Un salarié peut-il contester une rupture conventionnelle collective ?

Un salarié peut-il contester une rupture conventionnelle collective ?
Après la rupture conventionnelle individuelle créée en 2008, la rupture conventionnelle collective a été introduite en 2017 par les ordonnances dites « Macron » afin de faciliter les départs volontaires des salariés. Le législateur souhaitait ainsi favoriser le dialogue social au sein des entreprises.

En effet, ce mode de rupture du contrat de travail a pour objectif de rompre plusieurs contrats de travail à la fois et à l’amiable. De ce fait, cette rupture présente des similarités avec le plan de départs volontaires autonome mais elle s’en distingue sur 3 points :
 
  • D’une part, elle peut être mise en place quel que soit le nombre de départs envisagés et quel que soit l’effectif de l’entreprise,
  • D’autre part, elle est obligatoirement mise en place par accord collectif, alors que le plan de départs volontaires autonome est mis en place dans le cadre d’un plan de sauvegarde de l’emploi,
  • Et enfin, l’employeur n’est pas tenu de démontrer l’existence d’un motif économique pour proposer une rupture conventionnelle collective.
 
La rupture conventionnelle collective est par ailleurs exclusive du licenciement pour motif économique et permet ainsi aux employeurs d’en éviter les risques. A l’inverse, la rupture conventionnelle collective peut s’avérer être défavorable pour les salariés qui pourrait voir leur consentement vicié dans une telle procédure, malgré la nécessité d’un accord collectif.

C’est pourquoi le Cabinet ZENOU, avocat en droit social à Paris 20ème, revient sur les conditions obligatoires à remplir pour effectuer une rupture conventionnelle collective (I), les droits dont un salarié dispose dans cette procédure (II), et enfin les recours dont disposent les salariés pour contester cette rupture de leur contrat de travail (III).


I – Quelles sont les conditions pour former une rupture conventionnelle collective ?


Afin de conclure une rupture conventionnelle, un accord collectif doit être négocié et contenir certaines mentions obligatoires (A), cet accord devra ensuite être envoyé à l’autorité administrative compétente (B) pour qu’elle la valide ou non (C). Avant de se pencher sur ces informations, quelles sont les parties négociantes à la convention ? Celle-ci doit être prévue par un accord collectif conclu entre l’employeur et :
 
  • Les délégués syndicaux dans les entreprises pourvues ;
  • Dans les entreprises dépourvues de délégués syndicaux, avec les différents interlocuteurs prévus par le Code du travail en fonction de l’effectif de l’entreprise.
 
  1. Quel est le contenu de l’accord collectif ?
Une fois négocié, un accord collectif peut déterminer le contenu d’une rupture conventionnelle collective selon l’article L.1237-19 du Code du travail. Son contenu devra être scrupuleusement respecté, à peine de non-validation par l’administration de la convention (article L.1237-19-1 du Code du travail). Elle doit ainsi comporter :
 
  • Les modalités et conditions d’information du comité social et économique (CSE), s’il existe,
  • Le nombre maximal de départs envisagés, de suppressions d’emploi associées, et la durée pendant laquelle des ruptures de contrat de travail peuvent être engagées sur le fondement de l’accord,
  • Les conditions que doit remplir le salarié pour en bénéficier,
  • Les modalités de présentation et d’examen des candidatures au départ des salariés, comprenant les conditions de transmission de l’accord écrit au salarié au dispositif prévu par l’accord collectif,
  • Les modalités de conclusion d’une convention indicielle de rupture de l’employeur et le salarié et d’exercice du droit de rétractation des parties,
  • Les modalités de calcul des d’indemnités de rupture garantie au salarié, qui ne peuvent être inférieures aux indemnités légales dues en cas de licenciement,
  • Les critères de départage entre les potentiels candidats au départ,
  • Des mesures facilitant l’accompagnement et le reclassement externe de salariés sur des emplois équivalent, telles que le congé de mobilité, des actions de formation, de validation de acquis de l’expérience ou de reconversion ou des actions de soutien à ma création d’activités nouvelles ou à la reprise d’activités existantes par les salariés,
  • Les modalités de suivi de la mise en œuvre effective de l’accord portant rupture conventionnelle collective.
 
  1. L’envoi de la convention à l’autorité administrative compétente
L’article L.1237-19-2 du Code du travail précise que ce mode de rupture du contrat de travail est soumis à l’autorisation de l’autorité administrative qu’est la DREETS (ex-DIRRECTE). La DREETS compétente est celle dans le ressort duquel se situe le siège de l’entreprise.  L’employeur doit en informer le CSE et les délégués syndicaux par tout moyen et sans délai.
L’accord convenu par les parties est transmise à la DREETS, et doit obligatoirement :
 
  • Être conforme à l’article L.1237-19 du Code du travail,
  • Contenir les mentions obligatoires,
  • Contenir des mesures visant à l'accompagnement et le reclassement externe des salariés sur des emplois équivalents précis et concrets,
  • Le cas échant, respecter la régularité de la procédure d’information du CSE.
 
