Licenciement abusif au prud'hommes : l'éternel combat juridique du barême Macron

Licenciement abusif au prud'hommes : l'éternel combat juridique du barême Macron
Le barème Macron consiste en un mécanisme de plafonnement des indemnités accordées au Conseil des Prud’hommes en cas de licenciement abusif, économique, ou sans cause réelle et sérieuse, applicable depuis 2017. Inscrit à  l’Article L1235-3 du Code du travail, la particularité de ce barème, réside sur les différents critères sur lesquels il se base, notamment l’ancienneté du salarié dans l’entreprise, et le nombre de salariés qui travaillent dans cette entreprise. Néanmoins, depuis son entrée en vigueur en 2018, le barème Macron fait preuve de divergence parmi les juges, traduite par de nombreuses critiques quant à sa finalité. En effet, la caractéristique propre à ce barème, applicable dans le cadre des victimes de licenciement sans cause réelle et sérieuse et qui ne réintègre pas l’entreprise, réside dans l’instauration d’un plafond et d’un plancher de dommages-intérêts dû au salarié.

Malgré que ce barème soit favorable pour l’employeur ce qu’il lui permet d’avoir une connaissance, précise du montant maximal des indemnités qu’il devrait aux salariés afin de les licencier, le propos est d’une autre teneur pour les salariés, ce que ces derniers soulèvent la disproportion entre le préjudice subi et l’indemnisation reçue, manifesté par une réduction globale des dommages-intérêts versés aux salariés.

Désormais, les divergences subsistant quant à l’application du barème Macron affole la toile juridique, ainsi qu’au sein de la société, dénonçant l’existence d’une règle au service des employeurs qui leur permettent de recourir à des licenciements en ayant un aperçu du montant à dédommager (I). Le barème Macron réveille les hostilités entre les organisations interne et les différentes organisations internationales jugeant celui-ci inconventionnel et sommant les juges de ne pas l’appliquer (II). Enfin, ces derniers mois, le barème Macron voit son avenir incertain de part les diverses solutions jurisprudentielles, suggérant de l’écarter dans le cadre d’affaires relatives à des licenciements abusif (III).
 

I. Le barème Macron : une arme au service des employeurs contre les salariés

 
L’existence de ce barème a vocation à inciter les employeurs à procéder à des licenciements du fait de la connaissance des montants minimum et maximum des indemnités à versées aux salariés (A). A contrario, les salariés critiquent l’injustice que provoque ce barème, par la fixation d’un plafond et d’un plancher de dommages-intérêts, qu’ils jugent disproportionné au regard du préjudice subi (B).
 
  1. Un encouragement au licenciement pour les employeurs
 
Par l’adoption du barème Macron, l’objectif du gouvernement était la prévisibilité. Aujourd’hui, il est nécessaire que les entreprises doivent se séparer facilement de leurs collaborateurs. Or c’était une énorme contrainte pour elles de ne pas savoir combien va coûter cette séparation. L’actuel président de la République Emmanuel Macron a mis en place la prévisibilité du coût de la séparation, aussi réduit que possible pour les employeurs. Selon ses dires, l’objectif ultime annoncé était de « faciliter les licenciements pour favoriser les embauches afin de réduire le chômage ».

Or le résultat fut tout autre. L’instauration de ce barème de licenciement abusif a pour unique but, la préoccupation de savoir à l’avance quel va être le tarif d’un licenciement jugé comme abusif. Et ce tarif n’est pas dissuasif pour les employeurs, mais au contraire incitatif. Ce barème étant basé sur le seul critère de l’ancienneté, de nombreux employeurs ont pu avoir vocation à faciliter l’éviction de salariés qui ont peu d’ancienneté. Ainsi, plutôt que de dissuader les employeurs à recourir à ces licenciements, le barème Macron constitue une véritable violation des droits des salariés. En effet, en tenant compte de l’ancienneté des salariés et non de leur situation individuelle, l’indemnisation que ces derniers ont vocation à recevoir s’avère disproportionnée au regard du préjudice subi, et ont pour effet de les désincité à agir en justice.
 
  1. Une indemnisation allouée aux salariés disproportionnée
 
Depuis 2017, le juge est censé octroyer au salarié licencié injustement, des indemnités qui ne peuvent dépasser un certain montant, selon son ancienneté et la taille de l’entreprise. Cette restriction n’existait pas auparavant. Il est nécessaire de constater qu’en imposant un plafonnement des indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, le barème Macron ne permet plus d’apprécier les situations individuelles des salariés et de réparer le préjudice réellement subi. En effet, en ne considérant plus que le critère de l’ancienneté afin d’indemniser le salarié du fait d’un licenciement abusif, ces indemnités plafonnées ne permettent plus de replacer « [le salarié] dans une situation aussi proche que possible de celle qui aurait été la sienne si le fait dommageable ne s’était pas produit », comme l’exige la Cour de cassation (Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 14 septembre 2017, 16-11.563). Il est notable que la grille indemnitaire imposée par l’Article L1235-3 du Code du travail, ne permet pas une réparation adéquate du préjudice du salarié, dénoncée par différentes juridictions, dont le Conseil des Prud’hommes de Nevers qui avait jugé que ce barème « sécurise davantage les fautifs que les victimes, privilégiant l'avantage économique de l'employeur et est donc inéquitable » (CPH, Nevers, 26 juillet 2019 n° 18/00050).


