Le droit d'alerte exercé par le comité social et économique (CSE)

Le droit d'alerte exercé par le comité social et économique (CSE)

La délégation sociale du CSE contribue à promouvoir la santé et sécurité au sein de l’entreprise ainsi que l’amélioration des conditions de travail[1]. Face à une situation de danger l’organe doit déclencher son droit d’alerte sans que le seuil de 50 salariés ne soit atteint. Dès lors qu’un représentant du personnel constate une situation de danger « grave et imminent[2] » l’alerte doit immédiatement être portée à la connaissance de l’employeur ou à un référent désigné par l’employeur[3]. Les informations doivent porter sur des faits qui se sont produits ou pour lesquels il existe une forte probabilité qu'ils se produisent. L’employeur procède alors à l’ouverture d’une enquête et prend les dispositions nécessaires pour remédier à la situation dont il a été informé. Quelque soit la situation, à compter de son exercice l’employeur doit réagir promptement. Le membre du CSE faisant usage de son droit d’alerte est protégé contre le licenciement dans l’exercice de son mandat. 

 

Le droit d’alerte couvre des situations plurales dans lesquelles la consignation écrite ou encore, le refus par l’employeur de réagir, est susceptible d’entacher son efficacité. Cette prérogative détient une procédure parfois complexifiée selon les faits. Le régime procédural commun du droit d’alerte précède ses particularités, réservé à l’existence d’un CSE.

 

I – RÉGIME COMMUN DU DROIT D’ALERTE AUX ENTREPRISES DE MOINS ET D’AU MOINS 50 SALARIÉS

 

1-Le droit d’alerte en cas d’atteinte aux droits des personnes - L.2312-5 du Code du travail

 

Le membre qui constate l’existence d’une atteinte aux droits des personnes dans l’entreprise déclenche son droit d’alerte prévu par l’article L2312-59. Cette prérogative lui permet de saisir l’employeur immédiatement. L’atteinte aux droits des personnes prend des formes plurales et peut être relative tant à la santé physique ou mentale, qu’à l’atteinte à une liberté individuelle. Dès lors que l’atteinte « ne serait pas justifiée par la nature de la tâche à accomplir, ni proportionnée au but recherché ». Est admise au titre du droit d'alerte une action en justice des délégués du personnel afin de réclamer la suppression d'enregistrements vidéo réalisés à l'insu du salarié pour le licencier. (Ch. Soc 10 décembre 1997

 

L’employeur informé ouvre sans délai une enquête avec le membre du CSE et prend les mesures nécessaires pour remédier au potentiel danger causée par la situation. Si l'employeur ne prend aucune mesure ou en cas de divergence sur la réalité de l’atteinte, le salarié, ou le membre de la délégation du personnel au CSE, si le salarié intéressé averti par écrit ne s’y oppose pas, permet la saisine du bureau de jugement au conseil de prud’hommes statue selon la procédure accélérée au fond.

La Loi liberté de choisir son avenir professionnel n° 2018-771 du 5 septembre 2018 impose la désignation d’un référent au sein du CSE en matière de lutte contre le harcèlement sexuel et les agissements sexistes.[5] 

 

2—L’exercice du droit d’alerte en cas de danger grave et imminent

Le membre alertant de l’existence d’un « danger grave et imminent » informe immédiatement l’employeur par écrit sur le registre des dangers graves et imminents -ouvert par l’employeur. Cette alerte datée et signée indique précisément les postes de travail concernés par la cause du danger, sa nature, ainsi que le nom des travailleurs exposés. En application de la procédure prévue à l’article L.4132-2 du Code du travail, l’employeur ouvre immédiatement une enquête conjointe avec le membre du CSE. L’employeur est tenu de prendre les mesures adaptées afin de remédier à la situation. L’enquête se clôt par la communication par l’employeur d’une fiche de renseignements adressée à l’inspecteur du travail.

 

L’alerte est déclenchée dès lors que le travailleur de bonne foi détient « un motif raisonnable de penser qu'elle présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé ainsi que de toute défectuosité qu'il constate dans les systèmes de protection. » La gravité de la situation octroie au travailleur exposé au danger un droit de retrait prévu par L.4131-1 al.2 du Code du travail. Cette procédure est similaire à celle déclenchée en case de risque grave pour la santé publique ou l’environnement. 

 

Cependant, en cas de désaccord sur la réalité du danger ou les mesures proposés par l’employeur pour y remédier (par arrêt du travail, de la machine ou de l’installation), le CSE doit être réunit par l’employeur dans un délai maximum de 24 heures. L’inspecteur du travail comme l’agent de service de prévention de la Carsat[6] informés peuvent décider d’assister à la réunion. L’employeur peut être mise en demeure par la Dreets[7] de remédier à la situation. 

