La crise sanitaire de la
Covid-19 a mis en difficulté de nombreuses
entreprises, aujourd’hui dans l’obligation de licencier ses salariés pour des
motifs économiques. Le Cabinet d’avocat de Maître Johan Zenou, expert en
droit du travail à Paris répond aux questions des employeurs en matière de
licenciement pour motif économique, et plus précisément sur la question de
l’ordre de licenciement. La
procédure de licenciement économique, distincte de la procédure de
licenciement pour motif personnel, obéit à des règles bien précises que l’
employeur se doit de respecter.
Parmi ces règles figure celle de
l’ordre des licenciements, pour ne pas pénaliser d’autant plus des
salariés se trouvant déjà en situation délicate (le cas d’un salarié handicapé par exemple), l’article
L.1233-5 du Code du travail prévoit des critères fixant l’ordre des licenciements. En effet, dans le cas d’un licenciement (individuel ou collectif) pour
motif économique, l’
employeur ne peut décider de manière subjective qui sera licencié : il doit fonder ses
licenciements sur des critères définis et objectifs.
Dans un premier temps, les critères déterminant l’ordre de licenciement seront présentés (I), afin de poursuivre sur les risques qu’encourt un employeur ne respectant pas ces critères et leurs règles (II).
I. L’établissement d’un ordre des personnes licenciées pour motif économique
L’ordre de licenciement est constitué de critères minima et de critères additionnels (A), et compte tenu des graves conséquences que peuvent induire un licenciement, un strict contrôle de ces critères est opéré par le juge (B).
- L’ordre de licenciement constitué de critères minima et de critères additionnels
L’article
L.1233-5 du Code du travail prévoit 4 critères minima d’ordre d’un licenciement pour
motif économique :
1° les charges de famille, en particulier celles des parents isolés ;
Par exemple, une mère célibataire avec des enfants à charge ne sera pas licenciée en priorité voire pas licenciée.
2° l’ancienneté de service dans l’établissement ou l’entreprise ;
3° la situation des salariés qui présentent des caractéristiques sociales rendant leur insertion professionnelle particulièrement difficile, notamment celle des personnes handicapées et des salariés âgés ;
Par exemple, une personne dont le handicap nécessite des conditions de travail particulières et qui pourrait éprouver des difficultés à retrouver un emploi ne sera pas licenciée en priorité voire pas licenciée.
4° les qualités professionnelles appréciées par catégorie.
Quelle que soit l’entreprise concernée, ces 4 critères légaux doivent à tout prix être considérés lors de la décision finale. Ces 4 critères ne sont pourtant que des minima dans la mesure où d’autres critères peuvent venir s’ajouter comme le précise la Cour de cassation (
cass. soc. 14 janvier 1997, n°95-44.366). C’est sur la base de ces 4 critères minima qu’une convention ou un accord collectif déterminera
l’ordre de licenciement applicable à une
entreprise en particulier. A défaut d’accord ou de convention collective, il revient à l’
employeur de déterminer cet ordre après consultation du
comité social et économique. Par exemple, une entreprise X a adopté un accord collectif dans lequel il est précisé que la compétence professionnelle et les
sanctions disciplinaires sont des critères permettant d’établir l’ordre des licenciements. A contrario, dans l’entreprise Y où aucun accord ou convention collective ne porte sur l’ordre des licenciements, l’employeur pourra décider après consultation du CSE que la compétence professionnelle fait partie des critères d’ordre de licenciement.
En pratique, et dès lors que les critères légaux ne sont que des minima, une convention ou un accord collectif qui fixe les critères de l’ordre peut être plus précise que la loi et par conséquent prévoir des règles différentes. Par exemple, le premier critère légal concerne les parents isolés. Dans l’entreprise X, la convention stipule que tous les parents ayant des enfants à charge, et non seulement les parents isolés, ne seront pas prioritairement licenciés. Cette stipulation conventionnelle est plus favorable que la loi dans la mesure où plus de salariés sont protégés. Dans ce cas, quelle règle suivre, la loi ou la
convention collective ? En vertu du principe de faveur dégagé par l’article
L2251-1 du Code du Travail, la règle applicable au salarié sera la plus favorable pour lui, soit celle de la convention collective.
