En cette
période électorale, bon nombre de citoyens français ont dû effectuer leur devoir civique en allant voter pour le candidat qu’ils estiment être le plus représentatif de leurs idées. Néanmoins, la confiance accordée en ces candidats s’est peu à peu dégradée, provoquant un taux de participation électorale de plus en plus faible, manifesté par une
abstention record. Avec un record d’abstention lors des dernières élections présidentielles en 2017, estimée à 25,3% à l’échelle nationale (plus forte abstention pour une élection présidentielle depuis 1969), des inquiétudes ont été affirmées quant à la légitimité des élections et à la représentativité des élus. De cette manière, plusieurs mesures ont été pensées afin d’inciter les citoyens à accomplir leur devoir, pour que ces derniers se rendent aux urnes. En effet, dans le cadre de la campagne présidentielle de 2022, de nombreuses
entreprises ont pu prévoir l’obtention de divers avantages pour leurs
salariés afin de les
inciter à aller voter, dans l’objectif de contrecarrer un autre risque d’abstention
massive.
Néanmoins, une question se pose quant à la licéité
de ces mesures au regard du principe de liberté et de secret du vote. Le fait d’inciter les
salariés à aller
voter peut-être perçu comme une manière d’entraver leur liberté, notamment par la nécessité de justifier de l’accomplissement de leur devoir afin de percevoir cet avantage qui leur est promis. Au regard de l’interrogation quant à la licéité de l’octroi de ces avantages, Maitre Johan Zenou, en
droit du travail à Paris 20ème revient avec précision sur le sujet.
I. La nécessité de respecter la liberté de vote des salariés
Au cœur même du droit électoral, l’exigence du respect de la liberté et du
secret du
vote des citoyens constitue dans leur ensemble la notion de sincérité du scrutin. De par cette notion, cette sincérité du scrutin peut se définir comme la volonté réelle de l’électeur : La
Constitution française de 1958 l’a d’ailleurs proclamé dans son article en affirmant que «
le suffrage est universel, égal et secret ». De par cet article, il est implicitement exprimé que toute violation de cette liberté serait contraire au principe démocratique affirmé par la Constitution. D’un point de vue plus général, l’article
L106 du Code électoral affirme cette liberté de vote
des citoyens dans leur ensemble en sanctionnant toute atteinte qui pourrait lui être apportée. Il est énoncé au sein de cet article que «
quiconque, par des dons ou libéralités en argent ou en nature, par des promesses de libéralités, de faveurs, d’emplois publics ou privés ou d’autres avantages particuliers, faits en vue d’influencer le vote d’un ou plusieurs électeurs aura obtenu ou tenté d’obtenir leur suffrage (…), sera puni de deux ans d’emprisonnement et d’une amende de 15 000 euros ». Ce texte a vocation à punir tous ceux qui viendraient à influencer le choix des électeurs de manière explicite, par le biais d’avantages en nature ou de
primes.
Mais que faut-il entendre par le terme «
influencer » ? Le fait d’inciter les personnes à voter sans pour autant les orienter vers un choix particulier, constitue-t-il une action tombant sous le coup de la sanction prévue par cet article ? Si l’on s’en tient à la lettre du texte, il est prévu que tombe sous le coup de la peine de deux ans d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende, toute personne octroyant des avantages en nature ou
contreparties financières, «
fait en vue d’influencer le vote d’un ou plusieurs électeurs ».
Ainsi, par le terme
« influencer », il s’agirait pour une personne en particulier (l’employeur dans le cas présent) de s’immiscer dans le choix de l’électeur afin d’orienter le résultat de son vote. Pour autant, le fait d
’inciter à participer au suffrage ne saurait être constitutif d’une
influence explicitement constituée. En effet, l’octroi de ces bonus proposés aux
salariés, le sont uniquement pour les pousser à aller voter et non pas les influencer
dans leur choix de
vote, par le biais de consignes qui pourraient leur être données. Il n’y a donc pour l’
employeur, aucune interdiction d’édicter des
primes afin d’inciter les
salariés à voter dès lors qu’il n’est pas porté atteinte à la confidentialité de leur vote.
II. L’incitation des salariés à voter et le respect de leur vie privée
De nombreuses entreprises offrant à leurs
salariés l’octroi de
primes ou de tout autre avantage
en contrepartie de l’exercice de leur droit civique, souhaitent sa justification par le biais de la présentation de leur carte électorale tamponnée dans un objectif de transparence. Mais cette présentation de la
carte électorale à titre de preuve pourrait-elle être constitutif d’une atteinte
à la
vie privée ? Pour rappel
l’article 9 du Code civil prévoit que «
Chacun a droit au respect de sa vie privée ». Si l’
employeur dispose d’un pouvoir de direction, celui-ci ne peut pas porter atteinte aux droits des personnes ainsi qu’aux libertés individuelles et collectives des salariés. En l’occurrence, en demandant aux
salariés la présentation de leur carte électorale tamponnée afin de pouvoir bénéficier des primes prévues à cet effet, l’employeur ne saurait porter atteinte à leur vie privée. Celui-ci souhaite simplement que ces derniers prouvent qu’ils ont effectivement bien voté, sans pour autant exiger des détails quant à leur
vote, ou qu’ils révèlent le choix de leur vote.
Toutefois, la question d’une possible entrave à la vie privée des salariés n’est pas à écarter. Il pourrait être envisagé que le fait de soumettre la possibilité de bénéficier d’une
prime en cas de présentation de leur carte électorale tamponnée, ait un caractère
discriminatoire sans lien avec la relation de travail. Cependant, cette question concernant la définition de la
vie privée des
salariés est essentiellement définie par la jurisprudence, qui n’a pas établi de cadre spécifique sur la question. La vie privée des salariés étant une notion évolutive, aucune délimitation précise n’est à relever à ce jour. De ce fait, même si l’
incitation financière des
entreprises en elle-même ne semble pas porter atteinte à la
liberté de
vote des
salariés, sa justification à titre de preuve afin de pouvoir bénéficier de ces avantages mériterait une réflexion plus approfondie.
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Cabinet Zenou en
défense de l'employeur à Paris 20ème vous accompagne et vous sécurise afin d'être dans la parfaite légalité de cette démarche.