  1. La décision de l’autorité de l’autorité administrative
La DREETS valide l’accord dès lors qu’elle contient les mentions obligatoires précitées. La rupture du contrat de travail ne peut intervenir que le lendemain du jour de l’autorisation de rupture par l’autorité (article L.1237-19-2 du Code du travail). Celle-ci, par ailleurs, notifie sa décision dans un délai de 15 jours suivant la réception de l'accord collectif. Cette décision est également notifiée au CSE et aux organisations syndicales représentatives (article D.1237-9 du Code du travail). La décision doit être motivée. Le délai de validation court à compter de la réception du dossier complet par l'administration. Le dossier est complet s'il comprend l'accord collectif, les informations permettant de vérifier la régularisation des conditions dans lesquelles il a été conclu et, le cas échéant, la mise en œuvre de l'information du CSE. En l'absence de CSE, un procès-verbal de carence doit être joint à la demande de validation. 

A défaut de réponse dans ce délai, l'accord est réputé validé. Dans ce cas, l'employeur transmet une copie de la demande de validation, accompagnée de son accusé de réception au CSE et aux organisations syndicales représentatives. La décision de validation ou les documents transmis au CSE et aux organisations syndicales représentatives est portée à la connaissance des salariés par voie d'affichage sur leur lieu de travail ou par tout autre moyen permettant de conférer date certaine.

Finalement, l'administration est associée au suivi de la mise en œuvre de l'accord et reçoit un bilan établi par l'employeur (articles L.1237-19-7 et D. 1237-12 du Code du travail). Notez également qu’une décision du juge administratif a strictement cantonné le contrôle de l'administration à celui défini par l'article L.1237-19-3 du Code du travail excluant notamment toute obligation de consultation du CSE, ou tout contrôle portant sur les modalités de mise en œuvre des ruptures conventionnelles collectives, et distinguant accord de rupture conventionnelle collective et un plan de sauvegarde de l'emploi (Tribunal administratif de Cergy-Pontoise, 16 octobre 2018, n° 10-07.099).
 
  • En cas de non-validation de l’administration, l’employeur dispose-il d’un moyen de recours ?
En cas de décision de non-validation par l’autorité administrative, l'employeur peut reprendre le projet et présenter une nouvelle demande après avoir apporté la modification nécessaire et informé le CSE (article L.1237-19-6 du Code du travail). Cette rédaction ne doit cependant pas permettre à l'employeur seul de modifier le document initial. Une nouvelle négociation complémentaire de l'accord doit se tenir, au regard des observations de l'administration. De plus, la décision de l'administration peut être contestée devant le tribunal administratif, selon la même procédure que celle prévue pour les licenciements économiques avec PSE (plan sauvegarde de l'emploi). Cette contestation doit porter sur le contenu de l'accord ou sur la procédure précédant la décision de l'administration.
 

II – Quels droits pour un salarié dans une procédure de rupture conventionnelle collective du contrat de travail ?
 

Nous verrons d’abord les droits dont les salariés disposent dans une procédure de rupture conventionnelle du contrat de travail (A), puis ses moyens de recours pour la contester (B).
 

  1. De quels droits dispose le salarié ?

Les salariés bénéficiant d'une protection contre le licenciement peuvent bénéficier de la rupture conventionnelle collective. Dans cette hypothèse, la rupture d'un commun accord dans le cadre de la rupture conventionnelle collective est soumise à l'autorisation de l'inspecteur du travail et la rupture du contrat de travail ne peut intervenir que le lendemain du jour de l'autorisation (article L.1237-19-2 du Code du travail). De plus, le salarié faisant l'objet d'une rupture conventionnelle collective perçoit des indemnités de rupture, qui ne peuvent être inférieures aux indemnités légales dues en cas de licenciement (article L.1237-19-1 du Code du travail). La rupture du contrat ouvre droit aux allocations chômage. Par ailleurs, l'obligation de revitalisation prévue en matière de licenciement pour motif économique est transposée au dispositif de rupture conventionnelle collective.
 

  1. Comment un salarié peut-il contester une rupture conventionnelle collective ?
     

Les salariés peuvent contester la rupture de leur contrat de travail, par rupture conventionnelle collective avant l'expiration d'un délai de 12 mois suivant la rupture. Cependant, tout comme en matière de rupture conventionnelle individuelle, la contestation ne pourra concerner que les conditions du consentement du salarié, et non les motifs de rupture. La juridiction compétente est le Conseil de prud’hommes.

Vous envisagez de contester la rupture individuelle collective dont vous avez fait l'objet ? Me Johan ZENOU, avocat en droit du travail à Paris 20ème, vous conseille dans vos démarches et vous représente au Conseil de prud’hommes pour faire valoir vos droits.

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