Certaines activités nécessitent de disposer de salariés prêts à travailler sur différents lieux. Une
entreprise comportant divers établissements doit faire face à toutes sortes de contraintes. Il peut s’agir d’un manque d’effectifs, un pic d’activité, un déplacement de l’activité pour les coûts de production etc… L’
employeur peut donc avoir intérêt dans ce cas à muter un
salarié d’un site à un autre. Cette mutation ne se fait pas selon le bon vouloir de l’employeur et c’est là qu’entre en jeu la
clause de mobilité.
Le Cabinet d'avocat Zenou
en
droit social vous propose de faire le point sur le régime de cette
clause de mobilité en s’intéressant successivement à sa définition (I), aux conditions de validité (II) et d’opposabilité (III) de la clause, aux conditions de mise en œuvre (IV) et aux moyens d’actions en cas de refus du salarié de s’y conformer (V).
I. Qu’est-ce qu’une clause de mobilité ?
Il faut avoir à l’esprit que la mention du lieu de travail au
contrat de travail n’a qu’un caractère purement informatif à moins qu’il ne soit stipulé par une clause claire et précise que le
salarié exercera son travail exclusivement dans ce lieu (
Cass. soc. 2 avril 2014 n° 13-11.922). A défaut, cette mention ne lie pas contractuellement les parties au contrat.
Ainsi, lorsque l’
employeur désire muter son salarié, celui-ci peut le faire, sans recueillir l’accord du salarié, à condition que la mutation ait lieu au sein du même secteur géographique. En pratique, la jurisprudence a tendance à considérer qu’une mutation au sein du même département constitue une mutation au sein du même secteur géographique. Il en va de même d’une mutation au sein du même bassin d’emploi (
Cass. Soc. 4 mars 2020, 18-24.473).
Exemple : Bassin de Paris, Bassin de Lyon, Bassin de Strasbourg etc…
La
clause de mobilité permet justement d’échapper à cette contrainte géographique et de couvrir parfois une plus grande zone de mobilité. La
clause de mobilité est donc la
clause du contrat de travail par laquelle le
salarié accepte par avance à ce que l’
employeur puisse modifier unilatéralement son lieu de travail. Ainsi, dès lors que la mutation du salarié se fait dans les limites de la clause, celle-ci constitue simplement un changement des conditions de travail du salarié. En tant que tel, le salarié ne pourra pas
a priori opposer de refus étant donné que la mutation est prévue à son contrat.
II. Quelles sont les conditions de validité d’une telle clause ?
Pour qu’une telle clause soit considérée comme valable, la jurisprudence exige essentiellement que celle-ci soit suffisamment claire et précise dans la délimitation de sa zone géographique.
De plus, une
clause de mobilité par laquelle l’
employeur conserve le pouvoir d’en étendre unilatéralement la portée ne saurait être considérée comme valable (
Cass. soc. 2-10-2019 n° 18-20.353).
Exemple : La Cour de cassation a pu considérer comme nulle la clause prévoyant «
l'engagement d'accepter tout changement d'affectation dans une autre agence qui serait nécessaire par l'intérêt du fonctionnement de l'entreprise et ce sur l'ensemble des régions où la société exerce ou exercera ses activités » (
Cass. Soc. 13 mai 2015, 14-12.698).
A défaut, la clause sera jugée comme nulle et la
mutation s’analysera :
- En un changement des conditions de travail si la mutation s’opère au sein du même secteur géographique.
- En une modification du contrat de travail si la mutation s’opère en dehors du secteur géographique. Auquel cas, il aurait fallu recueillir l’accord du salarié.
Si le
salarié a été licencié pour avoir refusé une mutation en application d’une
clause de mobilité frappée de nullité, le licenciement sera donc dépourvu de cause réelle et sérieuse et l’
employeur pourra être condamné au paiement d’indemnités.
Intéressant : La jurisprudence a pu considérer qu’une
clause de mobilité ayant pour zone géographique de mutation l’ensemble du territoire français était valable car compte tenu des fonctions du salarié, celui-ci ne pouvait ignorer qu’il serait amené à se déplacer (
Cass. Soc. 13 mars 2013 n° 11-28.916).
La jurisprudence tend à prendre en compte les fonctions du
salarié pour apprécier de la validité d’une
clause de mobilité. Il peut être utile de recourir aux services de Maître Zenou
avocat en droit de l’employeur afin de s’assurer de la validité d’une clause de mobilité.
III. Conditions d’opposabilité
Comme toute autre clause du
contrat de travail imposant au salarié une obligation particulière (
clause de non-concurrence,
clause de confidentialité etc…), dès lors que la clause est inscrite au contrat de travail et qu’elle a recueilli l’accord exprès et préalable du salarié, celle-ci lui est opposable.
En pratique, la signature du salarié apposé sur le contrat de travail avec la mention «
lu et approuvé » ou «
bon pour accord » permet de matérialiser cet accord. De la même manière, la clause stipulée par
avenant au contrat de travail sera opposable au
salarié dès lors qu’il aura donné son accord exprès. Mais attention, le salarié peut très bien refuser une
clause de mobilité prévue par avenant.
Important : Une mutation réalisée en application d’une
clause de mobilité ne peut être accompagné d’une modification de la rémunération du
salarié. Si c’est le cas, le salarié pourrait opposer valablement un refus étant donné qu’il s’agirait d’une modification du
contrat de travail et non plus d’un simple changement des conditions de travail.
