Peut-on négocier un protocole transactionnel avec son employeur ?

Peut-on négocier un protocole transactionnel avec son employeur ?
La rupture de votre contrat de travail est envisagée ou celle-ci est déjà intervenue et vous souhaitez obtenir la reconnaissance de vos droits ? La procédure prud’hommale pouvant être longue et soumise à l’aléa juridique, il peut ainsi être préférable d’opter pour la négociation avec son employeur. Le protocle transactionnel permet à l’employeur d’éviter une contestation en justice par le salarié et au salarié d’obtenir de son employeur des concessions.
 
Me Zenou avocat en droit du travail à Paris 20ème vous propose de faire un point sur cette notion examinant successivement la définition (I) de la transaction, ses conditions de validité (II) et ses effets (III).
 

I. Définition de la transaction


La transaction est une notion de droit civil dont le droit du travail s’est emparé et qui connait un franc succès en la matière. Elle se définit comme est un contrat par lequel les parties, par des concessions réciproques, terminent une contestation née, ou préviennent une contestation à naître (Article 2044 du Code civil).

Important : Les termes de l’article 2044 du Code civil sont très clairs, il s’agit d’un contrat dont l’objet est de mettre fin à une contestation ou prévenir (au sens d’anticiper) une contestation. Il ne s’agit en aucun cas d’un mode de rupture du contrat de travail.

La transaction doit donc être distinguée de la rupture conventionnelle qui est un mode de rupture du contrat à l’amiable, et qui permet de négocier les conditions de cette rupture. La rupture conventionnelle une fois signée, n’empêche pas le salarié de contester le bien-fondé de la rupture à l’inverse de la transaction.
 

II. Conditions de validité du protocole transactionnel
 

En tant que contrat, le protocole transactionnel doit satisfaire à des conditions de fond et de forme.
 

  1. Conditions de forme  
     

  • Un écrit recommandé

La transaction doit être rédigée par écrit (Article 2044 du Code civil). Elle fixe ainsi les termes selon lesquels l’employeur et le salarié opèrent des concessions réciproques et abandonnent l’opportunité de contestations relative à l’exécution et/ou à la rupture du contrat de travail. Remarque : Cet écrit est exigé en termes de preuve et non de validité à proprement parlé. Il est toutefois recommandé de rédiger la transaction, autrement appelé protocole d’accord transactionnel. A noter que la transaction peut être signée par l’employeur mais également par son représentant tel que le Directeur des ressources humaines. La jurisprudence admet que le salarié n’a pas à vérifier si le signataire de la transaction est investi, des pouvoirs nécessaires s’il se comporte comme un représentant de la société (Cass. Soc., 1er déc. 1982, no 80-41.399).
 

  • Une transaction postérieure à la rupture

La nature et définition de la transaction implique, par nature que celle-ci soit conclue postérieurement à la rupture, étant donné qu’elle vient clore ou prévenir un litige relatif à l’exécution ou à la rupture du contrat de travail. Intéressant : Il reste possible de conclure une transaction en cours d’exécution du contrat de travail, mais en pratique cela n’est que très rare. Il est préférable de porter à son employeur l’objet de sa contestation afin de procéder notamment à une régularisation de la situation lorsque celle-ci est possible.

Exemple : Obtenir un rappel de salaire de l’employeur sous réserve de ne pas saisir le Conseil de Prud’hommes d’une action en rappel de salaire. S’agissant d’un licenciement, la transaction devra nécessairement être conclue une fois que le salarié a pris connaissance des motifs de son licenciement. En d’autres termes, la transaction ne pourra être signée qu’après réception de la notification de licenciement envoyée par lettre recommandée avec avis de réception (Cass. Soc., 10-10-2018 n°17-10. 066). S’agissant d’une démission, dès lors que le salarié a notifié sa démission et que celle-ci résulte d’une volonté claire et non équivoque, une transaction peut être conclue. La transaction peut par ailleurs être conclu une fois une instance prud’hommale introduite. Dans ce cas, celle-ci peut faire l’objet d’un procès-verbal de conciliation que le juge se contentera de d’acter. Le passage par la voie du procès-verbal de conciliation trouve son intérêt dans son caractère exécutoire (Article R.1454-11 du Code du travail). Si l’une des parties manque à ses obligations, l’autre pourra en demander l’exécution forcée.
 

  1. Conditions de fond
     

  • Un contenu certain et licite

Comme tout contrat, le protocole transactionnel doit porter sur un contenu certain et licite (Article 1128 du Code civil). En ce sens, le protocole transactionnel ne peut porter sur des éléments contrevenant à l’ordre public, ne peut impliquer pour le salarié de renoncer aux droits qu’il tient, d’un accord collectif ou encore ne peut faire échec au droit du salarié de faire reconnaitre la faute inexcusable de son employeur (Cass. 2e civ., 1er juin 2011, no 10-20.178).
 

  • Un consentement libre et éclairé

Le consentement du salarié (et de l’employeur) ne doit pas être affecté d’un vice pour erreur, dol ou violence. Le vice du consentement permettrait ainsi d’obtenir la nullité du protocole transactionnel, ce qui aurait pour effet de rétablir la situation entre les parties antérieurement à la conclusion de la transaction. En pratique, l’employeur doit laisser le temps au salarié de comprendre les termes de la transaction, de formuler vos observations, d’avoir une négociation utile et effective afin que vous puissiez vous engager en parfaite connaissance de vos droits. Cela implique notamment lorsqu’une des parties à la transaction, est de nationalité étrangère et/ou ne comprend pas la langue française, d’effectuer une traduction afin que son consentement puisse être valablement donné. A défaut de comprendre les termes de la transaction, celle-ci pourra être frappée de nullité (Cass. Soc., 14 janv. 1997, n° 95-40.287).
 