II. Le barème Macron source d’hostilité entre les organisations internes et internationales

 
Les contestations sont venus du Conseil de Prud’hommes et de certaines Cours d’appel qui avaient favorablement accueilli l’argumentaire s’opposant à l’application du barème Macron (A). En plus des contestations grandissantes au sein de certaines juridictions françaises, les différents textes internationaux accompagnés des organisations internationales, ont vocation à condamner l’existence du barème Macron (B).
 
  1. Le barème contesté au sein des juridictions internes
 
De nombreuses décisions émises par les juridictions de l’ordre interne ont déclaré le barème « inconventionnel » et donc, contraire aux textes internationaux. Cette hostilité a commencé par une décision du Conseil de Prud’hommes de Troyes dans un jugement du 13 décembre 2018 qui jugeait que le barème violait la Charte sociale européenne et la Convention n°158 de l’OIT, et par conséquent, énonçait que les barèmes prévus à l’Article L1235-3 du Code du travail devaient être déclarés inconventionnels (CPH Troyes, 13 décembre 2018 n°18/00336). De cette décision s’en est suivi un véritable mouvement d’opposition au barème Macron. Le Conseil de Prud’hommes de Lyon a admis l’application directe de la Charte sociale européenne, l’ayant conduit à faire prévaloir la nécessité d’une indemnisation intégrale des préjudices, subis par le salarié en tenant compte d’autres critères que l’ancienneté du salarié (CPH Lyon, 7 janvier 2019 n°15/01398).

Le juge prud’homal d’Amiens a aussi écarté le barème car l’indemnité qu’il impliquait « ne pouvait être considérée comme étant appropriée et réparatrice du licenciement sans cause réelle et sérieuse et ce dans le respect de la convention 158 de l'OIT mais aussi de la législation française et de la jurisprudence applicable en la matière » (CPH Amiens, 19 décembre 2018, n°18/0040). C’est par un avis rendu par l’Assemblée Plénière de la Cour de cassation du 17 juillet 2019, que le barème a été conforté, signifiant aux Conseil de Prud’hommes et Cour d’appel que celui-ci a vocation à s’appliquer sans aucune appréciation in concreto en raison de la conformité du barème aux textes internationaux. Malgré cet avis rendu, ayant conduit les Cours d’appel à le suivre, la Cour d’appel de Nancy et la Cour d’appel de Paris ont maintenu leur opposition sur l’application de ce barème. La Cour d’appel de Paris avait indiqué qu’au regard du cas d’espèce, l’application du barème ne permettait pas une indemnisation adéquate et appropriée du préjudice subi, compatible avec les exigences de l’article 10 de la Convention n’°158 de l’OIT (CA Paris, 16 mars 2021, n°19/08721).
 
  1. Le barème Macron source de tensions entre organisations internationales et organisations internes
 
Par une décision rendue par le Comité européen des droits sociaux au sujet de l’existence d’un barème de licenciement italien similaire au barème Macron, celui-ci admettait le droit du salarié à une « indemnité adéquate » ou à « une autre réparation appropriée » au sens de l’article 24 de la Charte. Néanmoins, au sein des avis rendus par l’Assemblée Plénière de la Cour de cassation, cette dernière a refusé de reconnaitre l’effet direct de l’article 24 de la Charte qui aurait donné la possibilité aux juges de faire droit aux demandes d’exclusion du barème au profit d’une appréciation in concreto des juges de la situation individuelle des salariés. De plus, la Chambre sociale de la Cour de cassation a confirmé l’absence d’effet direct de l’article 24 de la Charte (Cour de cassation, Cour de cassation saisie pour avis, 25 septembre 2019, 19-70.014).

Récemment, l’OIT a d’ailleurs invité la France à revoir le barème Macron en ce qu’il reconnaissait que dans certains cas, le barème risquait de ne pas assurer une réparation adéquate du préjudice (au regard notamment des difficultés à retrouver un emploi, en raison de la situation familiale etc…). Ce phénomène de découragement des salariés à saisir le Conseil de Prud’hommes, accompagné d’une diminution des indemnités prud’homales versées, le Comité invite le gouvernement à établir un état des lieux régulier des indemnités prononcées par les tribunaux.
 

III. L’avenir du barème Macron menacé ?

 
La chambre sociale de la Cour de cassation a examiné différents cas où les salariés licenciés et leurs avocats ont contesté le barème dans le cadre d’une audience ayant eu lieu le 31 mars 2022. Afin de prendre une décision concernant l’avenir du barème Macron, la Cour de cassation rendra un verdict sur une décision rendue par la Cour d’appel de Paris en date du 16 mars 2021. Si la Cour de cassation confirme la décision rendue par la Cour d’appel de Paris, la Cour de cassation reconnaitra la possibilité pour le juge d’écarter le barème Macron dans certains cas particuliers, dès lors que le plafond d’indemnisation prévu ne permet pas de réparer, de manière adéquate le préjudice subi. Or, si la Cour de cassation décide de casser la décision rendue par la Cour d’appel, les autres cours d’appel qui n’appliqueront pas le barème Macron, pourront voir leurs décisions cassées à leur tour par la Cour de cassation. Si l’éviction du barème semble impossible, la possibilité de l’affirmation par la Cour de cassation d’un contrôle in concreto par le juge demeure toujours envisageable, ce qui amputerait la force accordée à ce barème.
 
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