Grève : salaire, quels sont mes droits ?

Grève : salaire, quels sont mes droits ?

Alors que le mouvement social initié le 5 décembre 2019 contre la réforme du système de retraite se poursuit, nombre de salariés ne connaissent pas précisément leurs droits en matière de grève.
Quelles modalités d'expression sont-elles considérées comme un mouvement de grève ? Existe-t-il des formalités préalables au déclenchement d'une grève ? Mon comportement durant la grève peut-il m'être reproché par mon employeur ? Un mouvement de grève dans les transports peut-il m'exonérer de l'obligation de me rendre au travail ?
Autant de questions auxquelles il convient de répondre clairement.
En effet, si le droit de grève est un droit à valeur constitutionnelle, le préambule de la Constitution de 1946 ne fait qu'affirmer que « le droit de grève s'exerce dans le cadre des lois qui le réglementent ».
Il est donc impératif de connaître la réglementation applicable au droit de grève.
Trois situations pratiques seront abordées afin de faire le point :

1ère situation : Je souhaite faire grève mais ne me suis pas encore déclaré comme gréviste.

1ère étape : Avant de cesser le travail, assurez-vous que le mouvement que vous souhaitez rejoindre est bien constitutif de l'exercice du droit de grève.
Pour commencer, il faut savoir que toute expression d'une revendication professionnelle n'est pas constitutive d'un droit de grève et, ainsi, n'est pas protégée au titre du droit de grève.
La jurisprudence de la Cour de cassation est en effet venue définir le droit de grève comme étant un arrêt collectif et concerté du travail en vue d'appuyer des revendications professionnelles, ce qui implique 3 éléments :

  • Le mouvement doit être collectif et concerté : c'est-à-dire qu'au moins deux personnes doivent faire grève.

Une personne ne peut donc pas faire grève seule au sein de son entreprise, à moins qu'elle se rattache à un mouvement de grève qui dépasse le cadre de sa seule entreprise (mot d'ordre national par exemple).

  • Il doit s'agir d'un arrêt total du travail : le fait d'exécuter son travail de manière volontairement défectueuse (grève perlée) ou encore de refuser d'exécuter uniquement une partie de son travail n'est pas considéré comme l'exercice du droit de grève.
  • Il doit avoir pour objet d'appuyer des revendications de nature professionnelle :

Le fait d'arrêter son travail pour des revendications politiques constitue un arrêt de travail illicite. À titre d'exemple, le mouvement des gilets jaunes n'aurait pas pu constituer l'exercice du droit de grève
En revanche, dès lors que le mouvement revêt un objet à la fois politique et professionnel (par exemple, grève contre l'instauration d'une taxe sur le carburant ET contre la réforme des retraites).

  • Un arrêt du travail qui ne remplit pas l'un de ces trois éléments ne serait pas constitutif de l'exercice du droit de grève et entraînerait ainsi une absence injustifiée pouvant faire l'objet d'une sanction disciplinaire pour abandon de poste.

Par ailleurs, toute faute commise à l'occasion de ce mouvement pourra donner lieu à sanction.

2ème étape : Même si le mouvement est bien considéré comme une grève, des formalités préalables sont parfois obligatoires.
Pour la plupart des salariés, l'exercice du droit de grève ne suppose aucun préalable obligatoire, si ce n'est de faire connaître à l'employeur le motif des revendications : il n'existe aucun délai de prévenance ni aucune obligation de négociation ou de refus préalable de l'employeur.
En revanche, afin de limiter le pouvoir de nuisance de la grève, des obligations de prévenance sont prévues pour les fonctionnaires ainsi que pour certaines catégories de salariés (transport public de voyageurs, transport aérien, entreprise privée gérant un service public) :

  • Le préavis de grève : il consiste pour une organisation syndicale représentative à adresser à l'employeur un courrier indiquant les motifs du recours à la grève ainsi que la durée envisagée.

La négociation avec l'employeur/l'administration concernée est ensuite obligatoire.

  • La déclaration individuelle d'intention : outre le préavis de grève, certains salariés sont tenus de faire connaître 48h avant le début du mouvement, leur intention individuelle d'exercer leur droit de grève.
  • Lorsque ces formalités sont obligatoires, le fait de faire grève sans préavis ou sans s'être individuellement déclaré gréviste est constitutif d'une faute pouvant donner lieu à sanction disciplinaire.
 

2ème situation : Je suis déclaré comme gréviste

Pendant la grève, le contrat de travail du salarié est suspendu et le salarié bénéficie d'une protection par le droit du travail.
En application de l'article L. 1132-2 du Code du travail, « aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire (...) en raison de l'exercice normal du droit de grève. »
Par ailleurs, même lorsque le salarié commet une faute dans l'exercice de ce droit, la faute grave ne suffit pas pour sanctionner un salarié gréviste.
L'article L. 2511-1 du code du travail prévoit en effet que l'employeur ne peut sanctionner un salarié gréviste pendant une grève licite que si celui-ci commet une faute lourde, c'est-à-dire s'il est animé d'une intention de nuire à son employeur.
A titre d'exemple, constituent une faute lourde :

  • L'entrave à la liberté du travail des salariés non-grévistes : blocage des accès à l'entreprise, blocage des fournisseurs d'une entreprise tierce ou plus largement tout acte destiné à empêcher autrui d'exercer son travail.
  • Les actes de violence commis pendant la grève : séquestrations, violences volontaires telles que bousculades ou altercations physiques ; il existe en revanche une certaine tolérance envers les propos injurieux.

