Le droit du travail offre à l'employeur un véritable pouvoir de direction dans l'entreprise. Celui-ci va pouvoir diriger, contrôler et surveiller l'activité de ses salariés ; et le cas échéant les sanctionner pour manquement à leurs obligations professionnelles.
Avec le développement des nouvelles technologies, la frontière entre la vie privée du salarié et celle qu'il mène à l'occasion de son travail est d'autant plus fragilisée. Il est vrai qu'il peut être tentant pour l'employeur de vouloir avoir un regard omniscient au sein de son entreprise, et ce notamment pour des questions de sécurité.
La preuve d'un manquement professionnel par un mécanisme de
vidéosurveillance ne laisse guère de doute quant à son aspect profondément pertinent et tentant. Mais la question de sa recevabilité lors du procès est toute autre. En effet, encore faut-il que le salarié n'ait pas été bafoué dans le respect de sa vie privée, surtout lorsque de telles preuves proviennent de caméras où chacun de ses faits et gestes est enregistré.
Le salarié est donc sujet à être surveillé via de nombreux procédés, mais bénéficie dans un même temps d'une protection quant à sa vie privée ; le pouvoir de direction de l'employeur trouvant ici une de ses limites.
L'employeur aura la possibilité d'utiliser divers mécanismes de
surveillances lors du temps et du lieu de travail, mais devra toujours avoir à l'esprit de ne pas porter atteinte aux libertés individuelles et à la vie privée de ses subordonnés.
Cet article est une présentation concise des différentes problématiques liées à l'articulation entre les procédés de
surveillance dans l'entreprise
et le respect de la vie privée des salariés, que le
Cabinet ZENOU est quotidiennement amené à appréhender dans le cadre de ses compétences professionnelles.
Une
surveillance des salariés
par l'employeur, strictement conditionnée
La
surveillance du salarié
hors du temps et du lieu de travail
L'article 9 du code civil impose à l'employeur de respecter la vie privée de ses salariés lorsque ceux-ci ne sont pas en temps et lieu de travail.
Ce dernier ne pourra donc pas en principe, légitimer un licenciement sur des motifs relevant uniquement de la vie privée de ses salariés (
Civ, 17 avril 1991 n° 90-42636).
La
surveillance du salarié
lors du temps et du lieu de travail
La protection de la vie privée des salariés a été élargie et se retrouve également en temps et lieu de travail, notamment lorsque l'employeur ouvre les messages informatiques personnels de ses salariés (
Arrêt Nikon 2 octobre 2001 n°99-42942).
Quelques exemples de dispositifs de contrôle en temps et lieu de travail :
- Le pointage électronique ou non,
- La fouille de sacs,
- L'ouverture d'armoires des salariés,
- La mise en place de vidéosurveillance,
- La mise en place d'un système de géolocalisation,
- La consultation de fichiers informatiques professionnels,
- La consultation de dossiers papiers professionnels,
- La correspondance de courriels ou de lettres,
- Les écoutes téléphoniques.
Il convient de souligner que tous ces dispositifs sont en général admis dans leur forme mais strictement conditionnés.
La proportionnalité des mesures prises par l'employeur
Puisque par nature les dispositifs de surveillance vont venir impacter les libertés individuelles et la vie privée des salariés, il faut que l'employeur puisse justifier des raisons pour lesquelles il met en place un procédé de surveillance.
Tel sera le cas d'objectifs de sécurité, de surveillance vis-à-vis de la concurrence déloyale ou encore contre le vol.
La consultation des représentants du personnel
De manière générale l'employeur doit informer et consulter les représentants du personnel.
L'article L2323-32 du code du travail impose à l'employeur une consultation préalable du comité d'entreprise, permettant un contrôle sur la nécessité et la proportionnalité des moyens utilisés quant au but recherché.
A défaut de cette information, il est possible d'opposer à l'employeur un délit d'entrave ou une suspension de la mesure de surveillance.
L'information des salariés
L'employeur pourra donc
surveiller l'activité de ses salariés
durant le temps de travail, mais à la condition de les avoir informés des dispositifs qu'il entend mettre en place (
Cass soc, 4 février 1998 n°95-43421).
Aucun formalisme particulier n'est imposé concernant cette information obligatoire.
L'employeur devra veiller seulement à constituer une preuve tangible.
Celle-ci devra permettre, le cas échéant, de relever que le salarié n'a pas eu connaissance de la mise en place de tels procédés, mais aussi des objectifs poursuivis par l'employeur et des garanties pour protéger leur vie privée.
Certains dispositifs de surveillance imposent des obligations supplémentaires à l'employeur en raison de leur fort degré d’impact sur la vie privée des salariés.
En effet, concernant la fouille des armoires, l'employeur aura l'obligation d'y procéder en présence du salarié, ou lorsque ce dernier aura été appelé convenablement.
Concernant la fouille des sacs, les juges précisent que le salarié a le droit de demander la présence d'un témoin, mais également de s'y opposer (
Cass, soc 11 février 2009, n°07-42068).
