Comprendre la prise d’acte de la rupture du contrat de travail en 5 points

Comprendre la prise d’acte de la rupture du contrat de travail en 5 points
La prise d'acte est un mode alternatif de rupture du contrat de travail. Elle sera présentée dans le cadre de cet article autour de cinq questions pour permettre à nos lecteurs d'en cerner les contours :
 

La prise d'acte de la rupture du contrat de travail, qu'est-ce-que c'est ?

Il s'agit d'un mode de rupture autonome, distinct de la démission et du licenciement.
Elle désigne la faculté dont dispose tout salarié qui considère que son employeur fait montre de manquements suffisamment graves pour empêcher la poursuite du contrat de travail de prendre acte de la rupture de son contrat de travail, lequel est immédiatement rompu. Le salarié cesse ainsi le travail et informe son employeur qu'il considère le contrat de travail rompu aux torts de celui-ci. Cette voie de rupture est fermée à l'employeur.

Le salarié doit garder à l'esprit qu'il ne peut se contenter de cesser le travail et se doit d'informer nécessairement son employeur qu'il prend acte de la rupture de son contrat  travail.
Ceci dit, la prise d'acte n'est soumise à aucun formalisme, mais pour se constituer une preuve, il est conseillé de l'adresser en courrier recommandé avec avis de réception. Toutefois, il n'est pas exclu que la prise d'acte puisse être présentée par l'avocat du salarié, au nom de celui-ci et même dans un tel cas elle devra être notifiée à l'employeur avant la saisine du Conseil de prud'hommes.
Le contrat étant immédiatement rompu, l'employeur ne peut donc plus licencier le salarié et est contraint d'attendre la décision du Conseil de prud'hommes qui suivant les cas, verra dans la rupture une démission ou un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
 

Quelles sont les effets d'une prise d'acte ?

La prise d'acte produit :
Soit l'effet d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués le justifient (Cass. soc., 25 juin 2003, no 01-42.679 P) ou d'un licenciement nul lors que les manquements reprochés à l'employeur sont de nature à entraîner la nullité du licenciement (tel peut être le cas lorsque la prise d'acte est fondée sur la discrimination dont le salarié a fait l'objet Cass.soc.,12 déc.2012, n°10-28.166), ou d'un licenciement illicite si elle intervient lorsqu'un employeur s'oppose à la réintégration d'un salarié ayant obtenu la nullité de son licenciement (Cass. soc.,29 mai 2013, n°11-28.734 P).
Soit l'effet d'une démission si les griefs invoqués par le salarié ne sont pas justifiés (Cass. Soc., 25 juin 2003, n°01-42.335 P).
Les effets de la prise d'acte ne sont pas négligeables relativement au droit au chômage, d'indemnités de fin de contrat et d'exécution du préavis.
En effet dès lors que la prise d'acte de la rupture suppose la cessation immédiate du contrat de travail, le salarié ne peut être tenu d'effectuer un préavis. Néanmoins le salarié doit avoir à l'esprit que si jamais la prise d'acte est jugée injustifiée, elle produit les effets d'une démission ; dans ce cas, l'employeur pourrait lui réclamer l'indemnité compensatrice de préavis de démission soit l'équivalent de la rémunération du salarié pour la durée du préavis non effectué et ce sans obligation aucune pour l'employeur de devoir démontrer l'existence d'un préjudice.
Dans le cas où la prise d'acte est justifiée, elle s'analyse en licenciement sans cause réelle et sérieuse avec toutes les indemnités usuelles de licenciement s'y référant bien attendu à la charge de l'employeur.
 

Que doit faire l'employeur confronté à une prise d'acte ?

Une fois que le contrat de travail est rompu du fait de la prise d'acte du salarié, il reviendra comme dit plutôt au juge de décider si cette rupture est fondée. L'employeur ne peut donc qu'attendre que le salarié saisisse les tribunaux, puis de démontrer que cette prise d'acte est injustifiée.
En outre en présence de prise d'acte de la rupture du contrat de travail, l'employeur doit délivrer un certificat de travail et une attestation Pôle Emploi au salarié. La mention « Prise d'acte » ainsi que les motifs invoqués par le salarié à l'appui de celle-ci devront nécessairement figurer expressément sur l'attestation Pôle emploi.
Précisons que le législateur a entendu accélérer la procédure d'examen du contentieux lié à la prise d'acte de la rupture du contrat de travail par le salarié ; la phase préalable de conciliation devant le conseil de prud'hommes a été supprimée et l'affaire doit être directement portée devant le bureau de jugement, lequel doit statuer  dans un délai d'un mois.
 

Quels sont les cas dans lesquels la prise d'acte est justifiée ?

La prise d'acte peut être justifiée dans les hypothèses suivantes :
 
Ces cas ne sont pas exhaustifs. En tout état de cause, le juge apprécie au cas par cas le caractère justifié ou non de la prise d'acte avec les conséquences qui en découleront telles que exposées plus haut.
 

La prise d'acte est-elle toujours le meilleur moyen de rompre son contrat de travail ?

S'il est vrai que la prise d'acte permet au salarié de quitter son emploi sans pourtant entrer en conflit frontal avec son employeur, il n'en demeure pas moins que le salarié doit mesurer la gravité des faits reprochés à l'employeur dès lors que tous les manquements de l'employeur ne justifient pas obligatoirement une prise d'acte.
Au demeurant l'aboutissement de la prise d'acte suppose nécessairement la saisine du Conseil de prud'hommes. Certes, la prise d'acte lorsqu'elle est qualifiée de licenciement sans cause réelle et sérieuse, le salarié peut obtenir diverses indemnités et pourra prétendre au chômage, mais le salarié ne doit pas prendre à la légère  le risque de la qualification de la prise d'acte en démission. C'est en cela que la prise d'acte nous semble moins intéressante que la résiliation judiciaire qui fera l'objet d'un autre article.

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