Ces faits  constituent par ailleurs des délits susceptibles de poursuites pénales.
En revanche, ne sont pas considérés comme un abus du droit de grève constituant une faute lourde dès lors qu'ils n'entravent pas la liberté du travail des salariés non-grévistes et le bon fonctionnement de l'entreprise:

  • le piquet de grève, c'est-à-dire le fait de se poster aux portes de l'entreprise
  • l'occupation des locaux, c'est-à-dire le stationnement des salariés grévistes au sein de l'entreprise

Ces faits ne pourront donc donner lieu à aucune sanction, ni à l'expulsion des grévistes.

Attention : le salarié ne pourra être sanctionné que s'il a pris une part active aux actes constitutifs d'une faute lourde, cela suppose pour l'employeur  de pouvoir rapporter la preuve de la participation personnelle du salarié sanctionné (au moyen de photographies ou, le cas échéant, de constats d'huissier).

 

3ème situation : Je ne suis pas déclaré comme gréviste

Si vous n'êtes pas déclaré comme gréviste, aucune retenue ne pourra être prélevée sur votre salaire. En revanche, vous avez l'obligation de vous présenter au travail.

  • En cas de mouvement de grève dans les transports vous empêchant de vous rendre sur votre poste de travail :

Cela ne constitue pas un cas de force majeure et votre employeur n'est pas tenu de vous rémunérer. La retenue sur salaire doit toutefois être strictement proportionnelle à la durée de votre absence.
Néanmoins, vous ne pourrez pas être sanctionné si vous avez informé votre employeur de cette absence et si vous l'avez justifiée.

En principe, l'employeur a l'obligation de fournir du travail à ses salariés, il ne peut donc prendre la décision de fermer l'entreprise pour riposter à un mouvement de grève.
En revanche, dans la mesure où l'employeur doit assurer la sécurité de ses salariés, il peut être amené à fermer l'entreprise et être dispensé du paiement des salaires, s'il a fait tout ce qui était en son pouvoir pour fournir du travail aux non-grévistes :

  • En cas de danger réel pour la sécurité des salariés : le danger ne soit pas être hypothétique
  • En cas d'impossibilité absolue de fournir du travail : notamment en cas de blocage de l'entreprise, s'il a préalablement sollicité et obtenu en Justice l'expulsion des grévistes

Hormis ces cas, l'employeur est tenu de rémunérer ses salariés, y compris s'ils sont dans l'impossibilité de fournir leur prestation de travail.

Employeur ou salarié, n'hésitez pas à contacter le Cabinet ZENOU pour une consultation personnalisée. Nous nous attacherons à vous répondre au mieux afin de prévenir ou de solutionner un éventuel litige. 

Ces articles pourraient vous intéresser…

État du droit des femmes dans le monde du travail en France
07

Mars

État du droit des femmes dans le monde du travail en France

« Ma revendication en tant que femme c’est que ma différence soit prise en compte, que je ne sois pas contrainte de m’adapter au modèle masculin. » Simone Veil.Simone de Beauvoir, Coco Chanel, Simone Veil, Gisèle Halimi… Autant d’icônes...

Les droits des femmes enceintes lors de la démission : Ce que dit la loi
22

Juin

Les droits des femmes enceintes lors de la démission : Ce que dit la loi

Parallèlement au droit commun de la démission, il existe des régimes dérogatoires régissant certains cas particuliers de démission. Il s’agit de la démission de la femme enceinte et de la démission pour événements familiaux. Les salariés...

Le licenciement verbal : principes régime et sanction
20

Fév

Le licenciement verbal : principes régime et sanction

L’illustration la plus caricaturale du licenciement verbal est celle du DRH qui dit à son salarié « vous êtes viré ! » et l’accompagne, ou non, vers la sortie en lui demandant de ne pas revenir. Si cette pratique est fréquen...

Promesse d'embauche : Contrat de travail ou simple offre d'emploi ?
07

Sep

Promesse d'embauche : Contrat de travail ou simple offre d'emploi ?

Sur le point d’être diplômé ou salarié à la recherche du prochain défi professionnel à relever ? Vous n’êtes pas disponible immédiatement, mais vous êtes à l'écoute du marché du travail. Bonne nouvelle ! Une entreprise est fortement ...

RÉALISATION DE VOS DOCUMENTS LÉGAUX

Faites réaliser tous vos documents juridiques par un professionnel...

EN SAVOIR PLUS...