie professionnelle, amène à s’interroger sur les symptômes de ces troubles. En quoi constituent-ils une maladie professionnelle, comment atténuer leur impact, et quelles sont les conséquences de leur reconnaissance en tant que maladie professionnelle, telles sont les questions auxquelles Maître Johan Zenou vous répond.
Est présumée d’origine professionnelle, toute maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles, et contractée dans les conditions mentionnées à ce tableau, comme le précise l’article L. 461-1 du Code de la sécurité sociale. Le salarié n’a donc pas à prouver le lien de causalité entre la maladie dont il souffre et son travail habituel, ce lien étant présumé. Il est cependant important de rappeler que la présomption n’est pas irréfragable. En effet, l’employeur ou la caisse d’assurance maladie peuvent démontrer que la maladie est due à une cause étrangère au travail ou à une maladie préexistante. (Cass.soc., 9 juillet 2003, n° 01-41.514)
Pour être reconnue comme telle, la maladie professionnelle doit réunir trois conditions :
• La maladie doit être inscrite dans un tableau de maladie professionnelle prévu à l’article R.461-3 du Code de sécurité sociale.
• La première constatation de la maladie doit avoir eu lieu à l’intérieur du délai de prise en charge. (Ce délai figure dans les tableaux de MP.) Il correspond à la période au cours de laquelle, après la cessation de l’exposition aux risques, la maladie doit se révéler et être médicalement constatée pour être indemnisée au titre des maladies professionnelles. « Il suffit, pour que la condition soit remplie que les premières lésions aient été constatées au cours du délai de prise en charge, même si leur identification n’est intervenue que postérieurement ». (Cass. soc., 8 juin 2000, no 98-18.368)
• Le salarié doit avoir été occupé de façon habituelle à des travaux ou exposé à l’action des agents, susceptibles de provoquer la maladie.
L’existence d’une maladie professionnelle peut également être reconnue dans deux cas de figure, alors même que ces trois conditions ne sont pas réunies :
• « Si une ou plusieurs conditions tenant au délai de prise en charge, à la durée d’exposition ou à la liste limitative des travaux ne sont pas remplies, lorsqu’il est établi que la maladie telle qu’elle est désignée dans un tableau de maladies professionnelles est directement causée par le travail habituel de la victime ». (article L. 461-1 du Code de la sécurité sociale)
• Lorsqu’il est prouvé qu’une maladie caractérisée, non désignée dans un tableau de maladies professionnelles, est essentiellement et directement causée par le travail habituel de la victime, et qu’elle a entrainé le décès de celle-ci ou une incapacité permanente d’un taux évalué dans les conditions mentionnées à l’article L. 434-2 du Code de la sécurité sociale et au moins égal à 66,66 % (article R.461-8 du Code de la sécurité sociale)
Dans ces deux situations, la caisse primaire reconnaît l’origine professionnelle de la maladie après avis motivé d’un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles. L’avis du comité s’impose à la caisse dans les mêmes conditions que celles fixées à l’article L. 315-1 du Code de la sécurité sociale (article L.461-1 du Code de la sécurité sociale)
Les troubles musculo-squelettiques regroupent des pathologies qui affectent les tissus mous, tendons, muscles et nerfs des membres supérieurs et inférieurs au niveau du poignet, des épaules, du coude ou des genoux. Les TMS provoquent des douleurs et une gêne dans les mouvements. Les affections liées aux troubles musculo-squelettiques se manifestent généralement par de la raideur, de la maladresse, ou encore une perte de force. Concrètement, les TMS sont dus à une sur-sollicitation du fait de gestes ou de positions adoptées pendant un exercice professionnel. Par exemple, une tendinite peut être un trouble entrainé par un mouvement répétitif du poignet, ou de l’épaule, qui se traduit notamment par une douleur, ou une faiblesse de la zone atteinte.
Les principaux facteurs engendrant des TMS sont donc principalement biomécaniques, et sont notamment dus à de mauvaises postures comme des positions articulaires extrêmes, l’importance de gestes répétitifs, ou encore du travail avec force générant des efforts excessifs. Les troubles musculo-squelettiques peuvent être également dus au port de gants, à des températures extrêmes, ou encore à des vibrations. Des facteurs psychosociaux peuvent également entrainer des cas de TMS comme le stress entrainé par un manque d’alternance des tâches, ou encore une durée de travail excessive.