  • Des concessions réciproques

Les concessions réciproques constituent tout l’intérêt du recours au protocole transactionnel. Par le biais de ces concessions, chaque partie entend mettre fin ou prévenir un litige. Chaque partie s’engage à consentir une mesure, abandonner une action en raison du « sacrifice » opéré par l’autre partie. Le salarié va s’engager à renoncer à contester le bien-fondé de son licenciement et à réclamer des indemnités, rappel de salaires en saisissant notamment le Conseil de Prud’hommes. L’employeur va renoncer à la clause de non-concurrence prévue au contrat de travail, accorder une indemnité particulière au salarié, cette indemnité devant atteindre un montant sensiblement similaire, à celui auquel pourrait prétendre le salarié devant la justice. La concession ne doit ainsi pas être dérisoire par rapport aux possibilités du salarié.

Exemple : L’employeur consent une dispense de préavis et libération de la clause de non-concurrence en échange de quoi le salarié consent à ne pas percevoir son indemnité compensatrice de congés payés (Cass. Soc., 1er déc. 2004, no 02-46.341).

En pratique, les parties vont également s’engager à ne pas nuire mutuellement à leurs carrières et réputation. Cette concession prendra la forme d’une sorte d’obligation de confidentialité et discrétion. La jurisprudence a admis qu’une transaction vienne limiter la liberté d’expression des parties afin d’assurer la protection de leurs droits, notamment leur réputation, dès lors que cette restriction est justifiée et proportionnée (Cass. Soc. 14 janvier 2014, n°12-27.284). Il doit s’agir de concessions effectives, appréciables et dont l’existence s’apprécie au moment de la conclusion de la transaction. Ces concessions ne peuvent avoir pour objet d’octroyer au salarié ce à quoi il a naturellement droit, en vertu notamment des dispositions légales et règlementaires en vigueur.
 

III. Les effets et la portée du protocole transactionnel
 

Selon l’article 2052 du Code civil, le protocole transactionnel fait obstacle à l'introduction ou à la poursuite entre les parties d'une action en justice ayant le même objet. Les termes inscrits au sein de la transaction fixe en quelque sorte l’opportunité d’une contestation ultérieure. Dès lors que vous vous êtes engagé à ne plus formuler de contestation sur un point particulier, il n’est plus possible de porter une action devant le Conseil de Prud’hommes sur ce même point. Inversement, il reste possible de formuler des actions en contestation pour des causes autres que celles visées au sein de la transaction.

Exemple : Une action en réparation du préjudice subi lié à une discrimination dans le déroulement de la carrière d’un salarié a été déclarée recevable malgré la conclusion d’une transaction, celle-ci portant seulement sur un litige relatif à la rupture du contrat de travail (Cass. Soc. 24 avril 2013, 11-15.204).

Une fois la transaction conclue, celle-ci doit recevoir application et chacune des parties doit exécuter ses obligations respectives. A défaut d’exécution des obligations prévues à la transaction par l’une des parties, la transaction étant un contrat, l’autre partie pourra agir en résolution devant le Conseil de Prud’hommes. Evidemment, dès lors que les conditions de validité font défaut à la transaction, il est possible d’invoquer la nullité de celle-ci. Fort heureusement, la nullité de la transaction est une nullité relative qui ne peut uniquement être invoquée par le salarié (Cass. Soc., 28 mai 2002, n° 99-43. 852).

Exemple : Si le protocole transactionnel est conclu avant la réception de la notification de licenciement, celui-ci sera frappé de nullité (Cass. Soc., 12 janv. 2016, no 14-21.402). En revanche, lorsqu’il est question d’une transaction conclue avec un salarié protégé (défenseur syndical, membre du comité social et économique etc…), il s’agit ici d’une nullité absolue pouvant être invoqué par toute personne y ayant intérêt. Bien que la transaction puisse parfaitement être négociée sans l’assistance d’un avocat, il est préférable de se faire assister tout au long du processus par un avocat en défense du salarié.

En effet, la Cour de cassation a récemment jugé que le salarié ayant porté une action en indemnisation devant le Conseil de Prud’hommes s’agissant d’une erreur opérée par l’employeur dans le montant de l’indemnité transactionnelle ne pouvait, en vertu de la transaction et de ses effets, voir sa demande accueillie (Cass. Soc., 16 juin 2021, nº 20-13.256 F-D). Face à une telle sévérité, les conseils d’un avocat quant au régime fiscal, et social des sommes inscrites à la transaction sont non-négligeables. Recueillir l’assistance d’un avocat vous permettra de sécuriser la transaction et les suites de celle-ci.

Vous souhaitez conclure une transaction avec votre employeur ? Le Cabinet ZENOU situé à Paris 20ème met sa compétence en négociation et conclusion de protocole d’accord transactionnel aux services de vos intérêts. Votre employeur vous propose une transaction et vous doutez des concessions proposées ? Me ZENOU, avocat en droit social à Paris 20ème vous accompagne dans vos démarches afin d’obtenir une transaction satisfaisante.

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