L’employeur est tenu à une
obligation de sécurité de moyens renforcée (
Cass.soc., 25 novembre 2015 n°14-24,444 ; Cass.soc., 1er juin 2016 n°14-19,702), et doit en conséquence, protéger la santé physique et mentale de ses salariés conformément à l’article
L.4121-1 du Code du travail. Il doit donc prendre toutes les mesures nécessaires pour prévenir des risques, et notamment pour prévenir du
harcèlement moral (article
L1152-4 Code du travail). Ainsi, s’il n’est pas l’auteur du risque, il peut prononcer une
sanction disciplinaire à l’égard de l’auteur du
harcèlement moral (article
L.1152-5 Code du travail).
Au titre de son obligation de prévention, les
risques psychosociaux (RPS) doivent être évalués dans le document unique d’évaluation des risques. Mais, l’employeur n’est pas le seul compétent pour agir en matière de prévention des risques, le médecin du travail et le CSE ont un rôle en la matière.
Le médecin du travail peut être saisi par tout
salarié qui le souhaite ou par l'employeur pour toute question concernant les risques psychosociaux. Il conseille l'employeur concernant l'évaluation des risques professionnels, notamment sur les risques psychosociaux. Il peut ainsi alimenter la fiche d'entreprise d'évaluation des risques professionnels ainsi que le rapport annuel d'activité en matière de RPS (
art. R. 4624-42, à R. 4624-45 du Code du travail).
L'article
L.4624-3 du Code du travail permet au médecin du travail de proposer par écrit «
des mesures individuelles d'aménagement, d'adaptation ou de transformation du poste de travail ou des mesures d'aménagement du temps de travail justifiées par des considérations relatives notamment à l'âge ou à l'état de santé physique et mental du travailleur ». Le médecin du travail est dans cette hypothèse, tenu au secret médical (article
L.1110-4 et
R.4127-4 du Code de la santé publique). Selon les hypothèses, il pourra rendre un avis d’inaptitude ou procéder à une alerte à l’employeur de la situation délétère de l’entreprise.
Le CSE peut quant à lui, mener une enquête en matière d’accident du travail et de maladie professionnelle, et peut saisir l’inspection du travail en cas de manquement de l’employeur à ses obligations légales (article
L.2312-5 Code du travail). Il doit également procéder à l'analyse des risques professionnels physiques auxquels peuvent être exposés les travailleurs (article
L.4161-1 Code du travail), quand il l’estime utile, le
CSE peut proposer des actions de prévention du harcèlement moral ou sexuel et des agissements sexistes. Le refus de l'employeur de mettre en œuvre ces initiatives doit être motivé (article
L.2312-9 Code du travail). Le CSE peut encore procéder à une alerte pour atteinte aux droits des personnes (article
L.2312 et
L 2312-59 Code du travail) ou pour danger grave et imminent (article
L.2312-62 Code du travail). Les représentants du personnel au CSE doivent donc bénéficier d'une formation adéquate (article
L 4523-11 Code du travail).
Les
risques psychosociaux peuvent être constitutifs d’un accident du travail, lorsque «
quelle qu'en soit la cause, l'accident survenu par le fait ou à l'occasion du travail à toute personne salariée ou travaillant, à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d'entreprise » (Article
L411-1 Code de la sécurité sociale).
Ainsi, l'arrêt de travail résultant d’une dépression qui présente un caractère soudain car elle est apparue à la suite d'un entretien professionnel avec un supérieur hiérarchique, s'analyse comme un
accident du travail (
Cass. 2e civ., 1er juill. 2003, n°02-30.576). Également, selon la Cour de Cassation, le suicide d’un salarié intervenant dans les locaux de l'entreprise en raison des pressions psychologiques exercées par la direction est un accident de travail (TASS Épinal, 28 févr. 2000, RPDS 2000, n°663, p. 215 ; Cass.soc. 14 févr. 2019, n°18-11.450).
De la même manière, le salarié qui se suiciderait en dehors de l’entreprise est un accident du travail car « l’
accident qui se produit à un moment où le salarié ne se trouve plus sous la subordination de l'employeur constitue un accident du travail dès lors que le salarié établit qu'il est survenu par le fait du travail » (
Cass.Civ.2ème, 22 février 2007, n°05-13771).
Toutefois, les RPS n'entrent pas dans les tableaux de maladies professionnelles (article
R.461-3 CSS). Pour que le caractère professionnel de la maladie soit reconnu, le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles (CRRMP) doit être saisi et doit vérifier s'il existe un lien direct et essentiel entre l’affection et les conditions de travail (article
L.461-1 CSS). Pour pouvoir saisir le CRRMP, le médecin-conseil de la CPAM doit reconnaître un taux d'incapacité permanente prévisible au moins égal à 25%, mais il appartient à la CPAM la décision de transmettre un dossier au CRRMP (article
D.461-30 CSS).