- Un strict contrôle des critères par le juge
Que les critères déterminant
l’ordre des licenciements soient d’origine conventionnelle ou à l’origine de l’
employeur, leur appréciation doit reposer sur des éléments objectifs et vérifiables. Le choix de ces critères fait ainsi l’objet d’un contrôle réalisé par les juges. Il revient alors à l’employeur en cas de contentieux, de prouver que les critères déterminant l’
ordre de licenciement sont objectifs. Par exemple, la Cour de cassation a jugé que de simples attestations ne constituent pas à elles seules des éléments objectifs d’appréciation des qualités professionnelle d’une salariée (
cass. Soc. 28 mai 2015, n°14-14.459). De même, les critères servant à établir l’ordre des licenciements ne doivent pas être discriminatoires, ni dans leur essence ni dans leur application. Certains critères sont alors prohibés, notamment la charge de famille nombreuse, l’origine européenne, l’orientation sexuelle etc...
Les critères retenus doivent être appliqués à l’ensemble des salariés qui appartiennent à la catégorie professionnelle des emplois supprimés, de façon égalitaire et loyale. (
cass. soc. 10 novembre 2016, n° 15-21.961). Ainsi, l’ordre de licenciement ne peut pas reposer sur une distinction entre salariés à temps pleins et salariés à temps partiels (
cass. soc. 3 mars 1998, n° 95-41.610).
II. Conséquences, sanctions et indemnités en cas de non-respect de l’ordre de licenciement
D’une part, l’employeur qui ne respecterait pas les règles relatives à l’ordre de licenciement s’expose à des sanctions (A). D’autre part, celui-ci est dans l’obligation d’informer le salarié des critères d’ordre de licenciement lorsque cela lui est demandé (B).
- Que risque un employeur s’il ne respecte pas les critères de l’ordre des licenciements concernant son entreprise ?
Dans un premier temps, l’
employeur peut être sanctionné par une amende prévue pour les contraventions de 4
ème classe, pouvant aller jusqu’à 750 euros. Il faut préciser que si les critères ne sont pas définis et/ou non respectés, le
licenciement ne sera pas sans cause réelle et sérieuse (
cass. soc. 18 novembre 2003, n°01-43.028). Par conséquent, l’
employeur s’expose aux versements de dommages et intérêts sur le fondement des
barèmes macron. Ensuite, si les critères de l’ordre ne sont pas licites (inadéquation avec la loi, critère discriminatoire, critère appliqué de manière déloyale par exemple), cela constitue une illégalité qui entraîne pour le
salarié «
un préjudice pouvant aller jusqu’à la perte de son emploi, lequel doit être intégralement réparé, selon son étendue » (
cass. soc. 14 janvier 1997 n°95-44.366). Il doit être noté que l’
employeur n’aura pas à verser de dommages et intérêts pour inobservation de l’ordre des licenciements et l’indemnité pour
licenciement sans cause réelle et sérieuse, les deux indemnités n’étant pas cumulables (
cass. soc. 7 octobre 1998, n°96-43.067).
- L’obligation pour l’employeur d’informer un salarié souhaitant connaître les critères d’ordre de licenciement
Les employeurs doivent savoir qu’en vertu de l’article
L.1233-17 du Code du travail, les salariés ont droit de demander à connaître les critères retenus pour fixer
l’ordre des licenciements. Les
salariés adressent alors leur demande par lettre recommandée avec accusé de réception, dans les 10 jours suivant la date à laquelle ils quittent effectivement leur emploi. L’
employeur répond à cette demande selon la même modalité, dans un délai de 10 jours suivant la présentation de la demande. Outre les critères retenus, l’employeur doit également communiquer les éléments permettant aux salariés de vérifier leur application (
cass. soc. 26 octobre 2010 n°09-42.401).
L’
employeur qui ne répondrait pas à une telle demande ou qui y répondrait tardivement commet une irrégularité et s’expose au versement de dommages et intérêts cumulables avec l’indemnité pour
licenciement sans cause réelle et sérieuse (
cass. soc. 24 septembre 2008 n°07-42.200). Enfin, même si un
salarié n’a pas adressé de demande à l’employeur pour connaître les critères de
l’ordre du licenciement, ce dernier peut tout de même être confronté à ce que le salarié conteste cet ordre. (
cass. soc. 19 novembre 1997, n°95-42.016).
Vous êtes
employeur et votre
entreprise met en place un
licenciement pour
motif économique ? Vous vous interrogez sur les
salariés que vous pouvez et ne pouvez pas licencier ?
Le Cabinet d’avocat Zenou en
droit social, situé dans le
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