Les troubles musculo-squelettiques sont reconnus dans les tableaux 57 et 69 des maladies professionnelles du régime général. Les TMS sont à l’origine pour l’employeur de déficit fonctionnel entrainant absentéisme, et perte de productivité et d’efficacité pour l’entreprise. Pour le salarié victime de TMS, c’est une perte d’activité sociale et l’apparition de troubles physiques.
Afin de limiter au maximum les troubles musculo-squelettiques au poste de travail, l’employeur doit favoriser certaines mesures en prenant notamment des dispositions techniques et organisationnelles. Il doit en effet répondre à une obligation de sécurité qui lui incombe. (article L4121-1 du Code du travail)
Par ailleurs, des principes de prévention sont présents dans le Code du travail. L’article R.4541-1 notamment précise qu’il est « imposé à l’employeur de prendre les mesures d’organisation appropriées ou d’utiliser les moyens adéquats pour éviter le recours à la manutention manuelle comportant des risques pour les travailleurs en raison de la charge ou des conditions ergonomiques défavorables ».
La deuxième chambre civile de la Cour de cassation, dans l’arrêt n° 09-17.225 du 18 novembre 2010, renforce l’application de cet article aux TMS. Elle énonce que « les principes de prévention des risques liés aux manutentions de charges ne sont, en ce sens, qu’une déclinaison de l’obligation générale de prévention des risques posée par l’article L4121-1 du Code du travail ». En effet, ces dispositions permettent de justifier la conscience de l’employeur du danger encouru. En posant un principe de prévention du risque, il suffit à prouver que l’employeur connait l’existence de ce risque et doit donc respecter son obligation de sécurité.
L’employeur est donc tenu d’adapter le poste de travail du collaborateur, ainsi que l’organisation du travail de ce dernier à la suite d’une analyse du poste. En limitant au maximum les gestes répétitifs, ou en organisant le travail de façon à réduire ces taches, il peut contribuer à améliorer ses conditions de travail. Il doit être en mesure d’ajouter de l’assistance physique au salarié, comme de prévoir un allègement des masses manipulées.
L’employeur doit également être en mesure d’informer les travailleurs sur les risques encourus, en les sensibilisant sur les positions à risques et leurs conséquences, notamment pour les salariés identifiés les plus fragiles.
D’après l’assurance maladie, en France, les TMS représentent 87 % des maladies professionnelles, et 30 % des arrêts de travail. La répartition des maladies professionnelles est semblable à celle des accidents du travail. Les troubles musculo-squelettiques reconnus comme maladie professionnelle, permettent au salarié de bénéficier d’une prise en charge de ses soins et des actes médicaux. Il perçoit des indemnités journalières versées par un organisme de sécurité sociale, et des indemnités complémentaires versées par son employeur. En effet, pendant son arrêt de travail, pour maladie professionnelle, le salarié perçoit des indemnités journalières (IJ) qui lui seront versées par sa caisse primaire d’assurance maladie.
Les IJ entre le 1er et le 28e jour d’arrêt, s’élèvent à 60 % du salaire journalier de référence, et à partir du 29e jour à 80 % du salaire journalier de référence. L’employeur, quant à lui, devra également lui verser des indemnités complémentaires, si le salarié remplit plusieurs conditions comme le précisent les articles L1226-1 et L.1226-1-1 du Code du travail :
- avoir au moins un an d’ancienneté dans l’entreprise,
- être pris en charge par la sécurité sociale,
- être soigné en France ou dans un autre pays de l’espace économique européen,
- avoir justifié son absence dans les 48 h par le biais d’un certificat médical.
Il est important de préciser que le montant des indemnités complémentaires varie en fonction de la durée de l’absence. Les articles D1226-1 à D1226-8 du Code du travail précisent que
• Pendant les 30 premiers jours, le salarié bénéficiera de 90 % de la rémunération brute qu’il aurait dû percevoir s’il avait continué à travailler.
• À partir du 31e jour, le salarié bénéficiera des 2/3 de la rémunération brute qu’il aurait dû percevoir s’il avait continué à travailler.
Le versement des indemnités complémentaires, comme pour les IJ, commence dès le 1er jour d’absence, aucun délai de carence n’existe. Les indemnités complémentaires sont versées jusqu’à la fin de l’arrêt de travail, et sont calculées sur le modèle de l’accident de travail, et varient en fonction de l’ancienneté du salarié dans l’entreprise.
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