La chambre sociale de la cour de cassation apportait le 20 février dernier une précision sur les types de manquement dont peut se prévaloir l'employeur lorsque les faits reprochés au salarié sont commis durant la période de suspension pour accident du travail ou maladie professionnelle c'est-à-dire dans une période où le salarié n'est plus en mesure d'exécuter sa prestation.
En effet, au cours des périodes d'arrêt de travail consécutives à un accident du travail, un licenciement disciplinaire ne peut légalement être prononcé que pour faute grave
(C. trav., art. L. 1226-9) et ce, à peine de nullité
(C. trav., art. L. 1226-13). Reste à savoir pour quel type de manquement, sachant que l'exécution de la prestation de travail est par définition suspendue.
C'est justement à cette question que la Cour de cassation a répondu en l'espèce. Les hauts magistrats ont estimé que durant un arrêt de travail consécutif à un accident du travail ou une maladie professionnelle,
seul un manquement à l'obligation de loyauté rendant impossible la poursuite du contrat de travail peut être reproché au salarié pour justifier un licenciement disciplinaire (
Cass. soc., 20 février 2019, n° 17-18.912 FS-PB).
L'affaire concerne un basketteur professionnel dont le contrat a été rompu pour faute grave alors qu'il était en arrêt de travail consécutif à un accident du travail. Il lui était reproché de ne pas s'être présenté aux séances de kinésithérapie organisées par l'équipe médicale et nécessaires au rétablissement de sa condition physique.
La lettre de rupture faisait d'ailleurs état de l'existence d'une clause de son contrat de travail stipulant que «
le joueur devra soigner sa condition physique pour obtenir le meilleur rendement possible dans son activité. Il devra respecter strictement les instructions de tout membre de l'encadrement technique et du président du Club ».
Le salarié a contesté la rupture en faisant valoir que durant les périodes de suspension du contrat de travail pour cause d'accident du travail, il ne pouvait être tenu de poursuivre sa collaboration avec l'employeur
. De fait, l'inexécution de la clause contractuelle ne pouvait donc lui être reprochée.
La Cour de cassation a toutefois approuvé la cour d'appel ayant retenu la faute grave, en considérant que le manquement du salarié pouvait être rattaché à
l'obligation de loyauté qui demeure applicable en période de suspension du contrat. Autrement dit, le refus
d'un sportif professionnel de se soumettre aux soins nécessaires constitue un manquement à l'obligation de loyauté.
Quand le salarié n'est plus au travail, seule subsiste l'obligation de loyauté. Il faut préciser que la jurisprudence est constante sur ce point
(Cass. soc., 18 mars 2003, n° 01-41.343 ; Cass. soc., 30 mars 2005, n° 03-16.167). Si une faute peut être reprochée au salarié pour des faits commis durant l'arrêt de travail, elle ne peut donc qu'être en rapport avec cette obligation de loyauté.
La jurisprudence n'a pas donné de définition précise de ce que c'est que l'obligation de loyauté. En effet, celle-ci s'entend généralement d'un devoir de non-concurrence
, de réserve et de confidentialité à l'égard de l'entreprise. Le salarié doit ainsi s'interdire d'exercer une activité pour le compte d'une société concurrente
(Cass. soc., 28 janvier 2015, n° 13-18.354 D), voire une autre activité susceptible de causer un préjudice à l'employeur
(Cass. soc., 12 octobre 2011, n° 10-16.649 PB). Mais, le présent arrêt confère à l'obligation de loyauté un tout autre aspect, en lui rattachant une
obligation, spécifique aux sportifs professionnels, de se prêter aux soins nécessaires à la reprise de l'activité.
Ainsi, constate l'arrêt, «
la spécificité du métier de sportif professionnel obligeait le salarié, en cas de blessure, à se prêter aux soins nécessaires à la restauration de son potentiel physique ». Or, «
pendant la période d'arrêt de travail consécutive à son accident du travail, le salarié n'avait pas honoré le rendez-vous destiné à organiser les séances de kinésithérapie prescrites par le médecin traitant de l'équipe et il n'était pas demeuré à la disposition du kinésithérapeute pour suivre le protocole de soins », ce dont il résultait, selon la Cour de cassation, «
un manquement du salarié à son obligation de loyauté rendant impossible la poursuite du contrat de travail ». La rupture pour faute grave en période de suspension du contrat consécutive à un accident du travail était donc légitime.
A notre sens, cet arrêt bien qu'il n'ait pas été favorable au salarié en l'espèce, ne remet pas en cause la restriction relative aux motifs de licenciement d'un salarié pendant la période de suspension du contrat de travail du fait d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle.
En sommes, pendant toute la durée de l'arrêt de travail qui fait suite à un accident du travail ou une maladie professionnelle, le contrat de travail du salarié est seulement suspendu (
C. trav., art. L. 1226-7). Le salarié bénéficie d'un régime protecteur car tout au long de cette période de suspension, la résiliation du contrat de travail par l'employeur n'est possible que si celui-ci justifie soit d'une faute grave du salarié, soit de l'impossibilité, pour un motif étranger à l'accident ou la maladie de maintenir le contrat. (
C. trav., art. L. 1226-9).
Les motifs de
licenciement pour faute grave d'un salarié pendant la période de suspension du contrat de travail du fait d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle demeurent donc bien sensiblement restreints.