IV. Conditions de mise en œuvre
Si la clause de mobilité est valable, encore faut-il respecter des conditions de mise en œuvre afin de l’opposer valablement à votre salarié. La jurisprudence a donc dégagé trois conditions principales dans la mise en œuvre d’une clause de mobilité :
- Elle doit être mise en œuvre dans l’intérêt de l’entreprise.
- Elle doit être faire l’objet d’un délai de prévenance raisonnable qui est fonction de la distance entre les deux lieux de travail.
- Elle doit respecter le droit à la vie familiale et privée du salarié.
- L’intérêt de l’entreprise :
Cette condition appelle à la bonne foi de l’employeur. Il ne faut pas la mettre en œuvre dans le but de nuire au salarié.
Bon à savoir : C’est au salarié qu’il reviendra de démontrer le non-respect de cette condition étant donné que la bonne foi ne se présume pas. De manière assez évidente, il sera aisé de démontrer la mauvaise foi de l’employeur si vous imposez cette mutation dans un délai bien trop court. Faites donc preuve de prudence dans la mise en œuvre de la clause de mobilité.
- Le délai raisonnable de prévenance :
Il est assez évident qu’un
salarié ne peut être muté du jour au lendemain. La
convention collective applicable à l’entreprise ou le contrat de travail peut parfois prévoir un délai de prévenance qui s’impose ainsi à l’employeur. La jurisprudence a pu sanctionner un
employeur qui n’avait pas respecté le délai conventionnel de prévenance d’un mois (
Cass. Soc. 4-3-2020 n° 18-24.329). A défaut de dispositions particulières, la jurisprudence retient la notion de délai raisonnable et apprécie ce caractère en tenant compte de la distance entre les deux lieux de travail.
Exemple : Un délai de prévenance de 10 jours a été considéré comme déraisonnable et déloyale pour une mutation de Marcq-en-Barœul à Tours (à titre indicatif, 450km séparent ces deux lieux). Il convient ainsi de respecter un délai qui permet au
salarié de s’organiser concrètement (trouver un logement etc…) et de prendre sereinement ses nouvelles fonctions.
- Le respect du droit à la vie privée et familiale du salarié :
La situation personnelle d’un
salarié peut justifier de prendre en compte sa vie privée et familiale lorsqu’il s’agit d’une mutation. Chaque salarié a droit au respect de sa vie privée et familiale et le fait de prévoir contractuellement la possibilité d’une
mutation ne peut l’emporter sur ce droit. Ainsi, la jurisprudence se montre sévère lorsque la mutation porte une atteinte excessive à la vie privée et familiale du salarié.
Il s’agit d’une application de l’article
L.1121-1 du Code du travail selon lequel : «
Nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché ».
Exemple : Une mutation imposée à une salariée, mère de 4 enfants, peu de temps avant son retour de congé parental alors que le poste était libre depuis longtemps, a été considéré comme déloyale (
Cass. Soc. 14-10-2008 n° 07-43.071).
Le juge va donc apprécier si les charges de famille du salarié, a fortiori la vie familiale et personnelle ne subit pas une atteinte trop excessive.
A contrario, lorsque cette mutation ne porte pas une atteinte excessive à la vie privée et familiale du
salarié, la mutation peut être considérée comme régulière. Chaque situation et chaque
entreprise est différente, c’est pourquoi il est préférable de prendre les conseils d’un
avocat en droit de l’employeur pour vérifier de la validité d’une
mutation. Sous réserve du respect de ces conditions, il conviendra donc d’adresser au salarié une lettre écrite l’informant de sa mutation.
V. Que faire en cas de refus du salarié ?
En principe, si la clause de mobilité est valable et que les conditions de mise en œuvre sont respectées, le
salarié ne pourra pas s’opposer valablement à la mutation. Il conviendra alors de lui rappeler que cette
mutation ne constitue simplement que l’application de son
contrat de travail et ne requiert pas son accord. Cette mutation pourra donc lui être imposée. Si toutefois le salarié maintien son refus, il sera possible d’engager une procédure disciplinaire à son encontre. En tant qu’
employeur, vous pourrez donc, dans le respect de la prescription disciplinaire, soit dans les 2 mois suivant le refus du salarié, tirer les conséquences de ce comportement.
Ce refus est caractéristique alors d’une inexécution des obligations contractuelles du
salarié et peut encore être considéré comme de
l’insubordination et caractériser une cause réelle et sérieuse justifiant un licenciement. Dans certaines circonstances, le refus réitéré du salarié sans aucun motif légitime justifie un licenciement pour faute grave. La jurisprudence le rappelle constamment (
Cass. soc. 13-6-2018 n° 17-17.644).
Attention : Si le salarié dispose d’un motif légitime pour refuser l’application d’une
clause de mobilité, alors la jurisprudence aura tendance à ne pas retenir la faute grave. C’est donc ici qu’il convient de s’intéresser à la situation personnelle du salarié.
Dans ce cas, le
licenciement pour faute grave peut être requalifiée en
licenciement sans cause réelle ni sérieuse et l’employeur pourra être condamnée au versement d’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse, mais également des dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de loyauté. Les risques d’une
clause de mobilité illicite ou mise en œuvre irrégulièrement peuvent ainsi exposer l’
employeur à débourser des sommes importantes, d’où l’intérêt de se rapprocher d’un
avocat en
défense employeur.
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