La place particulière de la
cyber-surveillance
dans l'entreprise.
Les conditions de mise en place d'une
vidéosurveillance par l'employeur
Par principe, là encore l'employeur doit avoir informé les salariés de la mise en place de caméras de
vidéosurveillance (
Cass soc, 20 novembre 1991, n°88-4312).
Toutefois, l'information ne sera pas obligatoire lorsque les caméras seront placées dans les locaux de l'entreprise où les salariés n'ont habituellement pas accès, ou lorsqu'ils n'y travaillent pas effectivement (
Cass soc, 31 janvier 2001, n°98-44290).
L'employeur doit également veiller à une information auprès des représentants du personnel et auprès de la CNIL.
La déclaration obligatoire auprès de la CNIL concerne tous les systèmes de traitement automatisé de données à caractère personnel.
Tel est le cas pour les systèmes d'accès à l'entreprise par biométrie, ou encore la géolocalisation.
De manière générale, le procédé de surveillance doit être proportionné au but recherché, notamment quand les salariés sont filmés de manière continue.
Les conditions de l'ouverture de fichiers professionnels par l'employeur
L'employeur peut ouvrir les fichiers professionnels électroniques de ses salariés, puisqu'ils sont par nature présumés professionnels, sauf s'ils comportent la dénomination de « dossier personnels » (
Cass soc, 18 octobre 2006 n°04-48025).
Le prénom du salarié, ou encore la dénomination « mes documents » ne suffisent pas selon les juges à ôter la présomption de la nature professionnelle des documents (
Cass soc, 10 mai 2012, n°11-13884).
Une exception supplémentaire existe en la matière : l'employeur va pouvoir ouvrir les fichiers personnels de ses salariés, à condition qu'ils soient présents ou appelés convenablement, sauf circonstances exceptionnelles (
Cass soc, 17 mai 2005, n°03-40017).
Si l'employeur veut être précautionneux, il pourra toujours saisir le président du TGI pour être autorisé à ouvrir ces fichiers sous le contrôle d'un huissier, s'il justifie d'un intérêt légitime pour l'entreprise.
Les conditions de l'ouverture de correspondances par l'employeur :
Par principe, les courriels adressés à un salarié peuvent être lus par l'employeur en dehors de sa présence (
Cass soc, société nova régie du 18 octobre 2011 n° 10-26782).
Là encore, les courriels ne doivent pas comporter une dénomination qui permet de constater qu'ils sont personnels.
La même exception vient frapper les courriels personnels, qui peuvent être ouverts mais seulement en présence du salarié ou s'il a été dûment appelé ; sauf en cas de risque particulier (
Cass soc, 17 juin 2009 n°08-40274).
Dans le même esprit, l'employeur peut également
surveiller les connexions à Internet et procéder à la surveillance des historiques, qui sont présumés professionnels.
La recevabilité des preuves issues de dispositifs de surveillance.
Les effets de la mise en place légale d'un dispositif de surveillance
L'employeur pourra se prévaloir de contenus obtenus via des dispositifs de surveillance s'ils ont été mis en place légalement.
Mais également, s'ils se rapportent à la vie professionnelle du salarié (
Cass soc, 5 juillet 2011, n°10-17284).
Par exception, un événement de la vie privée peut constituer une cause réelle et sérieuse au licenciement, sous certaines conditions.
Dans ce cas, l'employeur devra prouver soit qu'un tel événement provoque une perturbation dans le fonctionnement de l'entreprise, soit qu'il est constitutif d'un manquement à une obligation professionnelle.
Les effets de la mise en place illégale d'un dispositif de surveillance
L'employeur ne pourra prouver des faits qui ont été illégalement obtenu à l'encontre du salarié.
Il devra respecter les dispositifs de surveillance acceptés mais également respecter les conditions sous lesquelles ils sont légaux dans l'entreprise.
A contrario, les preuves seront considérées par les juges comme irrecevables ; la sanction ou le licenciement uniquement fondé sur ladite preuve devenant dès lors injustifié.
L'employeur devra veiller au respect de son obligation de loyauté, découlant de l'article L1222-1 du code du travail. En effet, il ne pourra faire appel à des stratagèmes afin de
surveiller ses salariés
(
Cass Soc, 18 mars 2008, n°06-40852).
Le salarié pourra également demander des dommages et intérêts pour violation de l'article 9 du code civil sur le respect de sa vie privée.
Comprendre les règles qui animent la
surveillance des salariés
Dans l'entreprise n'est pas chose aisée. En effet, le droit du travail, qui tend à un équilibre entre le respect des prérogatives de l'employeur et celui de la vie privée du salarié, ne rend pas toujours compréhensible la liberté que peut avoir chacun dans la relation de travail.Le cabinet Zenou, spécialisé dans les problématiques sociales, sera à même de vous conseiller sur les démarches à suivre mais également de vous représenter à l'occasion d'un contentieux en matière de surveillance des salariés dans l'entreprise.