 

3 – L’exercice du droit d’alerte en cas de risque grave pour la santé publique ou l’environnement - L.2312-60 & L.4131-1 & L.4133-1 ; -2

 

Le membre du CSE constatant dans l’entreprise que les produits ou certains procédés de fabrication utilisés ou mis en œuvre font peser un risque grave pour la santé publique ou l’environnement avertit l’employeur[8]. L’alerte consignée par écrit, datée et signée est intégrée au registre spécial ouvert par l’employeur[9]. Le travailleur précise, les produits ou procédés de fabrication utilisés ou mis en œuvre présentant un risque, mais encore les conséquences éventuelles déplorées ainsi que toute autre information utile à l’appréciation de l’alerte. L’employeur est tenu à l’examen du risque avec le représentant ; aussi, il doit l’informer de la suite qu’il entend donner à l’alerte. Il en résulte que ni l'enquête conjointe ni la réunion en urgence du CSE ne sont des prérequis à la mise en œuvre procédurale comme rappelé par la Chambre sociale de la CC, civile du 19 avril 2023 au pt. 23.

 

Le désaccord comme le silence de l’employeur dans un délai d’un mois, permet au déclencheur de l’alerte de saisir le préfet du département. La défectuosité persistante dans les systèmes de protection permet au travailleur inquiété d’user de son droit de retrait[11]. L’exercice de ce droit est limité par la création d’une nouvelle situation de danger grave et imminent pour autrui du fait du retrait[12]. Le salarié faisant usage de son droit de retrait ne peut se voir obliger de reprendre son activité si la défectuosité persiste. 

 

II – RÉGIMES SPÉCIAL DU DROIT D’ALERTE ÉCONOMIQUE ET DU DROIT D’ALERTE SOCIALE PAR LE CSE DANS LES ENTREPRISES D’AU MOINS 50 SALARIÉS - L-2312-63 

Ces deux alertes sont exclusivement consacrées aux entreprises d’au moins 50 salariés. Prérogative réservée du CSE qui doit se réunir dans un délai de 24h, dès lors qu’un danger est porté à sa connaissance. Si la majorité des membres du Comité s’accorde sur la réalité du danger, un accord doit être conclu sur les mesures à prendre par l’employeur. 

 

1-Le droit d’alerte économique par le CSE

Un membre du CSE connaissant des faits de nature à affecter de manière préoccupante la situation économique de l’entreprise doit interroger son employeur. Cette demande doit être inscrite à l’ordre du jour de la séance à venir réunissant les membres du CSE pour être discutée. Le silence, l’insuffisance de réponse ou encore la confirmation par l’employeur des faits, permet au CSE d’établir un rapport écrit détaillant le caractère préoccupant de la situation économique déplorée (L2312-64 du droit du travail). Ce rapport est alors transmis à l’employeur ainsi qu’au commissaire aux comptes (CAC). Ensuite, le CSE émet un avis sur l’opportunité soit de saisir le conseil d’administration ou le conseil de surveillance -si la société en est dotée- ; soit, d’informer les associés pour les autres sociétés. Cette saisine est conditionnée à un vote à la majorité des membres du CSE ainsi qu’à l’avis de l’expert-comptable joint à la saisine et à son information (L2312-65 du Code du travail). 

 

Cette saisine ne conditionne pas l’ouverture d’un dialogue entre l’employeur et le CSE qui l’estiment nécessaire. En effet, le CSE peut réitérer sa question à l’employeur, dès lors que celle-ci aura préalablement été inscrite à l’ordre du jour de la prochaine séance du conseil d’administration ou du conseil de surveillance (L2312-66 du code du travail). L’employeur interrogé est tenu de motiver sa réponse. Pour les sociétés qui ne sont pas dotées de conseil d'administration ou de conseil de surveillance, le gérant communique le rapport du CSE aux associés de la société. La Cour a rappelé s’agissant des entreprises divisées en établissements distincts, que le droit d’alerte est exclusivement réservé au CSE central doté de cette prérogative (Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 15 juin 2022, 21-13.312).

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[1] Article L.2312-5 al1 du Code du travail

[2] Article L.2312-60 du Code du travail

[3] Les entreprises de moins de 50 salariés ne disposant pas de CSE. 

[4]Cour de cassation, Chambre sociale, 10 décembre 1997, 95-42.661

[5] https://www.editions-tissot.fr/doc/cse/cse_fiche_premier_pas/je-designe-le-referent-harcelement-sexuel-10292#:~:text=Le%20référent%20en%20matière%20de,'effectif%20de%20l'entreprise.

[6] Caisse d'assurance retraite et de la santé au travail

[7] Direction régionale de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités (ex-Direccte)

[8] Article L.2312-60 du Code du travail

[9] Article L. 4132-1 à L. 4132-5 et L. 4133-1 à L. 4133-4 du Code du travail

[11] Article L.4133-1 du Code du travail

[12] Article L.4132-1 du Code du travail

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