Le
décret du 7 juin 2016 n°2016-756 adapte la composition du CRRMP aux pathologies psychiques permettant au professeur des universités-praticien hospitalier ou au praticien hospitalier qui siège habituellement au sein du comité, d’être remplacé par un professeur des universités-praticien hospitalier spécialisé en psychiatrie (article
D.461-27 CSS). De plus, le médecin-conseil ou le comité fait appel, chaque fois qu'il l'estime utile, à l'avis d'un médecin spécialiste ou compétent en psychiatrie pour les pathologies psychiques. Ainsi, ce décret facilite notamment la reconnaissance du burn-out comme maladie professionnelle.
Le CRRMP se prononce à partir des documents venant du
médecin-conseil de la CPAM chargé de l'instruction du dossier, des documents issus de l'enquête administrative de l'organisme de sécurité sociale, des documents provenant du demandeur ou de l'employeur, et enfin, des documents provenant du médecin du travail.
IV) L’indemnisation en cas de reconnaissance de l’AT/MP
L'indemnisation du salarié victime de tels risques pris en charge au titre de la législation AT/MP est de nature forfaitaire, et percevra des indemnités journalières en cas d'incapacité temporaire de travail, ou une rente (une indemnité en capital est versée lorsque le taux d'incapacité permanente est inférieur à 10%) dans le cas où subsiste une incapacité permanente partielle ou totale.
Si l'accident ou la maladie professionnelle entraîne la mort du salarié, sa famille perçoit une rente en tant qu’ayants droit. L'indemnisation des dommages résultant d'un accident du travail, qu'il soit ou non la conséquence d'un manquement de l'
employeur à son obligation de sécurité, relève de la compétence exclusive du pôle social du tribunal judiciaire. La juridiction prud'homale est quant à elle compétente pour statuer sur le bien-fondé de la
rupture du contrat de travail et pour allouer le cas échéant, une indemnisation au titre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse (
Cass.soc. 6 février 2019, n°17-20.625 ; Cass.soc. 3 mai 2018, n°16-18.116).
Ainsi, dès lors que les faits de
harcèlement moral imputables à une collègue de travail ont été reconnus comme accident du travail, l'indemnisation du préjudice subi par la salariée à la suite de cet accident relève de la compétence exclusive du tribunal judiciaire. En revanche, les faits de harcèlement moral imputés à son supérieur hiérarchique n'étant pas en lien avec l'accident du travail, la demande d'indemnisation du préjudice allégué par la salariée à la suite des agissements de ce dernier relève bien de la compétence du
Conseil de prud'hommes. (
Limoges, 7 janvier 2019, RG n°17/01264).
Une indemnisation complémentaire peut être allouée au salarié ou à ses ayants droits en cas de
faute inexcusable de l’employeur. Celle-ci est alors versée par la CPAM (article
L.452-1 CSS) pour majorer le taux de rente lorsqu’une rente est attribuée et elle peut permettre l’indemnisation de certains préjudices dont une liste non-limitative est fixée à l’article
L.452-3 du CSS.
Il appartient alors à la victime de prouver que l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel elle était exposée, mais qu’il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver (
Civ.2e, 8 juillet 2004, n°02-30.984 ; Civ.2e, 14 décembre 2004, n°03-30.208). Peu important que la faute inexcusable commise par l'employeur ait été la cause déterminante de l'accident survenu au salarié, il suffit qu'elle en soit une cause nécessaire pour que la responsabilité de l'employeur soit engagée, alors même que d'autres fautes auraient concouru au dommage (Civ. 2e, 12 juillet 2007, n°06-16.748 ; Cass., ass.plén., 24 juin 2005, n°03-30.038).
En revanche, le préjudice d’anxiété est réparable uniquement pour les salariés exposés à l’amiante. Il convient de préciser que depuis le 1
er juillet 2018, la victime d’une
maladie professionnelle est indemnisée à compter de la date de la première constatation médicale de la maladie, sans que la date de début de l’indemnisation ne puisse remonter au-delà de 2 ans avant la déclaration de la maladie professionnelle adressée par le salarié à la CPAM (
article 44 LFSS pour 2018).
Ainsi, que vous soyez employeur ou salarié, si vous faites face à des risques psychosociaux sur votre lieu de travail, le
Cabinet ZENOU expert en
droit social, situé à Paris 20ème vous écoutera et vous conseillera pour faire valoir vos droits.